Le peintre voyageur Nicolas de Staël fait escale à la Fondation de l'Hermitage à Lausanne

L'exposition suisse présente, jusqu'au 9 juin 2024, une sélection de plus de 100 tableaux, dessins et carnets venus de nombreuses collections publiques et privées, suisses, européennes et internationales.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Exposition "Nicolas de Staël" à la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne (Suisse), jusqu'au 9 juin 2024. (EPA / MAXPPP)

"C'est si triste sans tableaux, la vie, que je fonce tant que je peux", écrivait Nicolas de Staël (1914-1955). Figure incontournable de la scène artistique d'après-guerre, il peindra sans relâche durant sa courte carrière, brutalement interrompue par son suicide à l'âge de 41 ans.

En résulte une œuvre foisonnante de près de mille tableaux. La Fondation de l'Hermitage, à Lausanne (Suisse), en a sélectionné une centaine. Des toiles fortes qui retracent les multiples inspirations du peintre à découvrir jusqu'au 9 juin 2024.

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Exposition "Nicolas de Staël" à la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne, jusqu'au 9 juin 2024. . (FRANCE 3 ALPES / I. Pernet-Duparc / S. Worreth / G. Neyret)

Ébloui par les paysages, les scènes de la vie quotidienne et les êtres qui l'entourent, Nicolas de Staël n'a de cesse de traduire la lumière, les couleurs et le mouvement en mélangeant l'abstraction et la figuration. Chaque toile interpelle le regard, suscite l'envie de se rapprocher et presque de les toucher. Car plonger au cœur du génie de Staël, c'est aussi se laisser emporter par l'émotion pure et découvrir comment la peinture étalée à coups de truelle réussit à transformer la matière en poésie. "Nicolas de Staël, c'est un artiste qui vous attrape et qui ne vous lâche pas. Il faut voir ses tableaux en vrai, il y a une puissance, une intensité, c'est avec cette intensité qu'il a vécu" confie Sylvie Wuhrmann, la directrice de la Fondation de l'Hermitage.

L'énergie du Parc des Princes

Parmi les tableaux qui captent le visiteur, il y a l'emblématique Parc des Princes (toile qui fut adjugée à 20 millions d'euros en 2019 lors d'une vente chez Christie's, un record pour l'artiste). Réalisé en 1952, ce tableau marque un tournant dans la peinture de Nicolas de Staël. En mars, il assiste au match France-Suède au Parc des Princes, à Paris. Le premier match international en nocturne, éclairé par des projecteurs. C'est à peine s'il connaît les règles du jeu, mais il est ébloui par ce spectacle. Les silhouettes mouvantes des joueurs, leurs maillots colorés qui semblent surgir de la nuit noire le fascinent.

Dès son retour à l'atelier, il se met au travail, très inspiré. Il réalisera toute une série de toiles dédiée aux footballeurs et ce chef-d'œuvre. L'immense toile de 3,5 mètres par 2 mètres retrace cette toute nouvelle expérience visuelle. "C'est un homme qui est dans un combat, un peu au corps-à-corps avec la peinture, avec la matière, avec la lumière. C'est un sentiment de jubilation qui a étreint Nicolas de Staël devant ce spectacle complètement nouveau d'hommes et de couleurs en mouvement", détaille Sylvie Wuhrmann.

À côté du Parc des Princes, l'exposition de Lausanne retrace de manière chronologique les évolutions successives de l'artiste, depuis ses premiers pas figuratifs et ses toiles sombres des années 1930, jusqu'à ses tableaux peints à la veille de sa mort prématurée en 1955.

Les couleurs de la Méditerranée

Né à Saint-Pétersbourg, Nicolas de Staël a 3 ans lorsque éclate la Révolution russe. Forcé de fuir avec sa famille, très tôt orphelin, cet exilé cherchera tout au long de sa vie de nouveaux horizons, de nouvelles sensations – et donc, de nouvelles manières de peindre. De Bruxelles où il fait ses études, il sillonne la France puis l'Espagne et le Maroc pour ensuite revenir à Paris jusqu'à la fin des années 1940.

Son arrivée en Provence en 1953 marque un nouvel attrait. Dans son atelier de Lagnes, un village proche d'Avignon, Nicolas de Staël produit intensément. Il oriente ses recherches vers la couleur pure. Une nouvelle palette qu'il n'avait jamais expérimentée auparavant. Les jaunes, les orange et les rouges sont poussés à leur paroxysme, de Staël n'hésite pas à jouer sur les déséquilibres entre les teintes et la lumière. C'est à cette période qu'il peint le portrait de sa fille Anne, des natures mortes et qu'il renoue avec la peinture de paysage. Le résultat est éblouissant, "le paradis, tout simplement, avec des horizons sans limites", comme le décrit Nicolas de Staël.

"Agrigente" de Nicolas de Staël, 1953-1954. (FRANCE 3 ALPES)

Éternel voyageur, il parcourt la Méditerranée, embarque sa famille en camionnette pour découvrir l'Italie et la Sicile où il dessine au feutre les ruines antiques d'Agrigente et Syracuse. "C'est une couleur qui est hors de la réalité qu'il a extraite de son éblouissement et en même temps, c'est aussi une couleur émotionnelle qu'il traverse à ce moment", raconte encore Sylvie Wuhrmann.

Le 16 mars 1955, à 41 ans, il se donne la mort à Antibes en se jetant dans le vide, laissant une toile inachevée (Le Concert). Si l'essentiel de son œuvre tient en une quinzaine d'années, son travail se renouvelle constamment : son "inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond" invite le public à faire le voyage aux côtés de cet insatiable génie de la forme.

Nicolas de Staël dans son atelier. (FRANCE 3 ALPES)

"Rétrospective Nicolas de Staël" à la Fondation de l'Hermitage de Lausanne jusqu'au 9 juin 2024.

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu'à 21h.

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