Georg Baselitz au Centre Pompidou : 7 œuvres pour comprendre 60 ans de création
Le Centre Pompidou consacre au grand peintre allemand Georg Baselitz une rétrospective inédite. A ne pas rater.
60 ans de peinture, gravure et sculpture d'un des plus grands artistes allemands contemporains, c'est ce que propose le Centre Pompidou, avec la première rétrospective complète de Georg Baselitz. C'est l'occasion de découvrir son œuvre dans toute son ampleur.
Né dans l'Allemagne nazie, en 1938, Hans-Georg Kern (il prendra son nom en hommage à son village natal, Deutchbasezliz) passe ses premières années dans la guerre et les destructions qui marquent durablement son œuvre, même si avec le temps, celle-ci s'apaisera. Puis il grandit dans l'Allemagne de l'Est où il commence ses études d'art. Mais il est exclu de l'école pour s'être inspiré de Picasso alors que le réalisme socialiste est la norme. Il passe alors à Berlin Ouest, en 1957.
"Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, une société détruite. Et je n'ai pas voulu réinstaurer un ordre; j'avais vu assez de soi-disant ordre. J'ai été contraint de tout remettre en question, d'être 'naïf', de repartir de zéro", dira-t-il.
Ses influences seront multiples, des expressionnistes abstraits américains aux maniéristes italiens ou à l'art africain, de Jean Dubuffet aux surréalistes et, au-delà, à Lautréamont ou Antonin Artaud. Il s'exprime dans des toiles souvent monumentales, dans une peinture en constante évolution.
Ces quelques images évoquent son parcours, des années 1960 à aujourd'hui.
Die große Nacht im Eimer (La Grande Nuit foutue), 1962-1963
Alors qu'en 1961 il a rédigé avec son ami Eugen Schönebeck un texte sur la situation postapcalyptique de l'Allemagne en 1945, le Premier manifeste pandémonique et qu'il est bouleversé par la découverte des horreurs commises par le régime nazi, il réalise des œuvres sombres dont celle-ci qui fait scandale et est censurée quand elle est exposée dans une galerie de Berlin-Ouest en 1963 avec deux autres toiles. Il est poursuivi en justice pour atteinte à la pudeur.
Die großen Freunde (Les Grands Amis), 1965
En 1965, Baselitz passe six mois à Florence où il est fasciné par les peintres maniéristes du XVIe siècle. Quand il rentre à Berlin, il crée une série d'œuvres baptisées Un nouveau type, connue sous le nom des Héros, des figures inspirées des distorsions maniéristes, qui errent dans des paysages dévastés. Ces "deux amis" aux airs de soldats dans un champ de ruines sont Baselitz lui-même et sa femme Elke (il représentera souvent son couple) dont les mains martyrisées se tendent l'une vers l'autre sans pouvoir s'atteindre.
Die Mädchen von Olmo II (Les Filles d’Olmo II), 1981
Ce tableau a été inspiré par des jeunes filles à vélo sur une place de village italien. Les couleurs vives évoquent celles utilisées par les peintres allemands du groupe Die Brücke. Les deux figures sont renversées. Le motif renversé est un principe qu'il a adopté dès 1969, qu'il a continué à utiliser tout en variant les techniques. Il l'a rendu célèbre et il est devenu sa marque de fabrique. Il lui permet de rompre avec la représentation fidèle de la réalité.
Modell für eine Skulptur (Modèle pour une sculpture), 1979-1980
Grand collectionneur d'art africain, Baselitz réalise à partir de 1979 des sculptures à l'aspect inachevé qu'il taille dans des troncs d'arbre à la tronçonneuse, à la hache et au ciseau et qu'il barbouille de peinture. Quand il expose pour la première fois celle-ci, en 1980 à la Biennale de Venise, elle suscite une controverse. Le bras tendu, paume vers le ciel, fait penser au salut hitlérien alors qu'il est inspiré de figures lobi d'Afrique de l'Ouest. Quelques sculptures sont présentes dans l'exposition. On avait pu découvrir cet aspect de l'œuvre de Baselitz en 2011-2012 au Musée d'art moderne de Paris.
Bildneunundzwanzig (Tableau-vingt-neuf), 1994
Après la chute du mur de Berlin en 1989, Baselitz se plonge dans ses souvenirs d'enfance, ceux de la ville de Dresde détruite par les bombardements à la fin de la guerre, dont il a vu les décombres à sept ans. Il rend hommage aux femmes de Dresde qui ont déblayé la ville avec une série de sculptures et des tableaux monumentaux. Dans les années 1990, il crée 39 grands tableaux où têtes, bustes ou corps quasi-abstraits se réduisent parfois à des taches de couleur. Ils sont réalisés au sol, pratique qu'il utilise toujours aujourd'hui. Ici, le buste de sa femme flotte sur un fond où des dessins noirs évoquent des motifs végétaux.
In der Tasse gelesen, das heitere Gelb (Lu dans la tasse, le jaune enjoué), 2010
Dans les années 2000, l'artiste revisite ses propres tableaux dans le cycle Remix : il joue avec des compositions existantes en y ajoutant des références nouvelles et en rendant hommage à des artistes qu'il admire. Il reprend ici le premier double autoportrait avec sa femme de 1975 (Schlafzimmer, Chambre à coucher) qui représentait le couple nu, dans une posture souple et des couleurs vives. Ici, ils sont habillés, dans des couleurs froides et dilués. Cette œuvre est un clin d'œil à un portrait fait par Otto Dix de ses parents (Les parents de l'artiste, 1924).
Wagon-lit mit Eisenbett (Wagon-lit au lit en fer), 2019
A partir de 2014, Baselitz peint des figures évanescentes qui évoquent son vieux corps fragile, dans des autoportraits, des portraits de sa femme ou avec elle. Celui-ci a été réalisé après un séjour d'Elke à l'hôpital. Les lignes renversées évoquent la dureté du lit d'hôpital. Le contraste des couleurs font penser à une image radiographique.
Baselitz, La rétrospective
Centre Pompidou
Paris 4e
Tous les jours sauf mardi, 11h-21h
Tarifs : 14€ / 11€ / gratuit pour les moins de 18 ans
Du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.