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Une semaine japonaise à Paris : trois lieux incontournables
L’Unesco organise du 4 au 8 septembre l’exposition "Voyage créatif au Japon". L’occasion de visiter d’autres manifestations autour de la culture nippone dans la capitale, avec deux autres lieux. Le Pavillon de l’Arsenal, présente l’exposition "Architecture japonaise à Paris – 1867-2017" et La Maison de la culture du Japon offre un panel qui recouvre toutes les variantes d'un monde fascinant
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Des relations tardives
Le Japon et la France, c’est une longue histoire, mais pas si ancienne. Extrêmement fermé à toute intrusion extérieure, aucun contact n’est établi entre l’Archipel et le Royaume de France avant le XVIIe siècle. La première rencontre date de 1615 quand le samouraï Hasekura Tsunemaga, émissaire de son suzerain envoyé à Rome, s’arrête sur la côte méditerranéenne… à Saint-Tropez.En 1619, François Carron est le premier Français à fouler le sol nippon. Jésuite, voyageant clandestinement suite à l’interdiction du christianisme déclarée au Japon, il est arrêté, torturé dans l’objectif d’obtenir son parjure, et tué le 29 septembre 1687. Martin Scorsese a traité le sujet dans son magnifique "Silence", à propos des franciscains portugais proselytes catholiques dans l'Archipel. Les relations commencent mal… Plus aucun Français ne débarquera au Japon avant 1780, depuis l’instauration en 1641 de la politique d’isolationnisme Sasoku sous l’ère Edo (1600-1898).
Il faudra attendre 1855 pour observer un début d’ouverture du Japon au reste du monde, quand la France, comme les Etats-Unis, signent le traité d’Okinawa, avant que des relations diplomatiques s’instaurent à partir de 1858. Une première délégation japonaise arrive alors en France en 1862. Les échanges ne feront que croitre.
Le pays va garder en France une identification à l’exotisme le plus absolu, comme en témoigne les nombreuses bandes cinématographiques du début du cinéma. Ainsi, les premiers opérateurs Français au Japon sont Gabriel Veyre et Constant Girel 1897 : le cinéma n’a que deux ans.
L’engouement s’est fait sentir en France dès la seconde partie du XIXe siècle. L’école impressionniste s’en est emparée, la maison de Monet à Giverny est constellée d’estampes japonaises et Van Gogh s’en réclamait dans son art de l’aplat. Depuis, les échanges artistiques, culturels n’ont jamais cessé entre les deux pays et une fascination réciproque demeure.
Voyage créatif au Japon à l'UNESCO
Situé dans le siège de l’Unesco (7, place Fontenoy, 75007 Paris), l’exposition "Voyage créatif au Japon" du 4 au 8 septembre est composée en trois parties : "Les Régions de Japon", "La Culture Traditionnelle" et "La Culture contemporaine".- La section "Les Régions du Japon" met en avant 54 sites sélectionnés par l’agence de la culture du gouvernement japonais, selon un cahier des charges recoupant les moyens mis en œuvre localement pour promotionner le développement durable par les Arts et la Culture. Les régions de Gifu ("le pays des courants d’eau pure"), Nara (où réside les plus grandes richesses du Patrimoine Mondial au Japon) et Nagasaki (la région la plus ouverte de l’Archipel) sont particulièrement mises en avant.
- "Patrimoine Japonais" recouvre en 54 panneaux le Patrimoine nippon glané dans tout le pays, voué à l’artisanat traditionnel et à des installations de réalité virtuelle consacrées à la découverte des paysages si caractéristiques du Japon. La visite est accompagnée de dégustation de thé, produit sacrée locale majeur.
Pour évoquer les traditions du Japon, l’exposition met l’accent sur l’arrangement floral de l’école d’Ikenobo, la calligraphie, la cérémonie du thé, les gâteaux, et le "Shamisen", instrument de musique traditionnel.
- "La Culture Contemporaine du Japon"
Cette culture contemporaine japonaise représentée dans l’exposition est en grande partie consacrée aux mangas (BD japonaise) et à l’adaptation ou la conversion de cet art dans des dessins-animés aux sujets originaux (Hayao Myazaki, Mamoru Oschi, Katsuhiro Ôtomo…). L’approche est plus particulièrement consacrée aux paysages nippons.
Le manga ferait le pont entre la culture traditionnelle et contemporaine, à travers les "Enakis", rouleaux de peinture datant de la période "Helan", entre les 9e et 12e siècles, dont il actualiserait les composantes. Une première en France consiste à mettre en parallèle des images tirées des films et des paysages réels. L’exposition est accompagnée de la projection de films d’animation, dont la Première en France de "Rudolphe et Ippaiattena", "Forme de voix", et "Tom Nom…"
L’art japonais contemporain est également présent à travers la compagnie PAS (Perception and Action Space) qui conçoit des chaises dont le design est déduit de longues années de travail effectuées au contact des personnes handicapées qui "permettent à chaque individu de jouer un rôle social dans la société humaine, de s’intégrer".
Enfin, l’exposition se consacre à faire découvrir l’accueil à la manière japonaise, l’"Omotenashi", où domine la "symbiose" de la diversité culturelle entre les êtres. La cérémonie du thé en est la plus pure expression, dans l’objectif d’apaiser et respecter l’âme, préserver la pureté des objets et de l’atmosphère de la petite pièce qui lui est consacrée, le "Chashitsu". A travers elle, l’on doit atteindre l’âme, se respecter l’un l’autre, préserver la pureté intrinsèque aux objets qui nous entourent et rester inébranlable.
L’ensemble de l’exposition constitue un parcours initiatique, une expérience qui va à la rencontre d’une culture autre, raffinée et spiritualiste, aux confins de l’ancestralité et de la modernité.
L'architecture japonaise (1867-2017) au Pavillon de l'Arsenal
L’architecture est, avec les arts graphiques et la peinture, la forme artistique la plus connectée entre le Japon et la France. De nombreux bâtiments conçus par des architectes japonais essèment à Paris, tels que la Tour Pacific de La Défense, la transformation intérieure de la Bourse du Travail, celle de l’ancien magasin de la Samaritaine, ou la création de la gare de Saint-Denis Pleyel, la réalisation de ces deux dernières étant toujours en cours.Le Pavillon de l’Arsenal, 21 boulevard Morland 75004 Paris, retrace la présence des architectes japonais en France de 1867 à nos jours, sous forme de photographies, plans, premiers jets, maquettes… 1867 correspond à la date de la participation du Japon à l’exposition universelle à Paris, manifestation internationale à laquelle le pays concourra désormais régulièrement. Une conversion à l’ouverture rapide si l’on considère l’instauration récente d’échanges diplomatiques entre les deux pays et le monde (1858). Mais au rythme irrégulier de ces expositions, le Japon joue d’abord la carte conservatrice, et ses pavillons emblématiques (comme pour chaque pays participant) relève d’une architecture traditionnelle, synonyme d’exotisme et du savoir-faire local.
Il faut attendre 1928, pour qu’une révolution s’opère. C’est l’époque des Arts décoratifs en France (Robert et Sonia Delaunay), des mouvements De Stijl en Hollande (Piet Mondrian, Theo Van Doesburg), du Bauhaus en Allemagne (Paul Klee, Wassily Kandinsky, Walter Gropius, Mies Van der Rohe), des Avant-gardes russes (Kasimir Malevitch, El Lissitsky).
En 1928, une nouvelle génération d’architectes nippons débarque en France pour s’ouvrir à cette modernité, en rencontrant notamment Le Corbusier. Kunio Maekawa et Junzo Sakakura en seront les fers de lance. Ce travail aboutira en 1936 au magnifique pavillon japonais de Junzo Sakakura pour l’Exposition internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne de Paris, où il remporte le Grand prix.
Cette reconnaissance ne s'est pas faite sans mal, moult controverses ayant précédé la sélection du projet au Japon pour le représenter, sous prétexte d’être en rupture avec le style traditionnel. Pourtant le pavillon manifeste l’inverse, dans le respect de la linéarité de l’édifice en phase avec l’épure, la clarté et l’axe horizontal/vertical de l’harmonie nippone. La révolution émane de l’utilisation nouvelle de matériaux nouveaux, tel que le verre, le fer et le béton, comme la pratiquent les autres architectes contemporains. Le signe d’une nouvelle ouverture à l’international. Etonnamment, l’espace épuré de l’intérieur japonais traditionnel, l’axe orthogonal dominant, se retrouvent dans les tendances architecturales des Avant-gardes européennes, déduites des recherches en peinture. Sa manifestation la plus claire se reflète dans le néo-plasticisme des toiles de Mondrian, dont l’objectif majeure est d’être un laboratoire pour l’architecture.
Un attrait réciproque se développe, avec en tête de liste les intellectuels français, tels que Roland Barthes ou Michel Foucault qui se passionnent de culture nippone. Autre nippophile : Jacques Chirac sous l’impulse duquel, comme maire de Paris, plusieurs projets d’architectes japonais vont sortir de terre dans les années 1980-90. C’est l’immeuble et la salle de cinéma Grand écran (reconvertie depuis en centre commercial) place d’Italie (Kenzo Tange), la Tour Pacific de La Défense (Kisho Kuosawa) ou d’espaces, comme le jardin japonais de l’Unesco (Tadao Ando).
Une cinquantaine de maquettes illustrent ces réalisations, certaines faisant partie de projets éphémères comme "Many Small Cubes" de Soi Fujimoto (2014) ou "Yure Pavillon" de Kengo Kuma (2015) pour la FIAC.
La scénographie sobre, lumineuse et aérée du Pavillon de l’Arsenal se prête parfaitement à l'exposition pour valoriser "les grands items de l’architecture japonaise – fluidité, transparence, mixité des fonctions, transition douce entre l’intérieur et l’extérieur, intégration de la nature – (qui) répondent aux aspirations des métropolitains", comme l’explique Andreas Koflet, architecte et urbaniste.
Le vêtement à la Maison de la Culture du Japon à Paris
Ultime lieu emblématique de la culture nippone à Paris, la Maison de la Culture du Japon à Paris (101, bis quai Branly. 75015 Paris). Née de la rencontre entre le président François Mitterrand et le Premier ministre japonais Zenko Suzuki, les fondations sont creusées en 1994, l'édifice étant livré en 1997. L’immeuble de onze étages, dont six visibles, est l’œuvre des architectes britannique Kenneth Amstrong et japonais Masayuki YamanakaDirigée par la Fondation du Japon, dont elle est la vitrine, la Maison de la Culture du Japon déploie sur 7 500 m2 un espace polyvalent de 500 m2, des salles de cinéma, une bibliothèques riche de 28 000 ouvrages en japonais, français et anglais dédiés au Japon et sa culture, ainsi que de la presse magazine et quotidienne japonaise du moment, une maison du thé....
L’espace est largement dédié au spectacle vivant, traditionnel et contemporain, au cinéma et à divers ateliers, comme l’initiation à la calligraphie japonaise, l’art floral (ikebana), l’art du pliage (origami), l’art culinaire, les arts martiaux, le manga, ou le jeu de go… L’apprentissage de la cérémonie du thé y est également délivré, comme l’enseignement de la langue japonaise.
La Maison vient de rouvrir le 1er septembre et consacre une exposition à partir du mercredi 6 aux créateurs de mode Keisuke Kanda et Kunihiko Morinaga (Anrealage) : "Anofuku – le vêtement réinventé". La spécialiste mode de Culturebox, Corinne Jeammet, y consacre un article en avant-première. A ses yeux toute l’ambivalence nippone entre passé et futur se condense chez ces deux designers : "Keisuke Kanda et Kunihiko Morinaga entremêlent, réorganisent et reconstruisent le passé et le futur, les cultures japonaise et occidentale, l’ordinaire et l’extraordinaire, les matériaux, les technologies, le business, la confection manuelle ainsi que leurs souvenirs personnels, afin de créer des vêtements proposant ‘une image possible de l’avenir’".
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