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Le Mai 68 de Gilles Caron à l'Hôtel de Ville de Paris : exposition prolongée

Météore du photojournalisme, Gilles Caron, disparu prématurément, a marqué l'histoire de son métier en l'espace de quelques années. A l'Hôtel de Ville de Paris, ses images nous font revivre les événements de Mai 68 dans la capitale, de la révolte des étudiants à Nanterre au retour à l'ordre en passant par les manifestations du Quartier latin (l'exposition est prolongée jusqu'au 1er septembre).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
A gauche, Gilles Caron - A droite, son "Lanceur de Pavé"
 (A droite et à gauche © Fondation Gilles Caron Courtesy School Gallery /Olivier Castaing)

Le 4 avril 1970, Gilles Caron disparaissait au Cambodge, dans une zone contrôlée par les Khmers rouges. Le jeune photojournaliste (il n'a pas encore 31 ans) a couvert, depuis trois ans, les grands conflits du monde, du Biafra à l'Irlande du Nord.
 
Même si en Mai 1968, toute la France s'est mise en grève, on a tendance à associer les événements à la capitale. D'ailleurs c'est là que la plupart des images qui les immortalisent à nos yeux ont été prises.
 
Celui qui est devenu lui-même une icône du photojournalisme est particulièrement connu pour sa couverture de Mai 68, avec notamment quelques images qui sont devenues culte. À l'occasion du cinquantième anniversaire de ce printemps, l'Hôtel de Ville rend hommage à Gilles Caron avec une exposition de ses photographies de Mai, qui aborde aussi quelques autres aspects de sa carrière.
 
Quand, à Paris, les étudiants se révoltent, puis que la France se met en grève générale, Gilles Caron a tout juste 29 ans. Il rentre pour la première fois du Biafra où la guerre civile et la famine font rage.

Gilles Caron, Manifestation, mai 1968
 (Fondation Gilles Caron Courtesy School Gallery /Olivier Castaing)

Nanterre en mars

Mais il ne s'intéresse pas uniquement à la guerre. Passionné de cinéma, notamment de la Nouvelle vague, on voit ici qu'il fait de magnifiques portraits d'acteurs, saisissant bien la beauté insolente d'Alain Delon, le sourire goguenard de Belmondo en pleine séance de maquillage, le naturel de Brigitte Fossey, la pétillance de France Gall ou le regard intense de Romy Schneider.
 
Et il n'est pas surpris par ce mois de mai : en mars, déjà, il s'est rendu à Nanterre où les étudiants ont déclenché le mouvement du 22 mars après l'arrestation de l'un d'entre eux. À la fois, ils réclament le droit pour les garçons de pouvoir aller dans les chambres des filles, ils s'opposent à la guerre du Vietnam, ils contestent la vieille université des "mandarins". Gilles Caron saisit les slogans et les affiches sur les murs proclamant "À bas l'université bourgeoise", "Ni dieu ni maître" et "Pour la liberté d'expression politique".
 
Quand, le 29 mars, l'université a été fermée, il est avec les étudiants sur les pelouses, autour de Daniel Cohn-Bendit. Il livre des images qui pourraient nous surprendre aujourd'hui d'ouvriers sur le campus, qui viennent discuter avec les étudiants. Il franchit aussi les limites de l'université pour prendre des photos des enfants du fameux bidonville de Nanterre, tout proche et séparé par des barbelés, où vivent des milliers d'immigrés.
Gilles Caron, Daniel Cohn-Bendit devant la Sorbonne, Paris, 6 mai 1968
 (Fondation Gilles Caron Courtesy School Gallery /Olivier Castaing)

Le 6 mai au Quartier latin

Le 6 mai, Gilles Caron retrouve Daniel Cohn-Bendit devant la Sorbonne, où il a été convoqué en conseil de discipline. Comme d'autres photographes, il l'attend dans la rue devant le bâtiment. Un petit film projeté dans l'exposition raconte la genèse d'une image qui deviendra une icône de Mai 68, celle où l'on voit le leader étudiant face à un CRS à la Sorbonne : à partir de deux planches contact, il analyse comment le photographe s'est placé pour prendre "la" bonne photo (qui ne sera d'ailleurs mise en avant que bien plus tard, comme le montre l'exposition de la BnF "Icônes de Mai 68").
 
Gilles Caron est encore là quand des manifestations violentes éclatent le même jour au Quartier latin. Il produit alors d'autres images devenues iconiques, dont celle du lanceur de pavé. Ironie de l'Histoire, cette figure invente une espèce de chorégraphie sous le panneau d'un cours de danse. Autre image célèbre, celle de l'étudiant poursuivi par un CRS dans la nuit : sur une première photo, il court, sur la deuxième il est au sol, sous les coups de matraque.
 
D'ailleurs, s'il n'y a quasiment pas eu de morts en Mai 68, les images de Gilles Caron montrent tout de même la grande violence de la police : il y en a d'autres, des étudiants au sol, parfois la tête ensanglantée et les coups s'abattent sur une fille en jupe, talons et sac à main qui ne faisait peut-être que passer par là. On voit le photographe Göksin Sipahioglu blessé, un CRS qui lance une grenade en tir tendu…

De toutes les manifestations

Tout le mois de mai, jeunes et salariés sont dans la rue et Gilles Caron est de toutes les manifestations, la manifestation unitaire du 13 mai, le rassemblement de Charlety le 27. Il saisit les banderoles et les drapeaux, les visages. Il capte une série de poings levés le 29, des jeunes, un homme âgé qui tient son vélo d'une main et brandit l'autre, un homme visiblement en colère…
 
Caron se met aussi du côté des CRS, et il est à la grande contremanifestation gaulliste du 30. Alors que le mouvement social s'essouffle, l'ordre revient, les voitures roulent à nouveau sur le périphérique, la piscine Deligny est bondée. Mais c'est quand même la fin d'une époque. De Gaulle, derrière l'objectif du photographe qui en fait tout une série de portraits, apparaît comme un personnage déchu, inquiet, un peu grotesque. 

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