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Au Ghana, les affiches de films hollywoodiens attirent les collectionneurs

Les affiches de films artisanales, réalisées au Ghana attirent les amateurs d'art au delà des frontières du pays. C'est la lecture singulière et naïve des superproductions américaines qui séduit des collectionneurs prêts à les acquérir pour plusieurs centaines de dollars.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Affiches de films hollywoodiens réalisées par des artistes ghanéens, ici exposées à Accra (Ghana) en mars 2014
 (Chris Stein/AFP)

Oko Afutu sait exactement ce qui donne envie aux cinéphiles ghanéens de se ruer dans une salle obscure pour voir le film d'horreur anglais "Dog soldiers": une affiche montrant un loup garou en train de dévorer un crâne d'homme. L'artiste passe ses journées à peindre des affiches criardes pour les films étrangers projetés dans les cinémas d'Accra. 

Donner envie d'aller au cinéma

Pour remplir les salles obscures, M. Afutu ne recule devant rien: si le  film est sanglant, il y aura du sang plein l'affiche. S'il y a des scènes de nu, il peindra des corps nus sur l'affiche. "L'affiche doit donner envie d'aller voir le film", insiste M. Afutu qui  peint depuis 1988. Les affiches artisanales de M. Afutu lui rapportent 40 euros chacune. C'est un métier qui date du temps où les panneaux publicitaires numériques n'avait pas encore envahi les artères de la capitale ghanéenne : à cette époque, les affiches de cinéma étaient toutes fabriquées à la main. 

Les collectionneurs viennent de loin 

Au-delà des frontières du Ghana, cette lecture un peu naïve des superproductions américaines a séduit des amateurs d'art qui sont  prêts à les acquérir pour plusieurs centaines de dollars.  "Ce qui nous attire le plus, c'est leur part de mystère", explique Brian Chankin, un loueur de dvd de Chicago qui collectionne et expose dans son magasin les affiches de films ghanéennes. "Les fautes d'orthographe n'ont pas d'importance... La façon dont les personnages sont placés sur l'affiche est toujours un peu maladroite. Mais cela  fait partie de leur charme".

Exposition d'affiches de films artisanales à Accra (Gjhana) en mars 2014
 (Chris Stein/AFP)
Le Ghana a connu un boom économique ces dernières années grâce à ses exportations d'or et de cacao et à son industrie pétrolière naissante, ce qui a  donné naissance à une classe moyenne qui consomme et encourage le secteur publicitaire. Quand l'anthropologue Joseph Oduro Frimpong était petit, les grands écrans  numériques (sur lesquels défilent désormais publicités de voitures), annonces de concert et films en salle n'existaient pas: tout était peint à la main. Quand Joseph Frimpong a trouvé une série de vieilles affiches de film dans un cinéma d'Accra, il a commencé à les collectionner. Il en a aujourd'hui une  centaine.

L'âge d'or des affiches artisanales

Pour le galeriste californien Ernie Wolfe, auteur deux livres sur ces  affiches qu'il collectionne également, l' "âge d'or" de cette discipline remonte à l'époque où peu de foyers ghanéens avaient la télévision et encore  moins des lecteurs de DVD. A la fin des années 80, on embarquait un vieux projecteur, un groupe  électrogène et des affiches peintes à la main dans un camion et on allait projeter les films dans les villages sans cinéma, raconte-t-il. Quand les VHS arrivaient au Ghana, bien souvent, elles n'étaient pas  livrées avec les affiches originales, ce qui obligeait les artistes locaux à  les illustrer à leur manière.

Une imagination débordante

 "Nous n'avions pas Internet à cette époque", rappelle Daniel Anum Jasper, qui peint des affiches de films depuis 1986 depuis son petit atelier en bordure d'une route animée, à la sortie d'Accra. "On regardait le film (...) et on se servait de ce qu'on avait vu pour  créer l'affiche" raconte-t-il. L'imagination des artistes ne connaît pas de bornes. Dans la collection de Joseph Frimpong, par exemple, des samouraïs armés d'épées apparaissent sur l'affiche de "Pirates des Caraïbes: la malédiction du Black Pearl"... alors  qu'ils ne sont pas dans le film. On ignore aussi d'où vient l'énorme poisson rouge de l'affiche locale du  James Bond "l'espion qui m'aimait", puisqu'il n'en est question à aucun moment  dans le film. C'est justement cette originalité qui fait leur succès auprès des  collectionneurs, selon M. Wolfe. "Ils n'avaient pas un patron derrière leur épaule" et pouvaient laisser  libre cours à leur imagination, dit-il. Quand Clive Barker, l'auteur du roman qui a inspiré la série de films d'horreur britanniques "Hellraiser", a vu ce que les artistes ghanéens avaient  fait du héros sadique Pinhead, "il a halluciné", raconte M. Wolfe, "ils  l'avaient transporté complètement ailleurs".

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