Le numérique sauve le marché de l'art du choc Covid-19 d'après une étude d'Artprice
Le marché de l'art se maintient grâce au numérique avec de nouveaux clients et une géographie explosée. La Chine revient sur le devant de la scène tandis que l'Europe dévisse sauf en Allemagne.
Le marché de l'art, forcé de basculer massivement vers le numérique, a globalement bien accusé le choc du Covid avec une perte de 21% de chiffre d'affaires seulement, découvrant de nouveaux clients et horizons, révèle un rapport d'Artprice.
Publié chaque année par la société leader de l'information sur le marché de l'art, ce rapport porte sur les résultats de "Fine Art": peintures, sculptures, dessins, photographies, estampes, vidéos, installations, tapisseries, à l'exclusion du mobilier, des automobiles, etc.
Sous le coup des confinements successifs, les enchères à distance sont devenues en un an la nouvelle norme, jusqu'à des ventes totalement en ligne, sans commissaire-priseur. "Le marché de l'art a su rebondir par le numérique qu'il a totalement investi, ce qui a permis de limiter la chute du chiffre d'affaires", souligne Thierry Ehrmann, président d'Artprice, qui y voit une "révolution".
Nouveaux clients
"C'est un basculement spectaculaire qui a fonctionné au-delà des attentes et malgré les réticences de certaines maisons de ventes" attachées aux vieilles méthodes en présentiel, explique-t-il à l'AFP.
Les raisons expliquant la limitation des pertes ? "Il y a une évolution sociologique. Les enchères sur internet font venir de nouveaux clients, les 30/40 ans, qui n'avaient pas accès ou ne supportaient pas l'ancien régime. C'est souvent l'art contemporain (qui pèse pour 16% du marché) qu'ils viennent acheter. Il est la locomotive aujourd'hui. La présentation des oeuvres en 3D sur internet est attractive", explique-t-il.
L'évolution est aussi géographique : "il n'y a plus de fuseaux horaires pour passer commande. Une maison belge ou suédoise va par exemple découvrir de nouvelles zones de richesses, des clients à Singapour, en Indonésie par exemple".
"Ce marché avait trente ans de retard, il a atteint en un an un nouvel équilibre, que les projections les plus optimistes prévoyaient en 2025", s'est-il félicité.
Plus de monde en ligne "implique aussi plus de concurrence". Le taux de vente très positif (76%) "repose ainsi sur cette audience renouvelée, couplée à des estimations de prix prudentes pour être attractives", souligne le rapport.
La Chine de retour en première place
La performance chinoise impressionne : la Chine est revenue à la première place mondiale après quatre ans où les Etats-Unis l'avaient devancée. Elle pèse 39% du marché du "fine art" contre 27% aux États-Unis, où la flambée de l'épidémie a eu de fortes répercussions sur le marché, et 15% au Royaume-Uni.
Déjà, une étude publiée par Artprice à l'automne avait montré que les Chinois étaient 395 (contre 165 Américains) dans le "top 1000" des artistes les plus cotés. "La Chine a su se créer un marché intérieur, avec des limitations d'exportations, et vu naître de nouvelles maisons de ventes", note Thierry Ehrmann. Après un premier semestre impacté par le confinement, les ventes numériques ont redémarré fort.
Et, malgré sa reprise en mains par la Chine, Hong Kong maintient son rang. Pour exemple, la maison américaine Sotheby's y a réalisé le quart de son chiffre d'affaires.
"Une peinture figurative vive, joyeuse et audacieuse"
En Europe, la France retombe plusieurs années en arrière avec un chiffre d'affaires de 578 millions de dollars (483 ME) contre 827 m$ (691 ME) en 2019, soit moins 31%. Fléchissent pareillement le Royaume-Uni (-30%), l'Italie (-32%). C'est l'Allemagne, moins touchée jusqu'à l'automne par la pandémie, qui termine dans le vert: +11%.
Pas d'adjudication à plus de 100 millions de dollars en 2020 : le meilleur résultat (84,5 m$) est revenu à un triptyque de Bacon (Sotheby's). Et Banksy a vendu un nombre d'oeuvres record (près de 900).
Une forte demande pour la peinture figurative contemporaine est observée, notamment celle liée à l'Afrique, par exemple du jeune peintre ghanéen Amoako Boafo.
En période de pandémie et face à la standardisation des objets, "le marché haut de gamme se maintient pour une peinture figurative vive, joyeuse et audacieuse", note encore Artprice. En témoignent les bonnes adjudications de Roy Lichtenstein et de David Hockney, et les records atteints par l'artiste franco-chinois San Yu.
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