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Un portrait de Prince par Andy Warhol, inspiré d'une photo, examiné devant la Cour suprême américaine

La photographe Lynn Goldsmith demande des droits d'auteur à la fondation Andy Warhol pour l'utilisation par Andy Warhol d'une de ses photos pour la réalisation de seize portraits sérigraphiés de Prince, réalisés en 1984.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Photographie du musicien Prince par Lynn Goldsmith à la Smithsonian's National Portrait Gallery le 22 avril 2016 à Washington, DC. (MANDEL NGAN / AFP)

Une touche pop égaiera mercredi la très sérieuse Cour suprême des Etats-Unis, chargée de dire si Andy Warhol pouvait utiliser une photo de Prince dans son oeuvre sans verser de droits à l'auteure du cliché.

Au coeur du conflit : par le "pape du Pop Art" à partir d'une photo du légendaire musicien prise trois ans plus tôt par Lynn Goldsmith.

La photographe, connue pour avoir immortalisé plusieurs stars du rock, demande des droits d'auteur à la fondation Andy Warhol, qui les lui refuse. Après des décisions contradictoires des tribunaux, la Cour suprême doit désormais les départager.

Elle en profitera pour clarifier le droit de la propriété intellectuelle en matière d'oeuvres dites "transformatives", c'est-à-dire qui empruntent à une première oeuvre pour aboutir à une création originale.

Clichés en noir et blanc

L'affaire trouve sa source en 1981. Lynn Goldsmith propose à l'hebdomadaire Newsweek de tirer le portrait d'un musicien qui commence à percer. Elle réalise plusieurs clichés en noir et blanc du jeune homme aux traits fins.

En 1984, l'album Purple Rain propulse Prince au rang de star. Le magazine Vanity Fair veut lui consacrer un article et demande à Andy Warhol de réaliser son portrait dans le style de ses célèbres gravures colorées de Marilyn Monroe ou Mao.

Contre 400 dollars, Lynn Goldsmith autorise le magazine à utiliser l'une de ses photos pour l'usage exclusif de cet article. Intitulé "Purple Fame", le texte est accompagné du visage de Prince, la peau violette et le cheveu de jais, qui se découpe sur un fond orange vif. La légende crédite à la fois l'artiste et la photographe.

L'histoire en serait restée là, si Andy Warhol n'avait pas décliné cette photo sur tous les tons pour créer une série de 16 portraits du musicien, qu'il admirait pour son talent et son style androgyne.

A la mort de Prince

Lynn Goldsmith a découvert leur existence en 2016 à la mort de Prince, quand Vanity Fair a publié en Une une image du "Kid de Minneapolis" tirée de sa photo mais tout orange cette fois. Elle a alors pris contact avec la fondation Andy Warhol, qui gère la collection de l'artiste depuis sa mort en 1987 et avait touché 10 250 dollars pour cette publication.

La fondation a immédiatement saisi la justice pour faire reconnaître ses droits exclusifs sur la série. La photographe a contre-attaqué. Un juge de première instance a donné raison à la fondation en estimant qu'Andy Warhol avait transformé le message de l'oeuvre.

Pour lui, Lynn Goldsmith s'est attachée à montrer Prince comme une personne "vulnérable, mal à l'aise", tandis que les portraits d'Andy Warhol soulignent son statut d'"icône, plus grand que nature".

Une cour d'appel a toutefois invalidé son raisonnement, en estimant que les juges ne pouvaient pas jouer "les critiques d'art et analyser les intentions et les messages des oeuvres", et devaient se contenter d'évaluer les similarités visuelles entre les oeuvres.

Oeuvre "transformative"

Selon sa décision, Andy Warhol n'a pas fait "d'ajout ou de modification" suffisants pour ne rien devoir à Mme Goldsmith. La fondation s'est alors tournée vers la Cour suprême, en lui demandant de rejeter l'"incroyable" requête de Lynn Goldsmith.

La photographe "veut que la Cour déclare l'oeuvre d'Andy Warhol -- qui est universellement reconnu comme un génie du XXe siècle à l'origine du mouvement Pop Art -- non transformative et donc illégale", s'étranglent ses avocats dans un exposé transmis à la haute cour.

Mais l'intéressée ne voit pas les choses ainsi. Son argumentaire rappelle qu'elle a été payée et créditée en 1984 et pas en 2016. "Le droit de la propriété intellectuelle ne peut pas avoir une règle pour les sérigraphies violettes et un autre pour les orange", notent ses représentants.

Les neuf sages de la Cour devront donc dire si une oeuvre est "transformative" parce qu'elle véhicule un message différent de sa source, ou parce qu'elle est visuellement différente. Sa réponse, attendue d'ici au 30 juin, sera lourde de conséquences pour le monde de l'art qui, comme les tribunaux américains, se divise sur la réponse à apporter.

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