A Rouen, l'art s'intéresse aux cathédrales
L'exposition rouennaise montre comment les cathédrales gothiques, tombées un moment dans l'oubli, ont suscité un véritable engouement artistique au XIXe siècle durant lequel on a entrepris de vastes chantiers pour leur restauration après les dégradations de la Révolution française. Un intérêt qui ne s'est pas démenti au XXe siècle.
Les cathédrales, un emblème de l'identité nationale
Les cathédrales deviennent un emblème de l'identité nationale, pour la monarchie comme pour l'Empire ou la République.
Aujourd'hui l'engouement perdure, porté par l'intérêt pour le patrimoine et le développement touristique.
Le XIXe romantique a fait des cathédrales des symboles sortant du cadre religieux. "Goethe le premier est fasciné par la cathédrale de Strasbourg et considère que l'art gothique est l'expression du génie allemand", explique Ségolène Le Men, commissaire générale de l'exposition.
Du romantisme anglais à Victor Hugo
Le romantisme anglais va aussi glorifier à sa manière le gothique anglo-normand comme le montrent certaines oeuvres exposées : des aquarelles de Turner et le tableau de John Constable "La Cathédrale de Salisbury vue de la propriété de l'évêque", datant de 1825 et prêté par le Metropolitan Museum of Art de New York.
Le romantisme français va puissamment glorifier les cathédrales. Avec "Notre Dame de Paris" (1831), Victor Hugo inspire une grande vogue médiévale et gothique. Son célèbre roman connaît, comme le "Faust" de Goethe, de nombreuses éditions illlustrées. Et l'architecte Eugène Viollet-le-Duc, restaurateur prolifique de multiples monuments en France, va ajouter une flèche et des gargouilles au joyau de l'Ile de la Cité.
La stryge, symbole du parti-pris architectural de Viollet-le-Duc
"Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné", avait écrit l'architecte controversé dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance.
Un des meilleurs exemples de ce parti-pris architectural est la stryge, démon ailé, le visage pensif entre les mains, ajouté à Notre-Dame de Paris. L'étrange créature a inspiré de nombreuses œuvres, dont une photographie de Charles Nègre datant de 1853, exposée à Rouen.
Aspect moins connu du retour en force du gothique au XIXe en France, une mode dite "à la cathédrale" se répand de 1815 à 1848 sur les arts décoratifs. Elle touche aussi bien les pièces de mobilier, que les reliures de livres ou encore les bijoux.
Les cathédrales de Corot à Monet
Parmi les peintres du paysage, Corot accorde déjà une place à la thématique de la cathédrale. Une thématique familière aussi des impressionnistes. La série de tableaux de Claude Monet consacrée à Notre-Dame de Rouen est la plus connue. Deux huiles sur toile sont montrées au Musée des Beaux-Arts qui présente aussi une série de variations de lumière d'Alfred Sisley sur l'église de Moret-sur-Loing, peintes à la même époque.
Le sculpteur Auguste Rodin a choisi l'allégorie. Sa "Cathédrale" représente deux mains droites jointes.
Alors qu'à la fin du XIXe, une floraison d'œuvres littéraires et musicales ("La cathédrale engloutie de Debussy, les "Ogives" de Satie) ont été inspirées par les cathédrales, d'autres oeuvres symbolistes, cubistes, expressionnistes, abstraites, montrent que le thème a traversé tous les courants picturaux.
Un spectacle de lumière à l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen
Jusqu'au "Caterpillar" de Wim Delvoye ou aux "Démonetisations" de Morellet qui retrace avec des tubes de néon les cathédrales de Monet.
Ayant reçu le label de la Mission du centenaire de la guerre de 1914-1918, l'exposition évoque sans trop insister "la cathédrale en guerre", et notamment la quasi-destruction de la cathédrale de Reims par l'armée allemande.
Jusqu'au 27 avril, un spectacle de lumière, intitulé "Gothique frémissant" transforme l'intérieur de l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen en une forêt évoluant selon les heures et les saisons.
Cathédrales, un mythe moderne. Musée des Beaux-Arts de Rouen, esplanade Marcel Duchamp, 76000 Rouen
Du 12 avril au 31 août 2014
Tous les jours sauf mardis et 1er mai, 10h-18h
Tarifs : 9€ / 6€ (gratuit pour les moins de 26 ans et les demandeurs d'emploi)
L'exposition sera ensuite au Wallraf-Richartz Museum de Cologne, du 26 septembre 2014 au 18 janvier 2015.
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