Tour à tour aléatoire et maîtrisé, l'art minimal selon Robert Morris au MAMC de Saint-Etienne
Figure du minimalisme, le sculpteur américain Robert Morris est à l'honneur au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne.
Cette exposition fait partie de celles dans lesquelles on peut rentrer en se disant : "Encore de l'art contemporain conceptuel ! Je ne vais rien comprendre !". Oublions nos à priori et laissons-nous guider par Alexandre Quoi, le commissaire associé de l'exposition Robert Morris The perceiving body (Le corps perceptif), proposée jusqu'au 1er novembre 2020 au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne.
Une simplicité qui interpelle
Robert Morris est un artiste américain considéré comme une figure majeure de l’histoire de l’art contemporain, et plus précisément du minimalisme, aussi appelé art minimal. Ce courant, né au début des années 60, prône des formes géométriques très dépouillées, des volumes orthogonaux où la couleur est absente. Les matériaux sont bruts : acier, béton ou feutre. Pas de chichi, pas de déco, aucun artifice et pas de charge émotionnelle. Inutile de chercher à interpréter. La démarche est ailleurs simple, comme l'explique Alexandre Quoi.
Si Robert Morris choisit des formes aussi simples, c'est tout simplement pour nous interpeller sur 'Qu'est-ce-que je vois ? Quelle est mon attente vis-à-vis d'un objet artistique quand je rentre dans un musée
Alexandre QuoiCommissaire associé de l'exposition
"Il y a une dimension de recherche, de redéfinition de ce qu'est la sculpture et ce nous attendons de ce support en tant que spectateur" ajoute le commissaire.
Aléatoire et maîtrisé
Parmi les quatorze oeuvres exposées, l'une d'entre elles peut vraiment dérouter le visiteur au premier abord. Baptisée Untitled (Scatter Piece), elle présente deux cents éléments éparpillés au sol (en anglais, scatter signifie dispersion) et à première vue "n'importe comment". C'est loin d'être le cas. Selon leur matériau (on en compte sept différents), ils peuvent être pliés ou mis à plat et les matériaux similaires ne peuvent être en contact. Robert Morris a défini un protocole tout en laissant un espace de liberté à ceux qui se chargent de l'installation.
Cette expo n'a jamais la même apparence selon l'endroit où on l'installe".
Alexandre QuoiCommissaire associé de l'exposition
"Robert Morris a déterminé des règles aléatoires pour confier à une autre personne -moi en l'occurrence- un dispositif évolutif". Il faut donc voir cette oeuvre non comme un éparpillement incohérent mais comme un grand tableau composé de formes qui s'organisent entre elles et dont la perception change selon l'angle de vue du spectateur.
Encore plus déroutantes, ces trois grandes formes géométriques posées dans une pièce et composées de planches de contreplaqué peintes en gris. Untitled 3Ls évoqueraient trois corps dans des positions différentes, assise, debout et couchée. Certes, mais la démarche peut laisser sceptique...
Plus interactives, des sculptures jouent avec les effets de miroir. Parmi elles, Portland Mirrors : quatre miroirs encadrés de bois naturel qui permettent au visiteur de jouer avec les reflets et les perspectives. Ou encore ces Mirror cubes qui réfléchissent le sol, les murs et les personnes qui bougent dans la pièce.
Des feutres expressifs
Moins rigide et plus expressive, la série des feutres (les Felt Pieces) qui font partie des pièces les plus célèbres de Robert Morris. Taillées dans du feutre industriel servant à l'isolation des bâtiments et des voitures, ces oeuvres offrent une part d'aléatoire qui dépend de leur accrochage, du vieillissement du tissu lui-même. Les formes naissent du poids de l'étoffe et de la façon dont il est lacéré. Ici, c'est la matière qui détermine la forme et non le contraire.
Contrairement aux sculptures hyper maîtrisées de l'artiste, les feutres offrent une part d'imprévu. Réalisés à la fin des années 60, ils ont marqué un tournant dans la démarche de l'artiste. En effet, en 1968, Robert Morris publie un article baptisé Anti Form dans lequel il s'oppose au minimalisme. Il propose dès lors une sculpture plus souple, des "oeuvres molles" où la matière s'organise d'elle-même sans être soumise à un ordre extérieur.
L'exposition proposée à Saint-Etienne ne prétend pas embrasser toute la carrière de l'artiste mais seulement les oeuvres conçues dans les années 60 et 70. Certaines ont donc plus d'un demi-siècle. Malgré tout, cette exposition revêt un caractère très actuel et presque "émotionnel". Car elle a été conçue par Robert Morris lui-même, juste avant sa mort en 2018 (il était âgé de 87 ans), avec le commissaire indépendant américain Jeffrey Weiss.
La plupart des oeuvres présentées - qui proviennent de grandes collections internationales - ont rarement été exposées en France. Reconnue d’intérêt national par le Ministère de la Culture, l'exposition bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État.
"Exposition Robert Morris The perceiving body"
Jusqu'au 1er novembre 2020
Au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne
Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h sauf les mardis
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