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Arles 2015 : les pérégrinations photographiques de Stephen Shore

Stephen Shore, un des pionniers américains de la couleur et un des photographes les plus influents des quarante dernières années, est toujours en recherche. Les Rencontres d'Arles présentent sa première grande rétrospective européenne, avec ses célèbres séries "American Surfaces" et "Uncommon Places" et aussi ses travaux de jeunesse et ses dernières images (jusqu'au 20 septembre 2015).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Stephen Shore, Chambre 125, Westbank Motel, Idaho Falls, Idaho, 18 juillet 1973,  série "Uncommon Places", avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la 303 Gallery à New York - A droite, Stephen Shore à Madrid en septembre 2014
 (A gauche © Rencontres d'Arles - A droite © photo Hugo Ortu / EFE / Newscom / MaxPPP)

Les débuts de Stephen Shore sont légendaires. Né en 1947 à New York, il fait des photos dès l'enfance et il a le culot de vouloir montrer son travail à Edward Steichen alors qu'il n'a que 14 ans. Le directeur de la photographie du Museum of Modern Art le reçoit et lui aurait même acheté trois images.
 
L'exposition d'Arles, déjà présentée par la Fondation Mapfre à Madrid fin 2014, est chronologique et commence avec ses travaux de jeunesse. Dans les années 1960, les photos de Stephen Shore sont en noir et blanc, car les artistes laissent la couleur aux amateurs et à la pub, même si elle a déjà les faveurs de William Eggleston, Joel Meyerowitz ou, depuis longtemps, de Saul Leiter. Le jeune artiste fréquente la Factory et produit des séries : lui, tout seul debout dans le désert, avec des variations subtiles de points de vue ("Circle #1"), l'avant de sa voiture blanche dans le désert en 32 photos, ses parents en dyptique tenue habillée / déshabillée.

Stephen Shore, Neuvième Avenue Ouest, Amarillo, Texas, 2 octobre 1974, série "Uncommon Places", avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la 303 Gallery à New York
 (Rencontres d'Arles)


American Surfaces, une revue visuelle du quotidien

C'est au début des années 1970 que Stephen Shore passe à la couleur, avec "American Surfaces" (1972-1973), où il joue justement avec l'esthétique amateur. Il parcourt les États-Unis avec un appareil 35 mm et photographie la banalité. Un chat, un chien, des œufs dans une assiette, une pompe à essence, le téléviseur dans une chambre d'hôtel, la plante des pieds sales de sa copine, autant d'instantanés ("snapshots"), épreuves petit format tirées chez Kodak.
 
Les images, accrochées serré, constituent un journal de voyage, une revue du quotidien qui relève aussi du documentaire. Shore veut photographier comme on voit, s'intéressant au quotidien et non au spectaculaire.
 
En réalité, c'est un an plus tôt qu'il a commencé à s'intéresser à la couleur quand il s'est amusé à produire des cartes postales à partir de photos de la ville d'Amarillo (Texas), figurant des bâtiments à l'apparence anonyme, sans indication de lieu.

Du 35 mm à la chambre photographique

Après "American Surfaces", Stephen Shore veut poursuivre avec de plus grands tirages et ses négatifs 35 mm ne supportent pas l'agrandissement. Il se met à la chambre et travaille désormais sur pied. Si les sujets restent proches (vues de villes, chambres de motels, stations essence, repas sur une table de diner…), les images perdent de leur côté instantané, spontané, les compositions deviennent plus complexes, fourmillent de détails, la façon de regarder est différente. Ce sera "Uncommon Places" (1973-1981) puis, dans les années 1980, des paysages grand format.
 
Stephen Shore a besoin d'expérimenter, tout le temps. Il se pose des problèmes visuels et, quand il pense les avoir résolus, il a besoin de passer à autre chose. Dans les années 1990, alors que la couleur s'est imposée en photographie, il décide de revenir au noir et blanc pendant dix ans. Il va étudier la texture des écorces d'arbres, la matière des morceaux de terre cuite exhumés lors de fouilles archéologiques.
 
À la fin de cette période, il se fixe un nouveau défi : faire avec une chambre de la photographie de rue à New York, c'est-à-dire saisir des situations complexes dans un environnement qui bouge tout le temps avec un appareil plus adapté au paysage. Et le résultat est sidérant : il réussit des tableaux urbains en noir et blanc réunissant plusieurs scènes qui semblent prises sur le vif.

"Instagram is fun"

Ses dernières séries, Stephen Shore les a réalisées (de nouveau en couleur) avec un appareil numérique, qui allie la souplesse de la prise de vue du 35 mm et la précision de la chambre. Revenant à l'esprit de ses deux grandes séries des années 1970, il s'est introduit dans le quotidien des derniers survivants juifs de l'extermination nazie et il est retourné à Winslow (Arizona), une de ses étapes d'"American Surfaces", pour réaliser un travail en une journée.
 
Stephen Shore n'a pas fini d'explorer les possibilités de la photographie. Ce qui l'intéresse aujourd'hui, c'est Instagram. Il a expliqué pourquoi à la Tate Gallery : d'abord il aime le côté "carnet de notes" visuel que permet l'application de partage de photos. Ensuite, il adore l'aspect collectif, le sens de la communauté qu'il induit. Et enfin, l'aspect ludique lui plaît ("Instagram is fun").

Stephen Shore, Rencontres de la photographie, Espace Van Gogh, Arles
Tous les jours 10h-19h30
Tarif : 12€
Du 6 juillet au 20 septembre 2015

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