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Tristan Tzara, révolté perpétuel au coeur du XXe siècle

Poète d'avant-garde, ami des plus grands artistes de son temps, de Picasso à Miro, mais aussi collectionneur d'art tribal: le musée d'art moderne de Strasbourg consacre du 24 septembre au 17 janvier 2016 une exposition à la figure aux multiples facettes de Tristan Tzara, souvent limité à son rôle de père du dadaïsme.
Article rédigé par franceinfo - Odile Morain (avec AFP)
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Temps de lecture : 3 min
Tristan Tzara par Picabia au musée d'art moderne de Strasbourg
 (France 3 / Culturebox)

L'exposition "Tristan Tzara, l'homme approximatif. Poète, écrivain d'art, collectionneur", qui tire son nom d'une oeuvre de l'écrivain d'origine roumaine, se tient du 24 septembre au 17 janvier au Musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS). Cette exposition en propose une lecture chronologique à travers un ensemble de 450 d’œuvres d’artistes amis de Tzara, d’une sélection de pièces d'art extra-occidental (Afrique, Océanie, méso-Amérique) et d’art brut et d’une importante sélection documentaire sur Tristan Tzara.
Reportage : I. Michel / P. Dezempte / S. Sturtzer

Tzara à Strasbourg, en toute logique

Il s'agit de la "première exposition mondiale sur Tristan Tzara", se réjouit Alain Fontanel, adjoint au maire en charge de l'action culturelle, soulignant que l'artiste était lié à la capitale alsacienne par son amitié avec le sculpteur Hans Arp.
De nombreux prêts de collections privées et de musées mais aussi de la famille Tzara ont permis de reconstituer l'univers intellectuel et artistique dans lequel il a baigné, de sa naissance en Roumanie en 1895 à sa mort à Paris en 1963.
 

Tzara et Dada

Au début du parcours, un portrait de Francis Picabia donne à voir un Tristan Tzara au teint bleuté, son célèbre monocle vissé sur l'oeil.
Après avoir participé au lancement à Zurich du mouvement Dada, né de la révolte face au premier conflit mondial, Tzara pose en effet ses valises chez Picabia à Paris. Plongé au coeur de l'ébullition artistique de l'entre-deux guerres, il y fréquente Breton, Aragon et Eluard et participe avec eux à des manifestations tapageuses, qui éclipsent souvent aujourd'hui d'autres aspects de son oeuvre. "Ce qui nous a intéressé c'est de redérouler son parcours de façon plus ample" explique Estelle Pietrzyk, directrice du Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg.

Tristan Tzara (en haut avec la canne) avec les poètes du mouvement Dada
 (France 3 / Culturebox / capture d'écran)

Double embargo

Tout en pointant la révolte de l'artiste contre le "moralisme et le mercantilisme" de son époque, Serge Fauchereau, commissaire général de l'exposition, souhaite mettre en lumière le "côté constructeur qu'on a oublié chez Tzara":
"Dada, c'est très important, mais que fait-on une fois qu'on a tout cassé?", s'interroge-t-il. Cet historien d'art et de la littérature souligne que la notoriété de Tzara "a souffert d'un double embargo, surréaliste et communiste", lié à sa rupture avec André Breton en 1922 puis à ses critiques de la répression soviétique à Budapest en 1956.

Tristan Tzara 
 (France 3 / Culturebox)



Curieux de toutes les formes d'expression artistique, Tzara noua pourtant de solides amitiés avec Miro, Sonia Delaunay, Picasso, Giacometti, Brancusi, mais également avec Matisse, dont l'univers est très éloigné du dadaïsme. Des oeuvres de ces artistes -parmi lesquelles la "Muse endormie" de Brancusi, prêtée par le centre Pompidou- émaillent l'exposition, qui présente également des manuscrits et lettres de Tzara. 
Épistolier prolifique, l'artiste entretenait une abondante correspondance, avec Breton, Brancusi ou encore Brauner. 
 

"Muse endormie" de Brancusi 
 (France 3 / Culturebox)

Tzara, le poète

Au fil des salles, le visiteur découvre les textes de poèmes annotés et souvent couverts de petits dessins, ainsi que des "cadavres exquis" (un jeu inventé par les surréalistes, consistant à continuer une phrase ou un dessin sans en connaître le début) aux crayons de couleurs, réalisés avec Breton et Eluard. Il peut admirer des dédicaces de Picasso et Chagall à Tristan Tzara et des lithographies réalisées par Miro pour son texte "Parler seul".

Tristan Tzara et Hans Arp comparses de toujours 
 (France 3 / Culturebox)

L'art venu d'ailleurs

A l'étage, un espace consacré à la passion de Tzara pour ce que l'on appelait alors "l'art nègre" présente des statuettes africaines, océaniennes et méso-américaines. 
L'exposition explique enfin les engagements de l'artiste qui, tout en proclamant que le poète n'a d'engagement envers quiconque, soutint les Républicains espagnols et prit position contre la guerre d'Algérie. "Tzara ne deviendra jamais un auteur populaire mais je pense qu'on va contribuer à le rendre plus compréhensible", s'amuse le conservateur Serge Fauchereau.

"Tristan Tzara, l'homme approximatif" figure parmi les 19 expositions qui ont reçu pour l'année 2015 le label "exposition d'intérêt national" du ministère de la Culture.
Elle est présentée au Musée d'Art Moderne de Strasbourg jusqu'au 17 janvier 2016

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