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Picasso-Dominguin, l'amitié entre le peintre et le toréador racontée à Nîmes

La tauromachie a toujours fasciné Picasso. L’exposition proposée jusqu’au 23 septembre au Musée des cultures taurines à Nîmes le montre de façon éclatante et sous un angle original : celui de l’amitié qui unissait le peintre au célèbre toréador espagnol Luis Miguel Dominguin. Photos, lettres, dessins témoignent des liens très forts qui unirent ces deux hommes aux destins exceptionnels.
Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Picasso et Dominguin à Madrid le 30 septebre 1959.
 (Zumapress)

Picasso écrivit un jour à Luis Miguel Dominguin : "Si je n’avais été peintre, j’aurais aimé être picador." Picasso ne devint jamais picador mais l’amitié qu’il noua avec le toréador fut peut-être pour lui une manière de vivre ce rêve par procuration. Les deux hommes se rencontrent en 1950 grâce à Jean Cocteau.

Et comme le rappelle Aleth Jourdan, la conservatrice en chef du Musée des Cultures Taurines, Picasso n’est pas emballé par Dominguin et sa façon de toréer. Mais ses premières réticences disparaissent vite et une véritable amitié se noue qui durera une quinzaine d’années, à tel point que les deux hommes et leur famille deviennent intimes (Picasso sera le parrain de Paola, la fille de Dominguin)

Décembre 1963 : Picasso et sa femme Jacqueline avec Dominguin et son épouse, Lucia Bose, à l'aéroport de Nice.
 (LEBOJ / AFP)

L’exposition présente de nombreuses photographies illustrant ces moments d’intimité familiale entre l’artiste, sa compagne Jacqueline Roque, et la famille Dominguin. Des pièces réalisées pour la plupart entre 1956 et 1965 sont également exposées : céramiques, gravures, dessins, peintures, photographies, correspondance, costumes du toréador (aux motifs dessinés par Picasso) et même un projet d’architecture d’arènes conçu par les deux hommes.

Reportage : France 3 Pays Gardois - J. Curato / J. Sanna / S. Rouquette-Costanzo

Picasso l'aficionado des corridas

Le peintre avait huit ans quand il assista à sa première corrida à Malaga. Ce combat entre l’homme et la bête, sa théâtralité, sa violence, marquèrent au fer rouge le jeune Picasso qui dès lors développa une véritable fascination pour l’univers de la tauromachie. La preuve : une toile réalisée en 1889 (l’année de ses 8 ans) s’intitule "Petit picador jaune" !

Jusqu’à la fin, le sujet reviendra dans son œuvre de façon récurrente, voire presque obsessionnelle dans les années 30. Arles, Nîmes, Vallauris...Picasso trouva dans le sud de la France des lieux où puiser de l'inspiration.
  (France 3 Culturebox (capture d'écran))

Dominguin le séducteur

Quant à Luis Miguel Dominguin, il avait 10 ans quand il tua son premier veau. Issu d’une famille de toréador, le Madrilène endosse le costume pour la première en 1939 ; il n’a que 13 ans. Exilé avec les siens en Colombie pour trouver fortune, il torée avec ses frères.

En 1944, de retour en Espagne, il prend l’alternative, terme qui désigne à la corrida la cérémonie au cours de laquelle le matador débutant obtient le garde de matador de toros (il reçoit alors des mains de son parrain, un matador plus âgé, la muleta et l'épée).
Luis Miguel Dominguin en juin 1944.
 (HERMES PATO/EFE/Newscom/MaxPPP)
Séducteur (on lui prête des liaisons avec Ava Gardner, Rita Hayworth, Brigitte Bardot, Romy Schneider..) et élégant, Dominguin est aussi réputé pour sa façon de toréer "très technique, puissante, insolente de facilité, mais froide pour le gros public, qu'il ne craint pas de toiser" comme l’écrit Jacques Durand dans Libération à la mort du matador en 1996.

"Toros y Toreros"

Parmi les témoignages de l’amitié entre les deux hommes présentés dans l'exposition, il a aussi cet exemplaire de tête (traduisez de luxe) de "Toros y Toreros", énorme ouvrage paru au Cercle d'art en 1963 qui regroupe 3 carnets de dessins réalisés par Picasso entre 1950 et 1960.

Dominguin a écrit la préface de ce livre où l’on peut lire ceci : "Pablo s'intéresse à tout ce que je fais. Il est impatient de mes succès possibles. Mais il serait heureux le jour où il apprendrait ma retraite... ou ma mort dans l'arène. Pablo pleurerait: 'Il a accompli son destin.' C'est juste. La mort est promise. Et la corrida n'est que son cérémonial plus ou moins heureusement mis en scène."

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