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"Qu'est-ce que la photographie", une exposition réjouissante au Centre Pompidou

"Qu'est-ce que la photographie ?" C'est ce que demande la deuxième exposition du la nouvelle Galerie de photographies du Centre Pompidou. On pourrait craindre un exercice intellectuel et rébarbatif. Mais le parcours de cinquante œuvres choisies pour répondre à cette interrogation est jubilatoire (jusqu'au 1er juin)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A gauche, Ugo Mulas, Vérification 2, L'opération photographique, Autoportrait pour Lee Friedlander, 1970 - A droite, Florence Paradeis, Les Images, 1995
 (A gauche © Ugo Mulas Heirs. All rights reserved © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist.RMN-GP - A droite © Florence Paradeis & In Situ – FabienneLeclerc, Paris © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost / Dist.RMN-GP)

Cette question se pose depuis l'apparition de la photographie. Là, les photographes n'y répondent pas par la théorie mais par les images. Les œuvres sélectionnées dans la collection de 40.000 épreuves photographiques du Centre Pompidou, des années 1920 à nos jours, montrent comment une trentaine d'artistes, de Man Ray à Jeff Wall, d'y sont confrontés.
 
Une photo de Paul Citroën représentant un homme de dos, qui regarde une scène avec des jumelles, incarne la figure du photographe. Elle rappelle que la photographie répond avant tout à un grand désir de voir.

Man Ray, Boite d'allumettes fermée, vers 1960
 (Man Ray Trust / ADAGP, Paris 2015 © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist.RMN-GP)
 
Man Ray : "Jetez votre appareil"
 
La photographie, c'est un jeu avec l'ombre et la lumière, indiquent un fascinant autoportrait en ombre d'André Kertesz avec son appareil (1927), et le triptyque "Papillon à la lampe" (1934) de Brassaï, photographe de la nuit par excellence.
 
La photo, ce sont aussi des matériaux. "Si vous voulez faire de la photographie, jetez votre appareil", disait Man Ray, pour qui c'était avant tout une histoire de chambre noire et de surface sensible. En témoigne une boite de plaques de verre, peinte et signée de sa main, que nous a laissée cet adepte du photogramme (image obtenue en posant simplement des objets sur une surface sensible avant de l'exposer à la lumière).
 
James Welling, lui, a représenté des paquets de gélatine, allusion à celle qui recouvre les films photographiques ("Gelatin Photographs", 1984).
Jeff Wall, "Picture for women", 1979
 (Jeff Wall)
 
La surprise en photographie
 
La photographie, avant le numérique bien sûr, ce sont ces grains d'argent qui noircissent à la lumière. Giulio Paolini les a tellement agrandis que ses images deviennent abstraites et semblent résumer l'essence de la photo.
 
L'importance du cadre est évoquée par un quadriptyque de John Hilliard ("Plundered/Dug/Dry/Prepared", 1975) qui montre la même scène découpée de quatre façons différentes.
 
La photographie ne nous emmène pas toujours où on pensait aller. La surprise qu'elle peut produire est représentée par une mise en scène humoristique de Mariusz Hermanowicz qui, utilisant un vieil appareil à soufflet, voit soudain sur l'image d'un mur une scène fantomatique d'exécution qui n'apparaissait pas à la prise de vue.
Denis Roche, 8 avril 1981, Gizeh, Egypte, 1981
 (Denis Roche, Credit photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost / Dist.RMN-G)
 
De l'objectivité à la manipulation
 
La photo pour comprendre le monde ? Florence Paradeis montre une femme occupée à découper des images de journaux et de magazine. Mais le chemin est court de l'objectivité à la manipulation, comme l'insinue un diptyque de Timm Rautert qui souligne l'importance du traitement de l'image où un soleil devient une lune selon le tirage. 
 
Photo, reflet, ambiguïté, Jeff Wall représente le photographe et son modèle, semble-t-il devant un miroir mais où sont-ils exactement ?
 
Toutes ces interrogations, et d'autres encore, l'Italien Ugo Mulas les résume magistralement avec sa série des "Verifiche" (vérifications), réalisée juste avant sa mort en 1973, à 44 ans, qui occupe une bonne part de l'exposition. La pellicule, "surface sensible autour de laquelle tourne tout mon métier de photographe", qu'il expose en hommage à Niepce sous la forme d'un rouleau vierge qu'il a développé, ouvre la série.
Ugo Mulas, Vérification 7, Le laboratoire. Une main développe, l'autre fixe. A sir John Frederick William Herschel, 1972
 (Ugo Mulas Heirs. All rights reserved © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist.RMN-GP)
 
Ugo Mulas ou "l'obsession d'être présent"
 
Son autoportrait, en hommage cette fois-ci à Lee Friedlander, le montre dans un petit miroir collé sur une vitre et au-delà, en ombre sur un mur, image frappante dans laquelle "il y a l'obsession d'être présent, de me voir pendant que je vois, de participer, de m'impliquer".
 
Ugo Mulas agrandit le ciel, en triptyque, de la planche contact au grossissement du grain, fait le même portrait avec deux objectifs différents qui changent l'image, imagine toute une planche contact de photos du soleil prises en faisant varier le temps de pose et l'ouverture de l'objectif.
 
La série entreprise pour "toucher du doigt le sens des opérations que, pendant des années, j'ai répétées cent fois par jour, sans jamais m'arrêter une fois pour les considérer en elles-mêmes", se termine sur un hommage à Marcel Duchamp, le même film du début, sous une vitre brisée.
 
"Qu'est-ce que la photographie ?" Il ne peut y avoir une seule réponse, conclut l'exposition, qui se termine avec une œuvre de Mischka Henner intitulée justement "Photography Is" (La photographie, c'est…, 2010), un tableau compact qui recense toutes les définitions que l'artiste à trouvées en posant cette question à un moteur de recherche.
 
Qu'est-ce que la photographie, Centre Pompidou, Paris 4e, Galerie de photographies, sous-sol du forum
Tous les jours sauf le mardi et le 1er mai, de 11h à 21h
Entrée libre
Du 4 mars au 1er juin 2015
 
 

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