Que reste-t-il de Paul Gauguin à Pont-Aven ?
Il a voyagé à travers le monde, expérimenté des styles de peinture différents, connu la plus grande misère, Paul Gauguin a révolutionné l'impressionnisme à la fin du XIXe siècle grâce à son originalité. C’est à Pont-Aven, en Bretagne, que son art se révèle, il crée même "L'école de Pont-Aven" tant il aime le village du Finistère.
Comment Pont-Aven, est-il devenu une source d'inspiration inépuisable pour Paul Gauguin ? C'est l'enquête du 19/20.
Reportage : M. Berrurier / A. Berthiau / L. Harper / M. Laporte
De la misère à la gloire : Itinéraire de Gauguin à Pont-Aven
La petite ville de 3 000 habitants conserve bien précieusement toutes les traces laissées par le peintre. En découvrant Pont-Aven, le visiteur ressent le même charme qui a emporté Gauguin en 1886. La rivière qui coule au milieu du village, plusieurs fois représentée en peinture, et tous les lieux que Gauguin fréquentait reviennent dans les toiles du maître. "La pension Gloanec" sur la place rebaptisée au nom du peintre figure comme une maison incontournable de Pont-Aven. Il y séjourne quatre fois et paye sa chambre quand il le peut. "On a retrouvé des lettres qui traduisent l’absence de matériaux, il était extrêmement pauvre", rapporte l’historien André Carion. C'est dans cette pension familiale qu'il croise les artistes Émile Bernard, Paul-Émile Colin, Paul Sérusier, Charles Filiger, Maxime Maufra, Henry Moret, et Ernest de Chamaillard. Ensemble, ils créent "L'école de Pont-Aven". Trois sentiers de promenade invitent les visiteurs à parcourir Pont-Aven et Nizon sur les lieux d’inspiration des peintres. Tel un chemin de croix, les parcours sont jalonnés de 21 étapes présentant une reproduction et un double commentaire sur l’œuvre et sur le lieu.Aujourd’hui, le village est entièrement dédié à Gauguin et à l’école des Nabis. Sur la fontaine de la place de l’Hôtel de Ville trône le buste de Gauguin sculpté par Emile Vaillant. Et puis, il y a le musée de Pont-Aven récemment restauré et rouvert au public. Un écrin pour les peintures de Gauguin.
Paul Gauguin passe son dernier séjour à l’hôtel Gloanec en 1894. Il quitte définitivement la France métropolitaine pour Tahiti puis Hiva Oa, une des îles Marquises où il meurt en 1903.
Les thèmes récurrents de son œuvre bretonne
Parmi les œuvres de Gauguin peintes en Bretagne, plusieurs thèmes abordés à Pont-Aven peuvent apparaître comme le fil conducteur du répertoire breton. Paul Gauguin, cherche à saisir l’âme du pays et de ses habitants, il représente les villageois vêtus en costumes traditionnels. Sur chacun de ses tableaux, les femmes portent tantôt des vêtements de travail, tantôt des habits de cérémonie ou même de deuil.J’aime la Bretagne : j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture
Paul GauguinCertains de ces villageois sont particulièrement bien représentés sur "La Danse des quatre bretonnes", "La Ronde des petites bretonnes", "Les Paysannes Bretonnes" ou encore "La Belle Angèle". Cette dernière n’a guère remporté l’enthousiasme de la famille. Aujourd’hui encore les descendants se souviennent "Les yeux porcins, les mains larges, ils ont réagi tout de suite très négativement", rapporte Jean Le Reste de la famille de La belle Angèle qui est, bien malgré elle, entrée dans la mémoire de la peinture française.
C’est à Pont-Aven que Paul Gauguin découvre l’art sacré. En 1889, il peint plusieurs tableaux à thème religieux : "Le Christ Vert" inspiré de la pietà du calvaire de Nizon.
C’est aussi à l’automne 1889 qu’il peint "Le Christ jaune" d’après le christ en bois polychrome du XVIIe de la chapelle de Trémalo. Une sorte d’autoportrait douloureux qui exprime sa souffrance. "Le Christ étant le symbole de la souffrance universelle, de la personne qui est rejetée, Gauguin s’identifie à cette figure de l’exclu et au Christ", analyse l’historienne Catherine. Avec cette œuvre emblématique, il savait cependant que ce sacrifice avait été utile, car il avait le sentiment d’avoir accompli sa vocation.
S'il n'a ni argent ni succès public, c'est à Pont-Aven que Paul Gauguin va peindre ses plus grandes toiles. Malgré les critiques, Gauguin va forger son fameux style. "Personne avant lui n'avait osé utiliser ces grands aplats (...) Ça annonce bien la modernité", explique l'artiste Roger Rode.
L’École de Pont-Aven
Très vite, la petite ville de Pont-Aven en Finistère devient sous influence de Gauguin l’un des centres artistiques les plus en pointe de France. Un groupe de jeunes gens se forme autour de lui : Paul Sérusier, Maurice Denis, Émile Bernard… Beaucoup de ces artistes sont à la recherche d’un nouveau souffle, d’une conception nouvelle de l’art. Les paysages du Finistère, les hommes qui y vivent et la lumière si particulière de la pointe de la Bretagne leur inspirent de grands aplats de couleurs vives, des contours et des formes simplifiés.
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