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Picasso et les avant-gardes arabes : un regard croisé à l'Institut du Monde Arabe de Tourcoing

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Expo Picasso et les avant-gardes arabes
Expo Picasso et les avant-gardes arabes Expo Picasso et les avant-gardes arabes
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture

Cette exposition met en évidence le fructueux dialogue entre le maître espagnol et les artistes modernes arabes. Un nouveau regard sur l'oeuvre de PIcasso à découvrir jusqu'au 10 juillet 2022 dans un parcours de 70 créations.

C'est une œuvre d'une infinie richesse que l'on a certainement jamais fini d'explorer, celle de Pablo Picasso, qui a influencé de nombreux artistes partout dans le monde. Preuve en est avec la nouvelle exposition de l'Institut du Monde Arabe de Tourcoing. Intitulée Picasso et les avant-gardes arabes, elle présente jusqu'au 10 juillet 2022 quelques 70 œuvres du maître espagnol en miroir avec celles de grands artistes libanais, irakiens ou encore syriens. 

L'exposition s'ouvre sur deux portraits à la bougie, en miroir à vingt ans d'écart : le premier portrait, peint par Picasso, de sa compagne Dora Maar, le second peint par l'Égyptien Samir Rafi, reprenant certains codes cubistes.

"Guernica" d'aujourd'hui en Syrie

Parmi les chefs-d'œuvre inspirants de Picasso, Guernica, cette fresque en noir blanc qui narre en peinture les horreurs de la guerre d'Espagne en 1937 dans le village du même nom. Une huile sur toile au style cubiste de sept mètres de long exposée dans une salle immaculée du musée de la Reina Sofia de Madrid. Un monument de la peinture engagée qui glace le sang du visiteur et qui résonne encore aujourd'hui dans le chaos des conflits mondiaux. C'est aussi le cas de cette toile, tout autant glaçante, réalisée par un artiste syrien qui raconte les crimes commis dans les années 1980 par le régime baasiste sous Hafez-el-Assad.

Des corps démantelés, des bombardements, du feu et du sang, un minotaure, un cheval, des hélicoptères pilonnant une tour de Babel hantent le triptyque d'Alwani Khozaima. "Il y a une ressemblance, mais c'est une réinterprétation", souligne le galeriste Saleh Barakat, qui a prêté l'œuvre. "Ça parle du monde arabe dans les années 70-90", et il y a un "vocabulaire propre, avec le viol du cheval qui dans la culture arabe est l'animal digne qui refuse de se soumettre".

Khouzayma Alwani-1991 – 1992 (Galerie Saleh Barakat)

Des œuvres en résonance avec l'actualité

Si Picasso n'a jamais voyagé dans le monde arabe, ses œuvres en ont fait écho. "Quand on parle de Picasso, on parle souvent de son orientalisme, mais jamais de sa relation avec des artistes arabes", note la directrice de l'IMA Tourcoing, Françoise Cohen. Cette exposition de l'Institut du Monde arabe de Tourcoing s'inscrit pleinement dans l'histoire d'hier qui résonne avec celle d'aujourd'hui. "Cela permet de montrer des artistes peu connus en Occident, et d'en redécouvrir d'autres avec un oeil nouveau", avec "des rapprochements très parlants", relève le galeriste Saleh Barakat. À l'image d'un artiste libanais qui a fait ses classes à Moscou, il raconte la guerre version soviétique en gris clair et tachée de sang. 

Exposition "Picasso et les avant-gardes arabes" à l'IMA Tourcoinc (France 3 Nord Pas-de-Calais)

Hommage à Djamila Boupacha

Un autre pan de l'Histoire est aussi abordé avec cet hommage à Djamila Boupacha, une femme militante indépendantiste algérienne du Front de Libération Nationale (FLN) torturée et violée durant sa séquestration en 1960. À l'époque, son histoire avait ému et indigné les opposants à la guerre d’Algérie en France parmi lesquels son avocate Gisèle Halimi, l’écrivaine Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, qui décident d'écrire à Picasso. "Il gardait toutes ses archives, on a ces échanges de lettres avec toutes ces femmes", souligne encore Françoise Cohen. En 1961, il réalise un portrait à l'effigie de la jeune héroïne qui permet de financer son procès. La douceur de son visage interpelle le visiteur.

Le parcours présente également quelques pièces traditionnelles islamiques, tapis et faïences, qui constituent d'autres sources d'inspiration des avant-gardes arabes. Leurs graphismes épurés semblent également résonner chez Picasso.

Pablo Picasso, Page de titre du livre Djamila Boupacha de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir avec un dessin de Picasso, aux éditions Gallimard, 1962, Paris, Musée national Picasso – Paris, (© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean © Succession Picasso 2022)

L'exposition sera présentée à l'Institut du monde arabe à Paris en 2024.

"Picasso et les avant-gardes arabes" à l'Institut du Monde Arabe-Tourcoing - Ouvert du mardi au jeudi de 13h à 18h, vendredi de 13h à 20h samedi et dimanche 10h à 18h

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