"Take Me" à la Monnaie de Paris : "Laisser des trucs, prendre des trucs !"
Dans la première salle de cette exposition, le spectacle est saisissant. Dans ce salon 18ème de la Monnaie de Paris, salon de parquet, de marbre et de lustre, d'immenses tas de vêtements se dressent devant le visiteur. C'est l'oeuvre de Christian Boltanski. Son nom : Dispersion . La règle du jeu: choisir une pile, un vêtement et le garder dans un grand sac en kraft. Un sac avec le nom de l'artiste dessus et qu'on vous donne à l'entrée.
Le duo britannique Gilbert & George offrent des badges. L'allemand Hans-Peter Feldmann des petites Tour Eiffel en métal. Il y a là un tapis de bonbons de l'américain Felix Gonzales-Torres. Vous pouvez aussi avaler des petites pilules bleues qui tombent du plafond, repartir avec de l'eau de rose, des conserves de sardines ou bien une hostie... et puis laisser des trucs aussi. Comme dans la "Swap Room ", la salle du troc, imaginée par l'artiste slovaque Roman Ondák. On vous y tend un objet, vous pouvez l'échanger contre un autre que vous avez sur vous. Et puis acheter, pourquoi pas, pour 50 centimes d'euro une petite capsule de plastique transparent avec à l'intérieur de l'air. Elle est signée Yoko Ono. Et le tout fourré dans ce même grand sac qu'on vous a distribué à l'entrée.
Donner un coup de frais au monde de l'art contemporain
Mais le but ce n’est pas de faire ses courses gratuitement… L’idée c’est de "donner un coup d’air frais au monde de l’art contemporain, " explique Christian Boltanski. D’ordinaire intimidé, ici le visiteur touche, embarque et participe ainsi à l’exposition qui ne cesse d’évoluer.
Et puis, au sortir de l’expo, tout un tas de questions se posent : On en fait quoi de ce sac ? Et de tous les trucs qu'on a mis dedans ? Ont-ils de la valeur ? Si oui, quelle est-elle ? Pourquoi a-t-on choisi ces objets-là ? Sont-ils uniques ?... "Le visiteur a deux possibilités, " explique l'artiste Christian Boltanski qui est aussi un des commissaires de l'exposition. "Il peut manger les bonbons de Felix Gonzales-Torres, porter le vêtement qu'il aura pioché dans mes piles...ou alors il peut les garder comme des reliques et considérer que ce sont là des oeuvres d'art. L'eau de Lourdes devient sacrée quand elle est dans sa bouteille, sinon c'est de l'eau du robinet ".
Ainsi, vous êtes libre de considérer que le sac avec lequel vous repartez et son contenu sont des oeuvres précieuses, intouchables. Ou ne voir là que du banal, du sans valeur, du rien. Christian Boltanski espère une chose : que les visiteurs jouent le jeu, car c'est un jeu, qu'ils osent, s'amusent, qu'ils comprennent que "l'art c'est la liberté ". Et que tous les objets finissent dispersés. Comme des sous. Ce n'est pas par hasard si c'est la Monnaie de Paris qui a décidé d'accueillir cette fameuse expo.
Take Me, I'm Yours , c'est à la Monnaie de Paris, jusqu'au 8 novembre 2015.
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