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Des fragments de corps pour dessiner des formes : les photographies de John Coplans à la Fondation Henri Cartier-Bresson

John Coplans, peintre, critique d'art et commissaire d'expositions, s'est consacré les 20 dernières années de sa vie à la photographie, sur un sujet unique, son propre corps. À découvrir à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris jusqu'au 16 janvier 2022.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
John Coplans, Reclining Back, Three Panels, Left, 1990 (© The John Coplans Trust)

L'artiste britannique John Coplans a entrepris à 60 ans un travail photographique formel remarquable autour de son corps. La Fondation Henri Cartier-Bresson lui consacre sa première exposition d'envergure en Europe depuis sa mort en 2003.

Quand John Coplans commence à faire des photographies, au début des années 1980, il a déjà trois vies derrière lui. Né à Londres en 1920, il s'engage à 17 ans dans l'armée britannique pour combattre le fascisme. Quand il la quitte en 1945, il étudie l'art à Paris et à Londres et devient peintre, part pour les États-Unis, expose. Puis, à partir de 1961, il est critique d'art, commissaire d'exposition, directeur de musée. Il cofonde la très importante revue Artforum.

John Coplans, Torso Front, 1984 (© The John Coplans Trust)

Une figure connue du monde de l'art contemporain

En 1980, John Coplans est déjà une figure connue du monde de l'art contemporain. "Il avait fait des expositions très importantes des artistes majeurs des années 1960, il a été un des acteurs de la diffusion du pop art et du minimalisme, il a exposé très tôt Warhol, Lichtenstein, Richard Serra, Donald Judd", souligne Jean-François Chevrier, commissaire de l'exposition. Par ailleurs, "il a beaucoup fait pour que la photographie soit reconnue comme un art à part entière".

Et pourtant, alors, il n'est pas photographe. Il se forme pendant quatre ans, commence par faire des portraits, puis il se dit que son propre corps est un sujet intéressant. Son corps nu, et en noir et blanc. Toutes les œuvres de l'exposition sont issues des collections françaises, qui se sont intéressées très tôt au travail de John Coplans.

John Coplans, "Back with Arms Above", 1984 (© The John Coplans Trust)

Le dessin à l'origine des images

Deux petits poings serrés surgissent au-dessus d'un large dos. Un dos file vers l'arrière-plan, laissant le haut d'une cuisse et des fesses au premier plan. Des mains posées sur des genoux dessinent de drôles de silhouettes. Après avoir vu à Paris les petites oeuvres bricolées par Picasso, il réalise une très belle série de mains auxquelles il prête mille expressions.

Deux mains qui tiennent des pieds dessinent une nature morte étrange, d'autres images évoquent des sculptures. Certaines sont drôles, poétiques, parfois dérangeantes.

"John Coplans pensait la photographie en rapport avec le dessin, ce sont des images dessinées avant d'être photographiées", fait remarquer Jean-François Chevrier. "Je me parcours, je m'intéresse à la frontalité, au format, à l'échelle, aux tensions avec les bords, au dessin - avec l'idée qu'on peut dessiner avec l'appareil photo", disait l'artiste.

John Coplans, Front Hand, Thumb Up, Middle, 1988  (© The John Coplans Trust)

Un corps universel

Bien que l'unique sujet soit son corps, le corps d'un homme de 60 ans, "il n'y a aucune donnée biographique dans ses images", souligne le commissaire, qui parle de "corps universel" au service de "la vie des formes". D'ailleurs, John Coplans, qui se photographie sur un fond neutre blanc, prend toujours le soin de laisser sa tête hors cadre, "pour supprimer toute référence à mon identité actuelle", écrit l'artiste.

Devant des pouces ouverts qui plissent la peau des genoux, Jean-François Chevrier voit une image de Karl Blossfeldt (photographe allemand qui a fait des images de plantes fantastiques). Dans une image de pieds, il voit une "élévation". "Ce qui est extraordinaire, c'est que ce rapprochement ne dérange pas du tout la perception de l'image. Ça ajoute une couche de métaphore mais ça n'empêche pas de voir ce geste extraordinaire de la main qui plisse le genou", dit le commissaire, qui souligne la connaissance de l'histoire de l'art "exceptionnelle" qu'avait l'artiste.

John Coplans, "Body Parts", No. 8, 2001  (© The John Coplans Trust)

Fragmentation

 Après des petits formats, John Coplans a expérimenté le grand format. Et puis il a fragmenté le corps, espaçant les fragments avec des bandes blanches mais gardant une unité de forme.

Juste avant sa mort, il a réalisé une dernière série, Body Parts, imaginée après les attentats du 11 Septembre 2001. Il y assemble des parties du corps disjointes, créant un effet de trouble qui peut être violent. Elle est quasiment absente des collections françaises et une seule œuvre la représente dans l'exposition.

John Coplans, la vie des formes
Fondation Henri Cartier-Bresson
79, rue des Archives, 75003 Paris
Tous les jours sauf lundi, 11h-19h
Tarifs : 9 € / 5 €
Du 5 octobre 2021 au 16 janvier 2022

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