L'art numérique enchanteur des Japonais de teamLab à La Villette, derniers jours : deux nocturnes supplémentaires
Les contours d'une fleur, d'un crocodile, d'un oiseau, d'un papillon ou d'une baleine sont tracés sur une feuille blanche. À vous de les colorier et de les scanner. Ils prennent vie alors sous vos pieds et sur les parois de la première salle de l'exposition de teamLab, constituant une espèce d'écosystème onirique. Tous ces animaux multicolores se poursuivent, laissent des traînées, se mangent, se désintègrent si vous marchez dessus.
Bienvenue dans l'univers de teamLab, un univers merveilleux où les créatures passent d'une salle à l'autre. Dans l'obscurité, lapins, guerriers, oiseaux s'animent sous les yeux du visiteur et meurent parfois sous ses doigts, comme les papillons, qui ne supportent pas qu'on les touche. Au contraire, si on a créé suffisamment de fleurs, ils se multiplient allègrement.
Sujet : Séverine Larrouy
Une grande cascade interactive commandée par des algorithmes
Un peu plus loin, un banc de poissons réagit au contact : si on touche le mur sur lequel ils sont projetés, cela provoque des ondes de couleur, des tourbillons. Ou bien on assiste à une étrange procession de charrettes tirées par des bœufs montés par des grenouilles géantes."Il s'agit d'établir "une relation avec le monde et aussi entre la nature et l'être humain", explique Toshiyuki Inoko, président de teamLab, le collectif d'artistes, d'ingénieurs, de programmateurs, d'animateurs 3D, d'architectes, de mathématiciens qu'il a créé en 2001 et qui vient d'ouvrir un musée à Tokyo. Il a voulu "revoir la frontière entre les êtres humains", revoir toutes les limites, en réalité. "Créer un nouveau monde" en repoussant toutes sortes de frontières.
Les papillons qu'on a créés dans la première salle vont donc voleter dans tous les espaces (2000 m2) qu'occupe teamLab dans la Grande Halle de la Villette.
L'œuvre la plus monumentale est la grande cascade qui descend le long d'un mur de 11 mètres et continue sa course au sol. Vos pieds dévient le cours de l'eau et si vous touchez le mur, elle part en geyser. Toutes ces interactions entre le visiteur et l'œuvre sont le résultat du travail d'un tas d'ordinateurs qui captent le mouvement du public, l'analysent et y réagissent grâce à un système complexe d'algorithmes.
Les scènes évoluent constamment
"On ne voit pas la technique, on ne veut pas la montrer", nous dit un membre de teamLab. "Nous sommes d'abord des artistes, mais au lieu d'utiliser des pinceaux, nous créons avec des outils digitaux. Nous essayons de créer au plus près de notre vie."Et, "comme notre vie, l'œuvre n'est pas prévisible", elle n'est jamais la même à deux instants différents, ajoute-t-il : "C'est la beauté de l'instant miraculeux et éphémère." Des fleurs de cerisiers viendront plus loin évoquer l'impermanence des choses chère au bouddhisme.
Les scènes évoluent constamment, en fonction des déplacements des visiteurs. Le long du mur qui borde la cascade, des idéogrammes tombent : l'océan, la vague, l'arbre. Si on s'approche du signe, ce qu'il désigne apparaît sur le mur: un oiseau s'envole, un arc-en-ciel se déploie.
Au bout d'un moment, la cascade disparait pour laisser la place à un univers féérique de fleurs rouges et roses qui se transforment constamment. Un vol de corbeaux arrive et disperse les pétales.
Des images à l'infini dans des miroirs
Il y a quelques années, teamLab créait des œuvres séparées, avec un logiciel par œuvre. Aujourd'hui, elles interagissent entre elles et il faut un autre programme pour mixer les différents éléments, papillons, fleurs, corbeaux.Une œuvre s'appelle "La paix est possible même sans ordre" : des personnages en habit traditionnel dansent et jouent de la musique indépendamment et une harmonie se crée spontanément. L'idée est que, "si on laisse les gens trouver leur chemin, l'ordre et l'harmonie se feront tout seuls", qu'on n'a pas besoin de leaders autoritaires.
Ces personnages sont projetés sur un labyrinthe de parois de verre, dans une salle bordée de miroirs qui démultiplie leurs images à l'infini, créant ainsi une foule d'artistes. À un autre moment, ce sont des papillons –toujours eux- qui peuplent les parois de verre au son de milliers de carillons. Car le son est un élément non négligeable de l'œuvre de teamLab. Et, dans l'obscurité, on aurait tendance à venir se cogner dans les miroirs, dans une ambiance un peu oppressante.
Des rayons de petits poissons
Atmosphère de cocon, au contraire, dans une petite salle où on peut s'asseoir ou s'allonger sur la moquette et se laisser submerger par les rayons lumineux créés par de petits poissons qui traversent les murs et le sol. Un peu plus tard, l'ambiance est plus minérale, entre rochers et volutes étranges. Tout se met à bouger et à tourner violemment alors que la musique se fait plus forte. Les limites entre le sol et les murs semblent disparaître.Faire disparaître les murs, les frontières, les limites, c'est ce qu'a souhaité faire le collectif teamLab. Ça, c'est le discours mais peu importe. Oubliez-le et laissez-vous couler dans une atmosphère enchantée qui devrait émerveiller les petits et les grands, au rythme des couleurs, du mouvement, des images qui apparaissent et disparaissent.
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