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Hergé au Grand Palais : les secrets d'un génie de la BD
Davantage qu'un dessinateur, Hergé était un grand graphiste, capable de concevoir une silhouette ou une scène en quelques traits : une exposition au Grand Palais à Paris offre de pénétrer dans le processus créatif d'un génie de la BD.
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Reportage : Elisabeth de Pourquery, S.Pichavant, D.Azur, H.Horoks
Transgénérationnel
24 albums traduits en quelques 110 langues et régulièrement réédités depuis les années 30 : "la singularité d'Hergé , c'est son caractère transgénérationnel et universel", souligne Jérôme Neutres, commissaire de l'exposition (du 28/9 au 15/1) avec Sophie Tchang, du musée Hergé à Bruxelles.
Georges Rémy est capable de plaire à des gens d'aujourd'hui, dans le monde entier, avec des histoires conçues dans les années trente ou quarante. Le fameux slogan, de 7 à 77 ans, inventé pour le journal Tintin, s'applique parfaitement à son oeuvre qui offre plusieurs niveaux de lecture et séduit plusieurs générations.
Ses talents de graphiste
Même s'il s'est exprimé avec un crayon depuis son plus jeune âge, Hergé n'était pas un dessinateur né. En témoignent ses premières créations, souvent maladroites, telles "Les Aventures de Totor", chef de patrouille chez les scouts, ou certaines planches de "Tintin au pays des Soviets", première aventure du reporter du Petit Vingtième.
Mais dans cet album, il montre déjà ses talents de graphiste et son sens du découpage. Il joue des contrastes entre noir et blanc et n'hésite pas à dessiner une case totalement noire. Hergé n'est pas l'inventeur de la bulle, où viennent se placer les dialogues entre les personnages, mais il est le premier à l'utiliser comme un élément graphique participant à la composition de la case.
Le goût de la réclame
Selon ses collaborateurs, Georges Rémy accordait au début plus de valeur à ses dessins publicitaires qu'aux histoires de Tintin. Il s'est toujours passionné pour le graphisme de la "réclame" et manifeste dans ce domaine une efficacité remarquable. Une impressionnante salle de l'exposition réunit ses principaux travaux publicitaires : affiches pour le Petit Vingtième, pubs pour les magasins "Au Bon Marché", logos que l'on pourrait reprendre aujourd'hui...
Avec la "ligne claire" entourant les aplats de couleur, il invente un style graphique beaucoup plus simple que celui d'autres grands dessinateurs de BD, mais redoutablement efficace, comme le montrent de grands agrandissemenents réalisés pour l'exposition. Le visage de Tintin est fait de cinq ou six coups de crayons.
Le sens graphique d'Hergé s'exprime aussi à plein dans le découpage des cases où il a apporté une sensibilité cinématographique, multipliants les changements de cadre ou de point de vue. "Il allait beaucoup au cinéma et sa grammaire est très proche de celle du 7e art", note Jérôme Neutres, qu'il s'agisse du "running gag" - le sparadrap de Tintin au Tibet - ou de l'ellipse.
"Une oeuvre personnelle"
Lucio Fontana, Andy Warhol, Tom Wesselman, Jean Dubuffet, Serge Poliakoff : Hergé vivait entouré d'oeuvres d'art, surtout contemporaines. Une admiration réciproque le liait à Roy Lichtenstein, dont les sérigraphies de la cathédrale de Rouen étaient accrochés aux murs de son bureau.
Hergé s'intéressait aussi à ce qu'on n'appelait pas encore les "Arts premiers". Le célèbre "fétiche Arumbaya" de l'album "L'Oreille cassée" est en réalité une statuette Chimu du Pérou appartenant aux Musées royaux d'Art et d'Histoire de Belgique (une copie est exposée).
Parfaitement conscient d'avoir révolutionné la BD, Hergé n'a pas voulu que son héros lui survive. Les aventures de Tintin ont pris fin pour toujours à sa mort le 3 mars 1983. Faire vivre Tintin et les autres personnages, "je crois que je suis le seul à pouvoir le faire, a dit Hergé. C'est une oeuvre personnelle au même titre que celle d'un peintre ou d'un romancier, ce n'est pas une industrie".
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