Le Normand Marcel Duchamp disparaissait il y a 50 ans : le Musée des Beaux Arts de Rouen lui rend hommage
Un urinoir, une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine, un porte-manteau : cinquante ans après son décès, le nom de Marcel Duchamp est toujours associé à l'invention des "Ready made". Pourtant l'artiste est un touche-à-tout protéiforme. Elevé dans une famille d'artistes rouennais, inhumé à Rouen, le plasticien a gardé toute sa vie un attachement profond à sa région d'origine. Le musée des Beaux-arts de Rouen organise dès le 14 juin 2018 l'exposition "ABCDuchamp" pour rendre hommage au père de l'art contemporain.
Reportage : J. Howlett / S. Lhote / B. Delande / Y. Delaforge / S. Pierson
Du Ready-made in Normandy
Né à Blainville-Crevon où son père était notaire et sa mère une musicienne accomplie, Marcel Duchamp grandit au milieu des arts entouré de ses sept frères et sœurs. La famille habite en plein centre de Rouen. Élève de l’École Bossuet, Marcel obtient son bac à 15 ans au lycée Corneille. Il part à Paris à l'âge de 17 ans et passe un an seulement à l'académie Julian. Il en sort "peintre" mais c'est en autodidacte qu'il traverse tous les mouvements d'avant-garde de son époque. Impressionnisme, fauvisme, cubisme, il s'essaie à tous les genres. En 1913, il s'écarte de la peinture et réalise ses premiers "Ready-made" ("déjà fabriqués"). Duchamp détourne des objets du quotidien pour les faire entrer au musée.De l'art de la provocation
Avec ses "Ready made", il bouleverse la définition de l'art et du créateur et marque une rupture profonde avec toute une génération d'artistes. Oeuvre d'art, récupération, provocation, la performance la plus connue de toutes est un urinoir en céramique qu'il signe R. Mutt en 1917. Intitulée "Fontaine", cette représentation entre dans la légende et détient le titre d'objet "le plus provocateur de l’histoire de l’art du XXe siècle", le symbole même de la subversion avant-gardiste. La Société des Artistes indépendants de New York décide de ne pas exposer l'oeuvre sous peur de "froisser les bonnes mœurs" et Duchamp devient dans la foulée l'artiste le plus controversé de l'époque. Aujourd'hui, l'urinoir de la discorde a fait le tour des plus grands musées du monde.La plupart des peintures signées Duchamp sont conservées aux Etats-Unis, principalement au Philadelphia Museum of Arts, dont son oeuvre ultime et posthume de la série "Après ma mort". Pour la découvrir pleinement, le visiteur doit regarder par les "trous de voyeur" placés à hauteur d’yeux dans une vieille porte de bois. A l'intérieur, le portrait d'une femme nue allongée dans l'herbe se dévoile au curieux. L'artiste meurt en 1968, à Neuilly-sur-Seine, ses cendres ont été déposées dans le caveau de famille au cimetière monumental de Rouen.
Une histoire de famille
L’histoire de Duchamp est avant tout une histoire de famille. À Blainville, le grand-père, Emile Frédéric Nicolle est un artiste-peintre reconnu. Il était courtier maritime de métier mais aussi artiste, peintre et graveur reconnu. Il a enseigné l'art à ses quatre petits-enfants : Marcel, Gaston (devenu Jacques Villon), Raymond et Suzanne. Tous deviennent artistes. Le jeune Marcel a bénéficié d’une solide formation artistique, à commencer par la gravure et le dessin. Avant les prix et les écoles, c’est son grand-père qui le prend en apprentissage dans son atelier. Son père était notaire et gagnait bien sa vie, il a tout fait pour que ses enfants suivent un parcours artistique. "Mon père était un brave homme, il a eu le bon sens d'aider ses pauvres fils artistes qui n'auraient pas gagné leur vie sans son aide. Il a noté tous les dons qu'il nous a fait de son vivant, ils ont été décomptés à sa mort", explique Duchamp dans une archive INA.Les "autres" Duchamp
Marcel était très proche de ses deux autres frères, Jacques et Raymond Villon. Jacques, de son vrai nom Gaston Duchamp est très influencé par Edgar Degas et Toulouse-Lautrec à ses débuts, il participe plus tard aux mouvements fauviste, cubiste et impressionniste. Raymond quant à lui s'illustre dans la sculpture moderne. "Il se détache des modèles qui ont préexisté et s'engage dans une vraie simplification des formes", souligne Joanne Snrech, conservatrice en charge des collections peintures et sculptures de 1825 à nos jours.Suzanne, la petite soeur suit les traces de ses frères et entre à l'École des Beaux-Arts de Rouen à l'âge de 16 ans. Ses premières toiles sont d'inspiration impressionniste et cubiste. La première de ses œuvres dadaïstes paraît après la guerre. Achevée en 1919, "Multiplication brisée et rétablie" est un exemple typique de son œuvre dadaïste.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.