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Matisse, le roman d'une oeuvre au Centre Pompidou

230 oeuvres d'Henri Matisse racontent l'histoire de son oeuvre au Centre Pompidou, à l'occasion des 150 ans de sa naissance : de ses premières expérimentations au tournant du XXe siècle à ses derniers papiers découpés monumentaux au début des années 1950.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'exposition "Matisse, comme un roman", au Centre Pompidou, 20 octobre 2020 (GAO JING / XINHUA / VIA MAXPPP)

A l'occasion des 150 ans de la naissance d'Henri Matisse (1869-1954), le Centre Pompidou, qui possède le plus grand fonds d'oeuvres de l'immense maître de la couleur et de la forme, lui rend hommage avec une rétrospective basée sur sa collection et plus largement sur les collections française, auxquelles se sont ajoutés des prêts de musées étrangers et de collections particulières (jusqu'au 22 février 2021).

Matisse, comme un roman, le titre de l'exposition s'inspire de l'ouvrage de Louis Aragon, Henri Matisse, roman, publié en 1971 par le poète. Car la commissaire de l'exposition Aurélie Verdier, conservatrice au Centre Pompidou, a voulu placer le peintre "sous l'oeil d'Aragon", qui fut son ami et "un témoin privilégié de l'oeuvre en train de se faire". C'est le roman de toute une œuvre et de toute une vie que veut raconter l'exposition, depuis les tableaux de la fin du XIXe siècle sous l'influence de Cézanne aux dernières gouaches découpées monumentales des dernières années. "La richesse des collections du Musée national d'art moderne l'autorisait, puisqu'elles couvrent toute cette vie", même si "ma mission n'était pas de montrer les collections du Mnam".

A une centaine d'oeuvres sélectionnées parmi les 150 que conserve le Centre Pompidou s'ajoutent quelque 130 prêts notamment des musées Matisse du Cateau-Cambrésis (Nord) et de Nice, et du musée de Grenoble comme l'extraordinaire Interieur aux aubergines, très fragiles, qui n'avait voyagé qu'en 1937 et en 1993. A côté des peintures, l'exposition donne une large place aux dessins, si importants pour Matisse, et aux sculptures.

Peinture : Henri Matisse, retour sur l'histoire artistique du maître des couleurs
Peinture : Henri Matisse, retour sur l'histoire artistique du maître des couleurs Peinture : Henri Matisse, retour sur l'histoire artistique du maître des couleurs (France 2)

Peintre de la couleur 

Le parcours, classique et très rectiligne, assumé par la commissaire qui explique "un fort parti pris d'orthogonalité", clin d'oeil "au fil à plomb que Matisse utilise une bonne partie de sa vie pour camper sa composition, bien plus que l'arabesque à laquelle on l'associe". Chronologique, il se divise en neuf chapitres qui découpent les grandes périodes des cinq décennies de création de l'artiste.

Dès la première salle, consacrée au tournant du siècle, on est saisi par les couleurs, réjouissantes. Matisse se cherche, comme il le fera toute sa vie d'ailleurs, se renouvelant sans cesse. Il se nourrit de Cézanne dont on peut voir la petite toile acquise par le jeune peintre en 1899 : "Il y puise et y revient en permanence jusqu'à ce qu'il donne le tableau au Petit Palais en 1937, quand son art est suffisamment confiant."

Il y a une nature morte néo-impressionniste, et à côté, une autre plus classique mais éblouissante de lumière et de couleurs, presque incandescente ("Première nature morte orange", 1899). Matisse voyage en Bretagne et en Corse, les contours disparaissent et les couleurs dessinent les formes, annonçant le fauvisme.

Henri Matisse, "Intérieur aux aubergines", 1911, Musée de Grenoble, Don de Madame Amélie Matisse et Mademoiselle Marguerite Matisse, 1922 (© Succession H. Matisse Photo © Ville de Grenoble/Musée de Grenoble- J.L. Lacroix)

Un immense travailleur et un grand anxieux 

"Cette joie dont on me parle beaucoup, cette idée de peintre du bonheur qu'on connait quand on ne sait pas grand-chose de Matisse est en réalité un cliché vrai", selon Aurélie Verdier. Matisse, immense travailleur et grand anxieux (on le surnomme "le follement anxieux") cherche à cacher l'ampleur de son travail et sa personnalité angoissée "au profit de la simplicité et de cette visée heureuse, bienveillante", explique la commissaire. Elle raconte que Matisse prêtait des œuvres à des amis malades ou dans une mauvaise passe en leur disant : "Vis avec mon tableau, fais-en l'expérience, et tu iras peut-être mieux."

Se déroulent ensuite les années fauves avec des toiles de Collioure ou un autoportrait grave et intense de 1906. Jusqu'à la Première guerre, les recherches de Matisse sont toujours aussi foisonnantes. Il noie une nature morte presque invisible dans un décor saturé de motifs décoratifs, comme dans les deux extraordinaires toiles du musée de Grenoble, L'Intérieur aux aubergines (1911) et Les tapis rouges (1906).

Il peint des nus inspirés de l'art africain, fait des portraits de sa fille Marguerite, en même temps sobres et "en profondeur" selon les mots de son gendre Georges Duthuit, historien de l'art, qui évoque les mosaïstes byzantins à propose de Marguerite au chat noir (1910). A la même époque, il peut faire un étonnant Jardin à Issy quasi abstrait ou une hallucinante Tête blanche et rose (1914) toute en angles.

Henri Matisse, "Les Tapis rouges", 1906, Musée de Grenoble (© Succession H. Matisse - Photo © Ville de Grenoble / Musée de Grenoble- J.L. Lacroix)

Jazz, les papiers gouachés

Les années 1920 sont une période difficile, vue comme un retour à la tradition, où il poursuit en réalité ses recherches, autour de la lumière et de l'insertion de figures dans l'espace, avec notamment des odalisques tout en volume dans des décors saturés. 

Ses papiers gouachés découpés apparaissent sous forme de maquettes pour de grands décors muraux dans les années 1930 et ne deviendront des œuvres à part entière que pour le projet de livre Jazz, dix ans plus tard. Il faut remarquer, à cette époque, Le Rêve (1935), très belle évocation du sommeil, où les lignes des bras sur lesquels repose la tête de la jeune femme traduisent si bien le relâchement et l'abandon.

En 1941, Matisse échappe "d'un poil de chat angora" (ce sont ses mots) à la mort. A partir de là "et jusqu'à sa mort en 1954, il va connaître une sort de supplément de vie dont il va dire qu'elle l'oblige. C'est aussi une sorte de renouveau dans son art qui est absolument capital", souligne Aurélie Verdier.

"La Tristesse du roi" d'Henri Matisse, exposé au Centre Pompidou dans l'exposition "Matisse, comme un roman", octobre 2020 (IAN LANGSDON / EPA / NEWSCOM / MAXPPP)

De plus en plus grand 

Il y a d'abord les toiles des années 1940, où les couleurs, rouges, orange, sont tellement exubérantes, stridentes, voire flash, que l'historien et critique d'art Jean Clay n'hésitera pas, en 1973, à parler de couleurs "presque pop". Comme celles par exemple de l'Intérieur rouge, nature morte sur table bleue (1947) de Düsseldorf.

Puis les grandes compositions de gouaches découpées et collées sur la toile, avec lesquelles il a réussi à unir le dessin et la couleur, le projet de toute sa vie : en découpant, il dessine désormais directement dans la couleur. On voit Matisse dans un film à la fin de sa vie découper ses papiers. Il est diminué mais il fait de plus en plus grand. L'exposition se termine sur un chef-d'oeuvre géant, La Tristesse du roi (1952), réalisé deux ans avant sa mort.

Matisse, comme un roman
Centre Pompidou, Paris 4e
Du 21 octobre 2020 au 22 février 2021
Les horaires du Centre sont modifiés en raison du couvre-feu

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