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Les vampires s'exposent à la lumière de la Cinémathèque française

La Cinémathèque française, à Paris, met à l’honneur une exposition sur les vampires, de la littérature au cinéma et aux séries : fantastique !

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Nosferatu le vampire (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau (© Friedrich Wilhelm Murnau Stiftung)

Des romans gothiques du XIXe siècle à la culture pop, de La Fiancée de Corinthe de Goethe à Buffy contre les vampires, en passant par Nosferatu, Bela Lugosi, Christopher Lee, Francis Ford Coppola et Twillight, sans oublier les arts plastiques : les vampires occupent la Cinémathèque française à Paris, jusqu’au 19 janvier.

Culture : les vampires du cinéma
Culture : les vampires du cinéma Culture : les vampires du cinéma (france 3)

Le vampire est un des mythes les plus fascinants, constants et codifiés de tous. Remontant à l’antiquité, il a traversé les siècles. Il rivalise aujourd’hui avec les zombies qui ont la cote, mais il ne désarme pas. Ainsi, pas moins de trois adaptations en bandes dessinées du roman Dracula de Bram Stoker se retrouvent dans les bacs en ce seul mois d’octobre. Les vampires occupent le terrain depuis des lustres et ne sont pas près de le quitter.

Dandy, aristocrate et sexuel

L’exposition de la Cinémathèque retrace cette histoire éternelle depuis les sources romanesques, jusqu’au cinéma et la télévision, en passant par les arts graphiques. Les origines littéraires sont rassemblées dans une première salle, où l’on trouve l’exemplaire d’époque du Vampire (1816), de John William Polidori, où le médecin et amant de Lord Byron conçut le vampire romantique, dandy, aristocrate et sexuel, tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Alfred Kubin (1877-1959) Vampyr / Le Vampire 1900 Encre de Chine et aquarelle sur papier 31 × 19,2 cm Linz, Oberosterreichisches Landesmuseum  (© Eberhard Spangenberg Adagp, Paris, 2019 (détail))
Il est entouré des gravures saisissantes de Gustave Doré pour L’Enfer de Dante, de celles de Goya, ou d’Alfred Kubin, qui trônent aux côtés des premières éditions françaises de Dracula (1897) de Bram Stoker. Des pièces rares des années 20, le roman ayant été tardivement traduit et publié en français.

Nosferatu

Face aux sources littéraires et graphiques, est évoquée la première adaptation de Dracula au cinéma en 1922, signée William Friedrich Murnau, Nosferatu, le vampire (Une symphonie de l’horreur en V.O.). Le projet vient d’Albin Grau, producteur en herbe, occultiste patenté, graphiste, peintre et architecte, qui en confie la réalisation à Murnau avant qu’il devienne le maître du cinéma mondial qu’on connaît.

Le film est interdit par la veuve de Stoker comme plagiat inavoué du roman de son mari dont elle possède les droits. Elle fait brûler toutes les copies du film par décision de justice. Mais Nosferatu résiste aux flammes, tant de bobines parcourent le monde.

À l’inverse de ses successeurs, Murnau fait de son vampire un monstre répugnant. Ses suiveurs le transformeront en séducteur, revenant ainsi à l’image qu’en donne Stoker. Le grand cinéaste est aussi à l’origine de la destruction du vampire par le soleil : le cinéma, art de la lumière, peut tuer le mal. Si le vampire reste bien identifié à la nuit, c’est Nosferatu qui instaure ce pouvoir fatal du soleil, repris systématiquement dans l’immense majorité des films futurs.

Albin Grau* (1884-1971) Nosferatu 1922 Aquarelle sur carton 16 × 19 cm Trogen, Kantonsbibliothek Appenzel Ausserrhoden CMO-59-1-A-32-0504S  (DR)
Des originaux d’Albin Grau pour les encarts publicitaires, et des dessins préparatoires expressionnistes de Nosferatu, sont parmi les plus belles pièces de l’exposition. Elles sont suivies d’évocations de la vamp Theda Bara (1915), et de Musidora, actrice des Vampires de Feuillade (1916). Elles ne s’abreuvent pas de sang pour survivre, mais séduisent ou volent leurs victimes pour entraîner leur perte, d’où leur identification au vampire. Autant d’avatars qui précèdent l’avènement du vampire gothique hollywoodien en 1931.

Cinéma gothique

L’exposition enchaîne sur la réception des vampires au cinéma des années 1930 aux années 1970. L’adaptation en 1931 de Dracula par Tod Browning avec Bela Lugosi ouvre l’âge d’or du cinéma fantastique américain qui durera plus de dix ans avec Frankenstein, Dr. Jekyll et Mister Hyde, le loup garou et autres zombies. Après l’expressionnisme allemand du muet, l’épouvante devient sonore… et glamour.

En 1931, Bela Lugosi incarne le séducteur exotique (d’origine hongroise, l’acteur joue merveilleusement bien de son accent, donnant des répliques cultes). Grâce à lui et au chef opérateur Karl Freund, fondateur du cinéma expressionniste allemand, le studio Universal, à l’origine de cet éden de l’épouvante, grave le cinéma gothique dans le marbre après les pionniers du muet.

Le fantastique passe le relais à la science-fiction durant dix ans et se réveille en 1958 quand le studio britannique Hammer Films sort Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher, avec Christopher Lee dans le rôle-titre, qui aura un impact international sans précédent. En faisant passer le cinéma fantastique du noir et blanc à la couleur, le studio va devenir durant une vingtaine d’années la référence du cinéma fantastique mondial. Son influence s’expatriera aux États-Unis, en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne, au Mexique et en Asie.
Affiches, photos, extraits de films se succèdent sur les cimaises tendues de noir éclairées par des lustres, pour introduire le traitement du mythe dans l’art contemporain, avec Warhol, Basquiat, Urs Fisher, ou Ferren Garcia Sevilla… Warhol produira d’ailleurs Du sang pour Dracula (Paul Morrissey 1974), une parodie érotique et gore avec Udo Kier, qui stigmatise l’enterrement du mythe pour quelques années.

Un vampire peut en cacher un autre

Les Prédateurs (1983) de Tony Scott, avec Catherine Deneuve, David Bowie et Susan Sarandon, est le seul film marquant de la décennie, le vampire restant au repos pendant une vingtaine d’années. Il renaît plus vigoureux que jamais sous l’impulsion de Francis Ford Coppola qui sort Bram Stoker’s Dracula en 1992. Le film se targue d’être l’adaptation la plus fidèle jamais réalisée du roman originel, avec Winona Ryder et Gary Oldman.

L’œuvre fait un carton au box-office et relance la mode du vampire à l’international. Le sujet engendre des petits à tout va : d’Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994) jusqu’à Twillight (2009-2012) ou A Girl Walks Alone at Night (Ana Lily Amirpour, 2014), premier vampire iranien féministe (!), un OVNI projeté à Sundance et Deauville : un must. Le vampire est partout.
Les pièces maîtresses de ces salles sont les costumes du Dracula de Coppola d’une finesse d’exécution sous la gouverne de la styliste très inspirée japonaise Eiko, à côté de ceux d’Entretien avec un vampire portés par Tom Cruise et Kirsten Dunst. Des pièces uniques, magnifiques.

La rétrospective d’une cinquantaine de films qui accompagne l’exposition passe par tous les classiques dans sa programmation quotidienne, avec une belle part réservée à la Hammer Films, et au Cinéma Bis (cinéma de quartier) auquel la Cinémathèque est dédiée tous les vendredis soir.

L'affiche de l'exposition de la Cinémathèque française, Vampire : de Dracula à Buffy. (Cinémathèque française)
Vampires : de Dracula à Buffy, du Gothique au Pop
Cinémathèque française, 51 rue de Bercy, Paris XIIe
Du mardi au vendredi : 12h00-19h00, Samedis-dimanches : 11h00-20h00, nocturne : jeudi : jusqu’à 21h00.

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