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De la biologie à la photographie : Jochen Lempert et son regard poétique sur la nature au Centre Pompidou

De ses études de biologie, Jochen Lempert a gardé le goût de l'observation de la nature, qu'il explore de façon très personnelle. Ses images sont exposées au Centre Pompidou jusqu'au 4 septembre 2022.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Jochen Lempert : A gauche, "Symmetry and Architecture of the Body (Horse"), 1997 - 2005, épreuve gélatino-argentique- A droite, "Automimikry", 2018, épreuve gélatino-argentique, Courtesy BQ, Berlin and ProjecteSD, Barcelona (A gauche © Adagp, Paris, 2022 - A droite © Adagp, Paris, 2022 Photo © BQ, Berlin)

Des tours d'éponges, un gros plan sur le ventre d'un cheval, le parcours de lucioles sur du papier sensible, les images poétiques et parfois énigmatiques du photographe allemand Jochen Lempert, qui jette un regard singulier sur la nature, sont à découvrir à la Galerie de photographies du Centre Pompidou.

Jochen Lempert, né en 1958, a fait des études de biologie et a travaillé sur les libellules avant de se lancer dans la photographie. L'exposition de la galerie de photographie du Centre Pompidou dévoile 30 ans de travail dans une présentation conçue comme une installation. Les images au mur, feuilles de papier fragiles accrochées pour la plupart sans cadre, ou posées horizontalement dans des vitrines, se répondent.

"Il y a vraiment un travail de construction, de composition, de constellation, de création d'un récit visuel", note Julie Jones, conservatrice au Centre Pompidou et co-commissaire de l'exposition.

Jochen Lempert, "Detail of set Schwammtürme (Spongetowers)", 1995-2016, épreuve gélatino-argentiquen Courtesy BQ, Berlin and ProjecteSD, Barcelona (© Adagp, Paris, 2022)

Noir et blanc, au 50 mm

Ce récit mêle donc sans hiérarchie ni chronologie des travaux de jeunesse à des travaux très récents. "Il m'a été facile d'intégrer ces premiers travaux car ils relèvent du même intérêt", raconte l'artiste. La première partie s'intéresse à la forme. Des éponges végétales empilées répondent à un cactus, elles sont associées à une ruche urbaine ou à la silhouette évanescente d'une plume de mer. "Pour moi, toutes ces formes fonctionnaient très bien ensemble. J'en ai été surpris moi-même et heureux de voir comment ça se produisait", commente Jochen Lempert.

Il travaille en noir et blanc, car "c'est un langage de l'abstraction qui permet d'associer les choses plus facilement", dit-il. Il prend ses images avec un appareil argentique, généralement à l'objectif 50 mm, le plus proche de la vision humaine. Pas de macrophotographie donc, mais un regard au plus près de ce qu'on peut voir si on observe la force titanesque d'une fourmi qui transporte une feuille. Sa pratique photographique est un exercice quotidien, son vieux Nikon ne le quitte pas. Et Jochen Lempert effectue lui-même dans la chambre noire ses tirages, qui présentent toutes les nuances de gris.

"La force de ce travail, c'est d'allier une sorte de fragilité, quelque chose d'extrêmement traditionnel dans sa facture et une composition très contemporaine, qui nous fait voir les choses différemment et détruit toute la séparation entre un regard scientifique et artistique", commente Julie Jones.

Jochen Lempert, "Symmetry and Architecture (Deers)", 1997-2005, 2 épreuves gélatino-argentiques (© Adagp, Paris, 2022 Photo © Roberto Ruiz)

Les lucioles, les grenouilles et la lumière

Les images semblent toujours simples et sont arrangées de façon complexe. Devant une vitrine, parfois, on ne sait pas dans quel sens les regarder.

La deuxième salle nous parle de lumière et regarde plus particulièrement comment le monde naturel l'émet ou la reçoit. L'eau et le ciel se mélangent, une vitrine évoque la lune, associant l'astre sur lequel se projettent des herbes, semble-t-il (c'est parfois bien mystérieux), un insecte qui se détache sur une ampoule sphérique, ou bien une fleur ronde.

Des points noirs forment des lignes abstraites sur du papier blanc. En face, ce sont des lignes continues qui se détachent sur la pellicule. L'artiste a expérimenté l'effet de lucioles sur une surface sensible : dans le premier cas, elles émettaient une lumière intermittente, dans le second, la luminescence est continue. Il utilise le même procédé du photogramme (sans utiliser d'appareil photo, on place directement des objets entre la lumière et la matière sensible) avec de minuscules grenouilles qui dessinent leur forme et leurs sauts sur la feuille.

Ailleurs, c'est allongé, l'appareil posé sur sa poitrine, qu'il a capté la lumière des étoiles qui bouge au rythme de sa respiration, formant des points flous dans le ciel obscur.

Régine Steenbock, Portrait de Jochen Lempert, 2014 (© Adagp, Paris, 2022)

La beauté du monde végétal

D'autres œuvres nous parlent de la perception, pour révéler le "presque (in)visible", offert à notre œil grâce au regard du photographe. Un jeune homme assis sur un banc est plongé dans la contemplation de son téléphone. Des taches blanches volent au-dessus de lui. Il s'agit de mouches frappées par la lumière.

Jochen Lempert explore toute la beauté du monde végétal avec la transparence des groseilles ou des aigrettes d'un pissenlit, du monde animal, avec une coccinelle dont les taches évoquent un visage humain. Il propose un rapprochement entre les formes de nuages, d'un corail et d'un lichen.

"C'est un regard qui élargit notre perception, avec cette idée d'inviter les visiteurs à se questionner sur les détails minime du monde physique et visuel, que Jochen nous rend visibles par son travail", résume Florian Ebner, le directeur du Cabinet de la photographie et co-commissaire de l'exposition. Une bien jolie promenade en tout cas.

Jochen Lempert
Centre Pompidou (Galerie de photographies, sous-sol)
Paris 4e
Tous les jours sauf le mardi et le 1er mai, 11h-21h, le jeudi jusqu'à 23h
Entrée libre à la Galerie de photographies
Du 11 mai au 4 septembre 2022

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