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La géographie des périphéries de Guido Guidi à la Fondation Cartier-Bresson

La Fondation Henri Cartier-Bresson présente la première rétrospective en France du photographe Guido Guidi, considéré comme un pionnier de l’école italienne du paysage. Depuis quarante ans, il promène sa chambre grand format dans les zones périphériques des petites villes, dont il saisit couleurs, lumières et poésie de petits riens (jusqu’au 27 avri 2014)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Guido Guidi, Elblag, Pologne, 08-1994
 (Guido Guidi)

"Veramente" (en vrai, à vrai dire), c’est le titre de l’exposition et le titre du dernier livre de Guido Guidi, sorti à cette occasion. C’est aussi une inscription qu’on trouve dans une image de ce photographe de l’entre-deux, de la marge : elle est inscrite en lettre capitales, à la bombe noire, sur un mur de ciment gris, mur de garage ou d’atelier, bordé d'herbes fatiguées. Elle a été prise en 2005, à Pesaro, ville de la côte Adriatique.
 
Guido Guidi est né il y a 73 ans, non loin de là, à Cesena, petite ville d’Emilie-Romagne, entre Rimini et Ravenne, où il vit toujours. Comme tant d’autres villes d’Italie, Cesena a son centre historique avec des monuments anciens, dont une bibliothèque du XVe siècle classée au patrimoine de l’Unesco.

Guido Guidi, Atri, Italie, 05-2003
 (Guido Guidi)
 
Une poésie de la périphérie
Mais ce n’est pas du tout cette Italie-là que vous verrez dans les photos de Guido Guidi. Après des études d’architecture, à partir des années 1960, il s’est consacré à la photographie.
Au début, il travaille en noir et blanc. Admirateur de Walker Evans, il prend des vues frontales de bâtiments, une école, un café près de la mer. Il s’intéresse aux maisons vides, regarde comment la lumière entre dans l’espace et s’y promène.
 
Rapidement, dès les années 1970, il se met à la couleur. Il s’intéresse au paysage et à ses transformations, mais pas n’importe quel paysage. Avec une chambre 20x25, il explore les espaces périphériques, qui se sont développés après la guerre. Ses grands négatifs lui permettraient d’exposer des images imposantes et pourtant, il montre des épreuves de petite taille, souvent des contacts. Il ne s’agit pas vraiment de photo documentaire, même s’il participe à des projets publics sur l’évolution du territoire. Son travail est plutôt une poésie des zones intermédiaires, de l’entre-deux, ni ville ni campagne.
 
Travailler à la frontière
Pour Guido Guidi, "travailler à la frontière implique de travailler en étant privé de certitudes et d’observer des situations non codifiées, incertaines, ouvertes, mal comprises ou incomprises. Insister sur la marge, et même la photographie a une marge, cela signifie porter un regard plus large sur les choses, sans préjugés".
 
Il photographie des murs décrépits dans des maisons abandonnées, des vieux poteaux en béton, des tas de cageots en plastique renversés au pied d’un mur, un vieux bidon rouillé, un arrêt de bus désert. Des figures humaines posent parfois dans les photos de Guido Guidi. On a l’impression que ces personnages sont là par hasard, un peu perdus, ils regardent souvent ailleurs.
 
De l’Italie à la route de Saint-Jacques
Dans une interview au magazine Actuphoto, Guido Guidi compare la photo à un "langage vernaculaire" et décrit son territoire comme "une géographie (…) des voyages personnels, le territoire de quelqu’un qui marche à travers". Ce qui l’intéresse, "c’est tout ce qui n’appartient pas à la catégorie du ‘beau’ et aux canons conventionnels de l’esthétique".
 
Guido Guidi s’est surtout promené, pendant des années, autour de chez lui, entre Chioggia, près de Venise, et Ancone, plus au sud sur la côte Adriatique. Mais, dans les années 1990, il a aussi parcouru en voiture l’ancienne route de Saint-Jacques-de-Compostelle depuis la Russie. Un périple qui traverse la Pologne, l’Allemagne, la France, l’Espagne. Là aussi, il s’intéresse aux espaces intermédiaires. Des univers tristes parfois éclairés par une tache de couleur, un panneau bleu, les chaussures rouges d’une fillette, le T-shirt rose d’un petit garçon au premier plan devant une cité grise d’Elblag, en Pologne.
 
Calais 1996, une petite route en gros plan, sous un ciel gris-jaune, barré d’un poteau. Un gant en caoutchouc rouge est abandonné sur la chaussée.
 
Les variations de la lumière et le temps qui passe
En 2013, Guido Guidi a publié "Preganziol", une série de photos prises trente ans plus tôt. Une maison vide est envahie par les éléments : le soleil entre par une fenêtre et projette sa lumière sur un mur. Sur l’image suivante, la lumière se déplace, puis l’ombre d’un arbre s’y introduit, elle avance, se déforme pour finalement se dissoudre. "Ce qui m’intéresse dans la photographie, c’est la relation entre les objets et l’espace", dit-il.
 
Dans le même esprit, il a réalisé "Fiume" en 2007 près de chez lui, au bord du fleuve Savio, où il a capté les variations de la lumière. L’eau passe sous un pont dont l’ombre, en V, avance. L’ombre, toujours, guette une touffe d’herbes plantée dans un sol craquelé, blanc de lumière. Elle avance, grignote les herbes pour finalement les engloutir complètement.
 
Au départ, on est un peu désarçonné face à ces espaces vides qu’on peut sentir presque physiquement plombés par une lumière saturée, ces murs nus longeant un trottoir, sans rien qui accroche le regard, ce ni beau ni laid. Et peu à peu, on se laisse gagner par le charme subtil de cette géographie des marges, par le temps qui semble s’écouler doucement alors que deux chiens dorment, écrasés à l’ombre d’on ne sait quoi.
 
Guido Guidi, Veramente, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris
Tous les jours sauf le lundi
Du mardi au dimanche, 13h-18h30
Le samedi 11h-18h45, nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Tarifs : 7€ / 4€
Du 16 janvier au 27 avril 2014
 
Après Paris, cette exposition sera présentée à Amsterdam et à Ravenne
 
 

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