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Le Musée Albert Kahn à Boulogne-Billancourt rouvre au public son immense collection de photographies couleur autochromes

Le musée Albert Kahn, à Boulogne-Billancourt, qui possède la plus grande collection de photographies autochromes du monde, rouvre au public le 2 avril, dans un nouveau bâtiment magnifique. L'accès est gratuit sur réservation pour le week-end de réouverture.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Musée départemental AlbertKahn, nouveau bâtiment conçu par l’architecte Kengo Kuma (© CD92/Julia Brechler)

Après des années de travaux, on va enfin pouvoir de revoir les fabuleux autochromes (photographies couleur) d'Albert Kahn. Le musée départemental Albert Kahn, consacré à la collection d'images du banquier philanthrope qui envoya des opérateurs aux quatre coins de la planète au début du XXe siècle, devait rouvrir ses portes à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le samedi 2 avril dans un bâtiment très réussi, conçu par l'architecte japonais Kengo Kuma, tourné vers les merveilleux jardins imaginés par Albert Kahn.

Le nouveau bâtiment, allongé, est conçu "comme un écran et un lien entre la ville et le jardin", souligne Nathalie Doury, la directrice du musée Albert Kahn. "Le projet du nouveau bâtiment a été réalisé pour protéger le jardin exceptionnel. Il s'agissait de gérer une transition de la ville au jardin. On essaie de faire oublier la ville. Et c'était très important pour nous d'offrir un bâtiment, qui a quand même trois étages, qui puisse s'intégrer dans le jardin", explique Jordi Vinyals, architecte responsable du projet. La façade est entourée de lamelles de bois et de métal qui filtrent la lumière, inspirées des maisons traditionnelles japonaises, orientées de façon différente et conçues pour "créer une vibration".

L'espace d'exposition de la collection permanente du musée Albert Kahn (© CD92 / JULIA BRECHLER)

Le projet d'Albert Kahn au cœur du projet du musée

Le musée offre un parcours permanent consacré à la collection d'autochromes et de films des Archives de la planète constituées par Albert Kahn, au rez-de-chaussée, qui se prolonge dans les plus petits bâtiments historiques dispersés dans les jardins. Il offre aussi, au premier étage, un espace consacré aux expositions temporaires, ainsi qu'un centre de documentation, un auditorium et un espace dédié aux ateliers pédagogiques.

"Le projet du banquier philanthrope est au cœur du projet du musée, on s'appuie sur son œuvre pour regarder le monde d'aujourd'hui", explique Nathalie Doury. L'ambition du banquier, c'était de "développer la connaissance mutuelle des cultures pour favoriser la paix et le progrès".

L'espace d'exposition permanente est longé par un "mur inventaire" qui nous plonge d'emblée dans les archives d'Albert Kahn, représentatif de toute la collection, et qui propose des milliers d'images du monde entier. Depuis le premier numéro d'inventaire, une image sur 26 a été sélectionnée de façon automatique. Il s'agit évidemment de répliques des plaques autochromes originales, trop fragiles pour être exposées. Ces premières photographies en couleur, aux teintes douces et au grain si particulier, étaient réalisées avec de la fécule de pomme de terre.

Stéphane Passet, Passe fortifiée, Badaling, Chine, 1912, A731 (© Département des Hauts-de-Seine / Musée départemental Albert-Kahn Collection Archives de la Planète.)

La plus importante collection d'autochromes du monde

Le musée propose une évocation du personnage d'Albert Kahn (1860-1940), fils de négociants en bétail alsacien qui a fait fortune grâce à des investissements dans les mines d'Afrique du Sud et au développement d'un réseau bancaire, et a œuvré pour ses idéaux à travers une série de fondations.

Le banquier a fait photographier des milliers de personnes. Ces portraits évoquent sa vie sociale et les réseaux très variés qu'il fréquentait. "Il invitait l'intelligentsia dans ses jardins, notamment le dimanche après-midi", raconte David Sean Thomas, attaché de conservation du patrimoine et chargé d’expositions au musée. "Il y avait aussi bien des diplomates, des hommes politiques qui ont œuvré pour le pacifisme, l'aristocratie, des artistes, des hommes de science."

À partir de 1909 (et jusqu'en 1931), Albert Kahn, qui avait lui-même beaucoup voyagé pour ses affaires, a donc envoyé une douzaine d'opérateurs dans une cinquantaine de pays pour saisir les différentes réalités culturelles en images. Le résultat est une centaine d'heures de film animé, 4000 stéréoscopies en noir et blanc et la plus importante collection d'autochromes du monde, soit 72 000.

Auguste Léon, Place Bandiera et Moro, Venise, Italie, 1912, A4010, ©  (Département des Hauts-de-Seine / Musée départemental Albert-Kahn - Collection Archives de la Planète.)

Un point de vue documentaire

La collection est abordée à travers quatre thèmes : le voyage et l'émerveillement face à la beauté du monde, la géographie et l'observation minutieuse de la géologie, de l'évolution des techniques et des transports. L'ethnologie, avec l'observation des costumes traditionnels, des cérémonies. Et puis l'actualité de ce début du XXe siècle, de la Première Guerre mondiale aux mouvements sociaux : Albert Kahn demande à ses opérateurs de les saisir sans parti pris. "Il voulait enregistrer le monde dans sa neutralité et d'un point de vue documentaire. Constituer ces archives pour l'avenir, pour les générations futures, pour qu'elles puissent bénéficier de cette connaissance pour bâtir une société plus juste et pacifiée", souligne David Sean Thomas.

Le parcours permanent propose aussi une ouverture sur le contemporain, avec une série d'entretiens avec des universitaires ou des artistes comme le cinéaste documentaire cambodgien Rithy Panh, sur la nature, le statut et l'utilisation des images.

Frédéric Gadmer, 1927, Mosquée d’Ali, Irak. Autochrome, 9x12 cm, A53961 (© Département des Hauts-de-Seine / Musée départemental Albert-Kahn)

Une exposition autour du voyage d'Albert Kahn en 1908-1909

Au premier étage, la première exposition temporaire est consacrée au voyage. Elle part de celui effectué par Albert Kahn autour du monde en 1908-1909, à la suite duquel il a lancé son projet d'Archives de la Planète. Il voyage avec son chauffeur Albert Dutertre, formé à la prise de vues, qui revient avec des images et un carnet relatant leur périple. L'exposition propose une réflexion plus large sur la représentation du voyage depuis le début du XXe siècle.

Au premier étage également, un espace totalement gratuit, baptisé "Salon des familles", propose des jeux, des publications, une cabine où on peut se faire tirer le portrait, un espace de visionnage d'extraits de films et une réplique de caméra à l'ancienne avec une manivelle qu'on pourra expérimenter.

Enfin, bonne nouvelle, Nathalie Doury annonce l'ouverture prochaine d'un portail sur lequel on pourra voir et surtout télécharger (c'est permis et même encouragé, dit-elle) toutes les images numérisées des Archives de la Planète (environ 60 000) en 2000 x 3000 pixels sous licence CCO. Il s'agit, dit-elle, de "prolonger cette idée de partage de la connaissance avec un vaste public"


Musée départemental Albert Kahn
2, rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt
Tous les jours sauf lundi, du 1er octobre au 21 mars 11h-18h, du 1er avril au 30 septembre 11h-19h
tarifs : 8 € / 5 €
À partir du 2 avril. Accès gratuit sur réservation le week-end de réouverture.

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