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Prague trouve enfin une demeure pour l'"Epopée slave" d'Alfons Mucha

La gigantesque "Epopée slave" d'Alfons Mucha va enfin être hébergée dans bâtiment spécialement dédié, a annoncé la municipalité de Prague jeudi. L'artiste, célèbre pour ses illustrations et ses affiches art-nouveau, en avait fait une condition pour la léguer à la capitale tchèque.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Trois tableaux de l'"Epopée slave" d'Alfons Mucha, à Prague en 2012
 (Michal Cizek / AFP )

Au moment où il fit don de sa gigantesque "Epopée slave" à Prague, le peintre Alfons Mucha ne pouvait pas se douter qu'il faudrait encore 90 ans de péripéties pour que la ville honore l'engagement pris à son égard. C'est finalement chose faite, la municipalité de Prague ayant décidé jeudi de construire un bâtiment spécial pour abriter les tableaux de l'artiste, des oeuvres aux dimensions particulièrement imposantes.
 
Alfons Mucha (1860-1939) a stipulé dans son testament que son "Epopée slave", un cycle de tableaux retraçant les mythes slaves, devait être exposé à Prague, à condition que la ville érige un bâtiment spécial pour l'héberger.
 
Prague a pris possession des toiles allégoriques en 1928, mais sans exaucer jusqu'à présent le souhait du célèbre peintre, affichiste, illustrateur et graphiste, qui voyait dans l'"Epopée slave" sa principale oeuvre et son testament artistique.
 
Un bâtiment conçu pour abriter les tableaux dont les plus grands mesurent 8,1 mètres sur 6,1, et les plus petits 4,8 mètres sur 4,05, verra finalement enfin le jour, selon une décision entérinée jeudi par la municipalité. "Je vois cela comme une dette de longue date que nous avons envers Alfons Mucha", a déclaré la maire de la capitale tchèque, Adriana Krnacova.

Un détail d'un tableau de l'"Epopée slave" d'Alfons Mucha
 (Rieger Bertrand / Hemis.fr / AFP)

L'"Epopée slave" sera hébergée au Musée lapidaire

Les nouveaux espaces d'exposition hauts de 11,5 mètres seront intégrés dans le bâtiment déjà existant de l'ancien Musée lapidaire au Parc des Expositions de Prague.
 
Le bâtiment a été construit en 1891 également dans le style Art-nouveau, mouvement artistique et décoratif populaire vers la fin du XIXe et au début du XXe siècles, caractérisé par l'emploi de lignes sinueuses, de courbes ainsi que d'éléments végétaux et floraux.
 
Le bâtiment du Musée lapidaire est à l'abandon depuis des décennies et sa reconstruction contribuera à revitaliser cet endroit proche du centre-ville aujourd'hui négligé mais qui recèle un important potentiel pour attirer les Pragois et les touristes.
 
"L'avantage de cette solution, c'est que cet ouvrage grandiose pourrait avoir son 'chez soi' déjà dans deux ans et demi", a souligné Adriana Krnacova.

18 ans de travail

"Il s'agit de la meilleure solution pour l'Epopée slave", a insisté jeudi le conseiller à la Culture, Jan Wolf. Selon lui, ces nouveaux espaces pourraient abriter aussi d'autres ouvrages de Mucha.
 
Le coût du projet s'élèvera à 580 millions de couronnes (22,6 millions d'euros), estime Jan Wolf. En 1913, à l'époque où le pays faisait partie de l'empire austro-hongrois, le slavophile américain Charles Crane commanda cet ouvrage à Alfons Mucha, un grand patriote tchèque, pour en faire une donation à Prague.
 
L'artiste, qui a vécu vingt ans à Paris, y avait séduit avec ses affiches fleuries de Sarah Bernhardt. C'est aux Etats-Unis qu'il pense à son"Epopée slave" mais il commence à la créer à son retour en Bohême en 1910 pour l'achever en 1928, soit dix ans après la proclamation de l'indépendance de la Tchécoslovaquie, le 28 octobre 1918. C'est en 1928 que l'oeuvre fut pour la première fois exposée dans son intégralité, au Palais des Foires à Prague.
 
Sous l'occupation nazie (1939-1945), les toiles furent placées dans un dépôt à Slatinany : pour les nazis, Mucha était un "judéophile" et un "franc-maçon". L'artiste est mort le 14 juillet 1939, peu après un interrogatoire à la Gestapo.

Pour les communistes, Mucha était un "bourgeois décadent"

Les communistes, arrivés au pouvoir à Prague en 1948, considéraient quant à eux le fer de lance de l'Art nouveau comme un "bourgeois décadent". Ce n'est que depuis 1963, époque d'un relatif dégel de la Tchécoslovaquie communiste, que l'"Epopée slave" était exposée au château de Moravsky Krumlov, à 200 km à l'est de Prague, non loin d'Ivancice, le village natal de Mucha.
 
Elle y est restée jusqu'en 2012, avant de regagner provisoirement le Palais des Foires à Prague, en raison du mauvais état du château morave.
 
Mais la question du lieu d'exposition définitif de l'oeuvre monumentale, qui a attiré 660.000 visiteurs lors de son déplacement au Japon en 2017, restait ouverte. Pendant des années de disputes inutiles sur l'emplacement et l'architecture d'un nouveau bâtiment ponctuées de différends juridiques avec les descendants de Mucha, une quinzaine de sites ont été évoqués. Tout porte à croire que la saga touche à sa fin.
 
En attendant, l'Epopée slave sera provisoirement exposée à partir de juillet dans la Maison de la Municipalité à Prague, elle aussi un chef-d'oeuvre de l'Art nouveau, à l'occasion du centenaire de l'indépendance de la Tchécoslovaquie.
 

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