Deux œuvres dont "Piss Christ" détruites dans un musée d'Avignon
Les clichés auraient été entièrement détruits à la mi-journée à coups de marteau et de pioche, selon la direction du musée d’art contemporain d’Avignon qui a porté plainte aussitôt après la découverte. Le Piss Christ, œuvre jugée blasphématoire par certains, était probablement la cible principale de cet acte de vandalisme.
"Je suis écœuré, raconte Yvon Lambert, le directeur du musée. Deux œuvres foutues quand même! Ils ont attaqué le Piss Christ, c'est une chose, mais ils ont aussi attaqué une photo magnifique des mains d'une religieuse. L'ignorance de ces gens est hallucinante. Cela dénonce un état d'esprit général inquiétant."
Le cliché daté de 1987 était présenté à la Collection Lambert dans le cadre d’une exposition anniversaire intitulée Je crois aux miracles prévue jusqu’au 8 mai.
L’œuvre a suscité la polémique dès son accrochage. Hier, un millier de catholiques intégristes ont manifesté pour dénoncer "l'antichristianisme" et des dépenses d'argent public "affectées au blasphème", à l'appel de l'Institut Civitas.
Celui-ci avait lancé au début du mois une pétition sur son site Internet pour exiger le "retrait de la photo blasphématoire". La pétition, libellée : "Pour l'honneur du crucifix, manifestons tous notre indignation face à la profanation de l'image de Jésus Christ" aurait recueilli des milliers de signatures.
Une réputation sulfureuse
"J'ai été persécuté au téléphone, j'ai reçu 30 000 mails d'injures d'intégristes!" s'indigne Yvon Lambert. Le 8 avril, l’archevêque d’Avignon avait aussi exprimé son indignation et réclamé que l’œuvre soit retirée de l’exposition. « Devant le côté odieux de ce cliché, tout croyant est atteint au plus profond de sa foi", avait ainsi déclaré l'archevêque d’Avignon Mgr Jean-Pierre Cattenoz.
Contacté aujourd'hui, Mgr Cattenoz désapprouve les moyens, mais pas la fin.
"Je ne peux approuver qu'on détruise une oeuvre (...) mais nous avions demandé à ce que l'oeuvre soit purement et simplement retirée, a-t-il déclaré. Si quelqu'un crache ou "pisse" sur moi, je comprendrai qu'on me méprise. De la même manière, afficher comme une oeuvre d'art ce qui, pour nous chrétiens, marque le mépris vis-à-vis de la croix, c'est grave."
Œuvre majeure d'Andres Serrano, artiste afro-cubain de Brooklyn, Piss Christ (le titre, provocateur, peut se traduire par : "Pisser le Christ" ou "Christ pisseux") est suivi d'une réputation sulfureuse. "Cette oeuvre a été très critiquée dès sa création en 1987, notamment par les Républicains évangélistes américains. Mais même la droite la plus extrême des Etats-Unis n'a pas osé la détruire", souligne Frédéric Martel, journaliste à France Culture, le premier à avoir été informé de l'acte de vandalisme par la direction du musée.
Présenté lors d'une exposition à Los Angeles en 1989, ce crucifix de plastique plongé dans un verre d'urine de l'artiste avait déjà suscité une "guerre culturelle".
Un sénateur avait qualifié "cette soi-disant pièce d'art" de "déplorable étalage de vulgarité" avant de déchirer la photo et d'éparpiller les morceaux sur le sol du Sénat américain. A l'époque, Serrano, qui se dit fasciné par la religion catholique et l'image du Christ, avait contesté le caractère blasphématoire de son oeuvre.
En octobre 2007, plusieurs œuvres de l'artiste new yorkais ont été vandalisées dans une galerie d'art de Suède par un groupe se revendiquant d'extrême-droite.
Pauline Turuban
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