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Jim Dine en 28 oeuvres : la donation de l'artiste exposée au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou expose la donation de Jim Dine, célèbre artiste américain qui travaille en partie à Paris, pionnier du happening revenu à des formes plus classiques de l'art comme la peinture et la sculpture mais en recherche inlassable de couleurs et de nouvelles formes qui intègrent quelques éléments iconographiques récurrents (jusqu'au 23 avril 2018).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jim Dine, "A Thin Kindergarten Picture", 1974, Collection Centre Pompidou, Musée nationale d'art moderne
 (photo Ginies / Sipa © Adagp, Paris 2018)

Né en 1935 à Cincinnati (Ohio), Jim Dine a travaillé aux États-Unis où il reste basé, à Londres où il s'est arrêté plusieurs fois. Mais depuis 2001 il passe une partie de son temps à Paris et travaille dans un grand atelier à Montrouge, aux portes de la capitale. Pour "rembourser la France d'une dette culturelle et personnelle", qu'il affirme avoir, il a décidé de faire don au Centre Pompidou de 28 œuvres. Pour "saluer ce geste", le Musée national d'art moderne les expose. Ces pièces, peintures, sculptures, installations, traversent toute son œuvre, du début des années 1960 aux toutes dernières années. C'est donc une sorte de mini-rétrospective qu'on peut voir au Centre Pompidou.
 
Jim Dine est aussi poète (et encore photographe mais cet aspect de son œuvre n'est pas représenté dans la donation) : on accède à l'exposition par une première salle centrale où l'artiste a inscrit au fusain, sur les murs peints en gris, les vers de 9 poèmes écrits sur lui et Paris ("About Me in Paris") entre 1968 et 2017.

Poèmes de Jim Dine sur les murs du Centre Pompidou, qui expose la donation de l'artiste américain
 (Ginies / SIPA)

Un "expressionnisme romantique"

Jim Dine est un des pionniers du happening et de la performance en art, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, avec Claes Oldenbug, Marcus Ratliff, Allan Kaprow, Robert Whitman. "Car Crash", qui évoquait ses accidents de voiture, donnée en 1960 à la Reuben Gallery à New York, est sa performance la plus connue.
 
Certains ont voulu associer Jim Dine au pop-art mais il rejette cette classification : même s'il en est contemporain et qu'il utilise comme les pop-artistes des couleurs vives et des objets, il n'a aucun lien avec la culture populaire et la publicité, fait-il valoir : dans une interview récente à Apollo Magazine, il revendique davantage d'intériorité et d'excentricité, il se réclame littéralement d'un "expressionnisme romantique". 
Jim Dine, "The Garden of Eden", 2003, Collection Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
 (Photo © Jim Dine Studio © Adagp, Paris 2018)

Les outils de son enfance

Couleurs et outils traversent l'œuvre de Jim Dine : les outils sont un élément autobiographique, ils évoquent son enfance et la quincaillerie de son grand-père chez qui il a vécu après le décès de sa mère. Les couleurs aussi rappellent les pots de peinture en bâtiment qu'on y trouvait.
 
Dans les années 1960 et 1970, il crée des installations intégrant des nuanciers : dans "A Thin Kindergarten Picture", une grande bande de carrés de couleurs est accrochée au-dessus d'une série d'outils délicatement appuyés au mur. Dans "Sawhorse Piece", un long nuancier peint est posé sur des tréteaux et, dessous, des pots de peinture vides, des pinceaux, des débris évoquent l'atelier.
 
Les outils qui, au-delà du souvenir, expriment aussi la dimension physique du processus de création, habitent encore ses œuvres dans les années 2000 : il les accroche sur un cadre de paravent, les moule en bronze et les peint de couleurs vives comme des jouets d'enfants, les colle sur des tableaux et y projette de la peinture, en fait des ceintures pour des Vénus taillées à la tronçonneuse dans de grands troncs d'arbres.
Jim Dine, "The Prince", 2008, Collection Centre Popidou, Musée nationale d'art moderne
 (Photo © Amahra Leaman © Adagp, Paris 2018)

Pinocchio, une figure fétiche

Autre motif récurrent de l'œuvre de Jim Dine, le cœur, comme cette grande sculpture en paille issue d'une installation de 1966-1969 ("Straw Heart"). Il y a aussi la robe de chambre, présente dans une toile monumentale, incarnation métaphorique de l'artiste. Ou les "Pinocchio" : il a vu le personnage dans le film de Walt Disney avec sa mère en 1940 et le petit bonhomme au long nez, à la fois touchant et un peu ridicule, devient une figure fétiche à laquelle il s'identifie. Il le sculpte dans le bois, ou le peint dans un polyptique de personnages réunis autour de la mort ("Ape, Police, Doctor, Soldier, Me", 1997).
 
C'est dans la deuxième moitié des années 1980 qu'il s'est mis à peindre des figures humaines, des têtes inspirées de l'art grec, égyptien ou africain, et aussi des créatures un peu inquiétantes et sans visage, dans des polyptiques assez puissants qui contrastent avec la plus grande légèreté qui semblait caractériser ses créations plus anciennes.
Jim Dine, "A Child in Winter Sings", 2011-2012, Collection Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
 (Photo © Kerry Ryan McFate © Adagp, Paris 2018)

Peindre la peinture

La plus belle salle est la dernière, qui rassemble ses peintures des dernières années, les "concrete paintings". Elles sont réalisées à l'acrylique avec, étalés sur du bois ou du lin, du sable et de la résine qui donnent de l'épaisseur, une dimension physique au tableau qu'il gratte, retravaille à la meuleuse. C'est une explosion de couleurs, dans des formes qui n'évoquent plus rien d'objectif : les motifs et symboles habituels ont disparu, même si pour lui, il ne s'agit pas d'œuvres abstraites mais de "peintures réalistes dont le sujet est la peinture". Les couleurs sont jubilatoires pour le spectateur et certainement pour l'artiste qui ne peint plus là que la couleur et la matière.

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