Les couleurs de Sonia Delaunay au Musée d'art moderne de la Ville de Paris
Dès ses premières peintures, Sonia Delaunay (1885-1979) affirme son goût pour les couleurs vives. Née en Ukraine, elle a vécu à Saint-Pétersbourg et étudié la peinture à Karlsruhe avant de s'installer en 1906 à Paris où elle découvre les fauves et Gauguin.
Elle peint alors des portraits inspirés de ces derniers et aussi de l'art russe, utilisant des aplats de couleurs, cernés de contours noirs, soulignant les traits d'ombres vertes ou de cernes bleus : ce sont les "Finlandaises" des vacances de son enfance, ou son "Nu jaune". Parfois ses portraits se détachent sur des fonds décorés, faisant penser à Matisse.
Son style change radicalement au début des années 1910 quand, en compagnie de Robert Delaunay qu'elle vient d'épouser, elle s'oriente vers l'abstraction : ils inventent le "simultané", qui joue sur les contrastes et la dynamique des couleurs. Déjà, Sonia Delaunay ne se contente pas de l'appliquer à la peinture, elle l'expérimente sur différents supports : elle crée une couverture de berceau en patchwork de couleurs contrastées, décore une boîte à jouets. Elle réalise des couvertures de livres, des affiches publicitaires, travaillant par exemple avec Blaise Cendrars.
Marchés et danseurs en Espagne et au Portugal
Elle peint à cette époque des toiles bouillonnantes, peut-être les plus belles, comme le grand "Bal Bullier" (1913), où on devine les danseurs enlacés au milieu d'une explosion de formes géométriques de couleurs vives qui tourbillonnent.
Pendant la guerre, elle est réfugiée avec son mari au Portugal et en Espagne. Dans le même esprit, elle y peint des tableaux mi-abstraits, mi-figuratifs, inspirés de scènes de la vie populaire comme une "Femme à la pastèque" ou une "Marchande d'oranges" au marché. Elle s'intéresse particulièrement au flamenco, à ses chanteurs et ses danseurs.
C'est après la guerre, dans les années 1920, après avoir ouvert une maison de décoration et de mode à Madrid, que Sonia Delaunay, de retour à Paris, se consacre à grande échelle à la création textile et aux vêtements, auxquels elle applique le nouveau langage artistique qu'elle a inventé avec son mari.
La mode, des tissus aux robes-poèmes
Les Delaunay vivent boulevard Malesherbes, dans un appartement de deux étages qui sert aussi d'atelier de couture à des ouvrières russes. Cet aspect de sa création est joliment montré dans l'exposition du Musée d'art moderne, qui y consacre une grande salle : on y on voit des robes, des photos de l'artiste portant ses vêtements, et surtout des dessins des tissus qu'elle imagine, notamment pour la maison hollandaise Metz & Co, ainsi que des échantillons de ces soies et cotons, toujours très colorés, aux motifs géométriques ou végétaux subtils.
"Je voulais, en m'amusant, montrer la richesse multiple des lignes de la femme et des mouvements du corps", dira Sonia Delaunay dans son autobiographie ("Nous irons jusqu'au soleil", 1978). Car il ne s'agit pas de transposer son art sur des vêtements mais de créer spécifiquement par rapport au corps.
Boulevard Malesherbes défile toute l'avant-garde artistique mais aussi littéraire, et l'artiste s'amuse à créer des "robes-poèmes" sur des vers qu'elle aime.
Après la guerre, l'abstraction approfondie
Après les peintures monumentales réalisées pour le Palais de l'Air à l'Exposition internationale des arts et techniques en 1937, l'artiste se consacrera complètement à l'abstraction.
Sur ces fresques l'artiste représentait des sujets mécaniques, "L'Hélice", "Moteur d'avion" et "Tableau de bord". Elles sont rassemblées et présentées pour la première fois à Paris depuis leur création.
Après la guerre et la mort Robert, Sonia Delaunay poursuit ses recherches esthétiques, expérimentant avec des gouaches de grand format de nouvelles combinaisons de formes et de couleurs qu'elle développe ensuite à l'huile. Elle utilise du noir et les couleurs se font plus vives et très contrastées. Elle travaillera encore de nombreuses années, réalisant par exemple une affiche pour l'Unesco en 1975.
Sonia Delaunay, les couleurs de l'abstraction, Musée d'art moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16e
Tous les jours sauf le lundi, 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu'à 22h
Tarifs : 11€ / 8€
Jusqu'au 22 février 2015
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.