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Sarah Bernhardt : l’extravagance d’un "monstre sacré" dans une exposition éclatante au Petit Palais

La comédienne phare du 19e siècle est au cœur d’une exposition au Petit Palais intitulée "Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star", à l’occasion du centenaire de sa mort. A voir jusqu’au 27 août.
Article rédigé par Yemcel Sadou
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Georges Jules Victor Clairin, Portrait de Sarah Bernhardt, 1876, huile sur toile, Petit Palais, musée des Beaux arts de la Ville de Paris; L'actrice, nonchalamment étendue sur un divan, un lévrier à ses pieds, est représentée dans l'atelier-salon de son hôtel particulier (© Paris Musées / Petit Palais)

Du demi-monde à la scène : le titre de la première partie de l’exposition consacrée à Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star, au Petit Palais à Paris donne immédiatement idée du basculement de la vie de cette femme. Elle était courtisane, elle sera comédienne, puis star, sur les scènes du monde. Pour preuve, cette riche collection d'objets et d'oeuvres - plus de 400, dans lesquels le visiteur est littéralement plongé. Cela va des costumes de scène de la star du théâtre du 19e siècle, aux bibelots personnels extravagants de son hôtel particulier parisien, aux photos, tableaux ou affiches d’époque qui témoignent d’une fascination. Et bien plus, d'un culte.

Venue de province, Sarah Bernhardt rejoint à la fin des années 1850 sa mère et sa tante toutes deux courtisanes et installées à Paris. Elles font entrer Sarah dans le cercle de ce qu'on appelle les "demi-mondaines" dans lequel elles connaissent un grand succès. Repérée par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, celui-ci la fait entrer au Conservatoire. Sarah Bernhardt est révélée en 1869 au Théâtre de l’Odéon dans Le Passant de François Coppée, où elle incarne un travesti. Regardez ce merveilleux bronze argenté du sculpteur Paul Dubois qui a servi d’inspiration au costume de Sarah Bernhardt pour la pièce, il illumine l’exposition.

Paul Dubois, "Chanteur florentin du XVe siècle", 1865, Paris, Musée d'Orsay (Petit Palais, Musée d'Orsay, Yemcel Sadou/FRANCEINFO)

Celle que l’on surnommait "La Divine", conquiert le public en 1872 dans le rôle de la Reine pour Ruy Blas de Victor Hugo. C’est le début d’années de triomphe au théâtre, qui feront d’elle, l’une des premières vedettes connues à l’international.

"Mademoiselle Révolte" à la Comédie-Française

Sarah Bernhardt a marqué l’histoire de la Comédie-Française, pas seulement grâce à ses talents de comédienne. La presse ne fait que parler de ses frasques. Insatisfaite des rôles qui lui sont proposés, elle se juge sous-employée et est surnommée "Mademoiselle Révolte". En 1880, elle subit un échec mémorable dans la pièce L’Aventurière d’Emile Augier, qu’elle a interprété à contre-cœur. Sarah Bernhardt démissionne de la Comédie-Française aussi théâtralement que dans ses rôles, en envoyant une copie à la presse de sa lettre de démission. "C’est mon premier échec à la Comédie-Française. Ce sera le dernier", écrit-elle.

Félix Tournachon dit Nadar, "Sarah Bernhardt drapée de blanc", Vers 1859, épreuve sur papier albuminé, BnF, département des Estampes et de la photographie, Paris © BnF (© BnF, Petit Palais)

De cette époque qui propulsera la comédienne au rang de star, le visiteur découvre des portraits en papier albuminé en noir et blanc d’une Sarah Bernhardt jeune, cheveux dénoués et sans artifices. On découvre aussi "La Divine" dans les costumes de théâtre de ses premières pièces, notamment la grandiose robe à perles et la couronne de la Reine de Ruy Blas mais aussi des relevés de mise en scène d’époque.

Etienne Carjat, Sarah Bernhardt dans le rôle de Dona Maria de Neubourg, dans Ruy Blas de Victor Hugo, 1872, photographie, Musée Carnavalet, Paris, France (© Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Plongée dans l’intimité de la star

L’une des sections touche particulièrement par son énergie étrange et subversive. On y trouve des objets qui ont décoré les deux hôtels particuliers de Sarah Bernhardt de 1875 à 1886 dans le quartier de la plaine Monceau à Paris. Objets éclectiques récupérés lors de tournées américaines et australiennes, ou cadeaux d’amis artistes du monde entier, ce décor fascine écrivains, journalistes et photographes.

1 : Walford Graham Robertson, L’actrice Sarah Bernhardt dans son salon 1889, huile sur panneau. 2 : Marie-Désiré Bourgoin, L'atelier de Sarah Bernhardt, 1879, aquarelle et gouache, New York, The Metropolitan Museum of Art (© Collection particulière / Jean-Louis Losi ; © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA)

Une sculpture d’un tigre japonais du 19e siècle noir et or monte la garde, prêt à sauter à la gorge de tout intru, ses yeux de verre pleins de colère et force. Ces objets traduisent le goût de Sarah Bernhardt pour l’étrange, notamment les animaux effrayants et fantastiques. On retrouve aussi des objets plus personnels comme les souliers, l’éventail ou les nécessaires de toilette et d’écriture de la star.

La sculpture spectaculaire d'un tigre japonais en bois du 19e siècle ayant appartenu à Sarah Bernhardt et qui décorait son hôtel particulier (Petit Palais, Yemcel Sadou/FRANCEINFO)

Immersion dans le théâtre du 19e siècle  

L’exposition revient sur les grands rôles de Sarah Bernhardt qui ont marqué le théâtre. De Racine et Shakespeare aux auteurs phares du 19e siècle comme Victor Hugo et Alexandre Dumas fils, Sarah Bernhardt se surpasse. Victorien Sardou lui écrit des pièces sur-mesure comme Théodora et Tosca, dignes des grandes productions hollywoodiennes avec des décors historiques grandioses.

1: Parure pour "Cléopâtre", Vers 1890, métal doré, perles et pierres turquoise, pierres corail et vertes, perles blanches ; 2 : Jupe portée par Sarah Bernhardt dans "Froufrou" (© BnF, département des Arts du spectacle, Paris, Yemcel Sadou/FRANCEINFO)

On peut admirer les maquettes et les dessins des mises en scène d’époque, des décors somptueux, mais aussi les robes et les parures spectaculaires de "La Divine", qui ont contribué à son image de diva du théâtre.

Sarah Bernhardt en peintre et sculptrice  

Le visiteur découvre une face inconnue de Sarah Bernhardt : ses talents de peintre et de sculptrice. Elle se fait construire un atelier-salon monumental fréquenté par le Tout-Paris mondain. Elle y expose des autoportraits en bronze ou en marbre, à la frontière de l’objet et de la sculpture. L’un d’eux est par exemple un encrier.

Mains enlacées de Sarah Bernhardt et Louise Abbéma, Vers 1875, bronze, Londres, Daniel Katz Gallery. Sarah Bernhardt et Louise Abbéma ont d'abord fait mouler leurs mains en plâtre, avant de faire tirer ce rare exemplaire en bronze. (© Daniel Katz Gallery)

Amie des artistes comme Gustave Doré, Georges Clairin, Louise Abbéma, Alfons Mucha mais aussi des écrivains comme Edmond Rostand ou Sacha Guitry, Sarah Bernhardt est celle qui a inspiré l’expression de "monstre sacré" que Jean Cocteau a inventé pour elle. Le portrait le plus connu de la comédienne peint par Georges Clairin trône de manière monumentale au milieu de l’exposition. Clairin montre la comédienne dans un somptueux déshabillé blanc à plumes sur des draperies de soie plus exubérante que jamais.

Exposition "Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star" au Petit Palais à Paris jusqu’au 27 août 2023

Plein tarif : 15 euros
Tarif réduit : 13 euros
Gratuit : - 18 ans

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