JR entre quatre murs, à la Maison européenne de la photographie
En 2006, l'ex-maire du 4e arrondissement de Paris, Dominique Bertinotti, avait offert les murs extérieurs de l'espace culturel des Blancs Manteaux à JR. Puis le jeune artiste avait été invité à coller sa fresque "Portraits d'une génération", sur les murs de la Maison européenne de la photographie (MEP), puis plus tard sur les quais de l'île Saint-Louis. C'est donc presque en habitué qu'il revient dans le quartier, où on lui a donné carte blanche pour investir cette fois l'intérieur de la MEP. Le jeune artiste qui s'était fait connaître par ses collages dans la rue, entre au musée.
C'est la première exposition importante de JR dans une institution parisienne et on reste sur sa faim. Est-il déçu lui aussi ? On n'a pas vu sa silhouette élancée, son chapeau et ses lunettes noires le jour de la présentation à la presse. Il s'était caché "quelque part dans la MEP", nous avait-on dit.
JR au bout d'un tuyau
"Il saura se manifester dans les salles de l'exposition à qui voudra bien être attentif", nous avait prévenus son directeur de studio, Emile Abinal. Et c'est dans une espèce de grotte en lattes de bois, évoquant ses premières virées à Paris, quand il avait 14-15 ans et qu'il habitait en banlieue, qu'on va le dénicher.Le dispositif est sympathique et un peu anecdotique : un petit train électrique fait le tour de la grotte, passant par une gare de Montfermeil imaginaire. Des cheminées nous rappellent les toits de Paris où JR a fait ses premiers graffitis.
Entre le vacarme de deux trains, on distingue péniblement, sortant d'un bout de descente pluviale en zinc, une voix : "Je suis là, de l'autre côté du tuyau. N'hésitez pas si vous avez une question." Il explique que cette installation est un clin d'œil à sa "première approche de Paris".
Appareil photo et maquettes
Ses débuts sont aussi évoqués par son premier appareil photo : c'est devenu une légende, il avait 17 ans, il l'a trouvé dans une station de RER et il a commencé à faire des photos. L'appareil est présenté dans une vitrine. A côté de petits tirages de ses premières photos argentiques en noir et blanc. A l'époque, il les tirait au format photocopie et les collait dans la rue, entourées d'un trait noir. C'est la démarche qui avait de l'intérêt. L'accrochage classique d'une exposition de musée n'a pas grand intérêt.Les trains électriques rappellent le projet "Women Are Heroes", lancé par JR en 2008 pour rendre hommage aux femmes du monde entier : il colle alors les yeux d'une femme sur un train au Kenya et aussi de grands visages sur les murs d'une favela à Rio de Janeiro. La démesure du projet était fascinante, la maquette du cargo parti du Havre avec le portrait géant d'une femme kényane collé sur 180 conteneurs n'en est qu'une piètre évocation.
Les grandes photos de ses "Géants", portraits de sportifs anonymes installés à Rio au moment des Jeux Olympiques à Rio, rendent davantage justice à son travail. Plus finalement que la nageuse monumentale installée au 3e étage de la MEP, à l'étroit aussi quand ses collègues trônaient en haut d'un immeuble d'une vingtaine d'étages dans le quartier de Flamengo ou face à la mer au bout d'une jetée.
Des yeux dans le métro
Plus intéressante, une grande fresque animée ("The Gun Chronicles : a Story of America", une des dernières réalisations de JR), confronte 245 Américains favorables ou opposés au port d'armes.On aime JR quand il fait disparaître la pyramide du Louvre ou qu'il propose à des milliers d'anonymes d'afficher leurs visages dans l'espace public, qu'il les fait participer à ses projets, qu'il donne la parole aux jeunes de Clichy-Montfermeil. On admire la force de son petit enfant mexicain qui regarde par-dessus le mur-frontière avec les Etats-Unis ou celle de ses collages géants dans un quartier. Quand il entre au musée, on s'ennuie un peu.
On préférera aller voir JR dans le métro et le RER, où ses grands collages de 26 regards d'anonymes sont exposés jusqu'au 10 février dans 11 stations.
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