Perles et briques de verre, lotus dorés, l'univers de Jean-Michel Othoniel au Petit Palais
Jean-Michel Othoniel expose au Petit Palais 70 œuvres en verre ou en métal pour la plupart jamais montrées à Paris. Jusqu'au 2 janvier 2022
"Lotus" dorés, "nœuds" de perles de verre ou de métal, briques colorées, Jean-Michel Othoniel, un artiste qui n'avait pas eu de grande exposition à Paris depuis longtemps, déploie dix ans de travail dans le jardin et le bâtiment du Petit Palais qu'il a voulu "ré-enchanter".
Jean-Michel Othoniel est connu pour ses œuvres en perles de verre, en particulier celle qui décore la station de métro Palais-Royal. Il avait eu une grande exposition au Centre Pompidou en 2011. Le Petit Palais l'a invité à investir la totalité du musée, de l'entrée où il a installé une grande rivière de briques bleues, au jardin et au sous-sol. "Il n'y avait pas eu de grand exposition consacrée à Jean-Michel Othoniel à Paris depuis dix ans, et c'est l'occasion de faire le point, de voir l'évolution de son travail", souligne Christophe Léribault, co-commissaire de l'exposition, ex-directeur du Petit Palais qui vient d'être nommé à la tête du musée d'Orsay.
Un dialogue avec l'architecture
"Ce projet a été très important pour moi car il est arrivé dans la période sombre du confinement, ça m'a permis de me projeter et de sortir du marasme dans lequel nous étions tous. Le fait d'avoir un but et un endroit aussi merveilleux à ré-enchanter, ça m'a donné l'énergie qui m'a permis de rebondir dans mon travail. Beaucoup d'œuvres ont été faites spécialement pour le lieu", explique Jean-Michel Othoniel.
L'artiste a particulièrement aimé travailler dans le joli jardin intérieur qu'il a parsemé de sculptures de métal couvert de feuille d'or, qui répondent aux guirlandes de vigne dorées qui courent le long de la façade ou aux anges dorés perchés sur le toit. Car c'est avec l'architecture qu'il a décidé de dialoguer, plutôt qu'avec les œuvres des collections.
"Ce jardin, c'est vraiment le centre de l'exposition. Tout part de là", explique Jean-Michel Othoniel. "L'univers des jardins est quelque chose de très important dans mon travail depuis longtemps." Bien que celui-ci ne soit pas très grand, l'artiste admire sa construction et s'est amusé à y dissimuler ses œuvres dans un dispositif qui bouge avec la lumière, qui va évoluer avec les saisons.
Des lotus dorés posés sur les bassins
Il a suspendu des Colliers de grosses perles dans les branches. Il a posé des "lotus" dorés sur les bassins, qui se reflètent dans l'eau, évoquant Narcisse. L'exposition s'appelle "Le complexe de Narcisse". Sous la galerie de colonnes qui fait le tour du jardin, ce sont de grands "nœuds" de métal argenté sur un socle également argenté qui reflètent tout ce qu'il y a autour, selon l'angle de vue : l'architecture, la verdure du jardin, les fresques de Paul-Albert Baudoüin (1844-1931) qui ornent la voûte. Le spectateur aussi se reflète à l'infini dans les boules qui elles-mêmes se reflètent entre elles.
"Pour moi, le narcissisme qui est évoqué dans cette exposition est un narcissisme positif autour duquel on se construit. En se reflétant on reflète le monde autour de soi", explique Jean-Michel Othoniel.
De l'intérieur, on voit par la fenêtre un de ces "nœuds" argentés qui s'invite sur la vitre de protection d'une toile de Courbet, Le Sommeil, comme en clin d'œil aux perles du collier cassé posé sur le lit. "Une rencontre qui s'est faite par le hasard", s'amuse Jean-Michel Othoniel.
Entre jour et nuit, une couronne de 500 kg
Le jardin, c'est le monde du jour. Au sous-sol, on se dirige vers un monde plus sombre. Avec entre les deux une Couronne de la nuit, pièce de perles de verre de Murano de 500 kg suspendue comme un lustre au-dessus de l'escalier qui nous y mène, que l'artiste a offerte au musée et qui restera en place.
Au sous-sol on va découvrir de nouveaux "nœuds", et aussi l'univers de briques sur lequel Jean-Michel Othoniel travaille depuis environ sept ans, avec des verriers indiens. Dans une première salle, de beaux tableaux de briques accrochés aux murs déploient des couleurs chaudes. Son désir de travailler sur le motif de la brique est lié à son intérêt pour l'architecture. Il évoque les piles de briques vues au bord des route, qu'on achète une par une jusqu'à pouvoir construire sa maison.
"Les couleurs que vous voyez là sont des couleurs très sensuelles, on pourrait presque les goûter. Elles sont travaillées de façon ancestrale, il y a des impuretés, les pigments, naturels, ne sont pas fixes, ce qui explique cette variation", explique-t-il.
Une grotte pour libérer la parole
Au centre, ce sont des briques de métal qu'il a utilisées pour construire son Agora, une espèce de grotte créée pour "libérer la parole", car il estime que, "aujourd'hui, la parole a besoin d'être protégée, d'être sauvée". On ne peut y entrer qu'à cinq ou six pour échanger, mais il a l'idée de construire un jour une plus grande agora dans l'espace public.
Et puis Jean-Michel Othoniel a imaginé, dans une grande salle, une très belle installation de ce qu'il appelle ses Nœuds sauvages en perles de verre coloré, suspendus au-dessus d'une mer de briques bleues. Ses premières formes nodales étaient inspirées des théories de Jacques Lacan. Il en avait exposé quelques-unes lors de son exposition au Centre Pompidou. Il raconte avoir été contacté par un jeune mathématicien qui en avait vu une photo et qui l'accusait de copier son travail. Ils se sont finalement rencontrés.
"Les images qui sortent de ses calculs mathématiques sont exactement la représentation de mes sculptures. Ça a créé une sorte de trouble entre nous." Ils ont alors commencé à travailler ensemble, échangeant le fruit de leur création et de leur travail respectifs. Ce qu'on voit au Petit Palais est le résultat de dix ans d'échange.
L'énergie retrouvée
Accrochées sur les murs tout autour, de nouvelles œuvres en brique mélangent des turquoises, des jaunes, des verts, des rouges, sous forme de blocs cette fois. Des spots qui passent à travers le verre projettent sur le mur blanc des tâches de couleurs aux contours flous qui contrastent avec le côté carré des pièces.
Ces œuvres "ont été dessinées pendant le deuxième confinement. Au premier confinement je ne savais plus vraiment ce qu'allait devenir le monde et ce que j'allais devenir. J'étais complètement perdu", raconte l'artiste. "Et puis pendant le deuxième j'ai commencé à dessiner chaque jour une sorte de mandala, avec le même nombre de briques, de couleurs différentes. D'essayer de retrouver une poésie, une énergie. Chacune évoque une émotion différente."
Jean-Michel Othoniel, Le Théorème de Narcisse
Petit Palais
Avenue Winston-Churchill, 75008 Paris
Exposition gratuite sans réservation, au sein des collection et dans le jardin
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le vendredi jusqu'à 21h, fermé le lundi
Du 28 septembre 2021 au 2 janvier 2022
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