Une exposition de photos inédites de Robert Doisneau à Lyon sublime la ville et les artistes
Interrompue lors du confinement de l'automne, l'exposition du musée Jean Couty de Lyon est de nouveau ouverte aux visiteurs. Elle présente 90 tirages originaux du célèbre photographe dont certains jamais dévoilés au public.
La nouvelle exposition du musée Jean Couty de Lyon est de nouveau accessible au public. Elle propose, jusqu'au 30 avril 2022, un parcours en deux volets de l'oeuvre de Robert Doisneau (1912-1994).
De l'intimité des Ateliers d'artistes aux Vues de Lyon, la visite s'articule autour de photos très connues mais aussi de nouveaux tirages. Réalisée sous la direction de la conservatrice Clotilde Scordia et en partenariat avec l'Atelier Robert Doisneau, fondé par les deux filles du photographe, l'exposition dévoile également une vingtaine de photos inédites et apportent un nouveau regard sur le travail de Doisneau.
Un artisan chez les artistes
Marcel Duchamp qui pose entouré de sa sœur et de son frère, Georges Braque, timide et austère, Tinguely dans un nuage de fumée, mais aussi Alberto Giacometti dans son atelier minuscule, et plus récemment Sempé ou Wolinski : au total, on retrouve 70 portraits d’artistes immortalisés par Robert Doisneau entre 1945 et les années 1980.
Des photos mises en scène ou prises sur le vif, le photographe au travail prenait plaisir à entrer en complicité avec les créateurs. "Il aimait bien pactiser avec ses modèles, même s’ils ne les connaissaient pas personnellement", nous confie, lors du vernissage, Francine Deroudille, la seconde fille de Doisneau.
Pour certaines séances de pose, le photographe déclenchait rapidement car il sentait qu’il fallait faire vite. "Georges Braque était très solitaire, il était très gentil avec les photographes mais il avait envie qu’ils s’en aillent", se souvient l’héritière de Doisneau. Ornée des portraits des plus grands artistes du XXe siècle, cette vaste salle du rez-de-chaussée du musée Couty donne presque le vertige. Nous voici, tour à tour "voyeurs", dans une intimité de création, et observés par ces regards qui transcendent l'objectif.
Parmi les nombreux clichés en noir et blanc se détachent aussi de grands tirages en couleurs. On découvre Vazarely dans son univers graphique, Poliakoff en tablier pinceaux à la main ou encore ce portrait de Niki de Saint Phalle avec ses nanas. "Ça n'est pas évident de documenter le travail d'un artiste", confie la conservatrice Clotilde Scordia avant d'ajouter : "pour celle-ci, il réussit à la rendre gaie et vivante."
Picasso, un modèle né
Au gré de ses rencontres, Doisneau va développer une certaine proximité avec les artistes. De cette complicité naissent des moments magiques, comme la fameuse série de Picasso dans son atelier de Vallauris et cette photo, Les pains de Picasso : "Il était chez le peintre, il y avait des petits pains posés sur la table, et Picasso s'est amusé à cacher ses mains sous la table", raconte la conservatrice.
A côté de la série en noir en blanc, l’œil du curieux est attiré par un immense portrait en couleurs de Picasso. On y voit le peintre drapé dans un tissu chatoyant poser au milieu de ses œuvres. Cette photo, prise en 1963 dans l’atelier de Mougins pour Paris Match prouve, une fois encore, le plaisir du jeu de l’artiste espagnol. "Mon père disait de Picasso qu'il était un modèle né. Il prenait un bout de tissu et adorait se mettre en scène, donc il y avait un jeu unique avec le photographe", raconte Francine Deroudille.
Lyon après la guerre
Le deuxième volet de l’exposition met à l’honneur le Lyon d’après-guerre avec des photos inédites de Doisneau présentées en regard de dix-sept peintures et dessins du peintre lyonnais Jean Couty (1907-1991), amoureux de sa ville.
Deux visions humanistes d'un siècle traversé par des conflits et la nécessité de se reconstruire. "La carrière de mon père s’est développée dans l’euphorie d’après-guerre, il était dans la vie. Quand on regarde bien ses images, elles chantent le bonheur, mais le fond est aussi très sombre, il y a une mélancolie évidente. Si on va derrière les baisers, les enfants, il y a quelque chose de douloureux", souligne Francine Deroudille.
C'est en 1950 que Robert Doisneau découvre Lyon. Le photographe part aux côtés de la jeune journaliste Edmonde Charles-Roux pour illustrer un article du journal Vogue. Il découvre alors une ville en pleine reconstruction où les gens ont surtout envie de vivre en toute liberté. De la place Bellecour aux montées tortueuses de Fourvière et de la Croix-Rousse, Doisneau est séduit par la géographie de la ville jalonnée de collines et traversée par deux cours d’eau. En quelques jours, il capte l’humeur et l'architecture du primat des Gaules. Ville de gastronomie et capitale de la soie, il se rend chez des artisans pour leur tirer le portrait. A travers cette série, Robert Doisneau pose "un regard magistral sur Lyon et documente, une fois encore, la société des années 1950 ", conclut Clotilde Scordia.
Robert Doisneau, Portraits d’artistes et Vues de Lyon jusqu'au 30 avril 2022.
Du mercredi au dimanche de 11h à 18h. Musée Jean Couty - Lyon 9e Entrée 6 € - Tarif réduit : 4 € Gratuit pour - de 12 ans
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