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Le design africain entre tradition et XXIe siècle au Musée Dapper

Comment crée-t-on des objets en Afrique ? Qu’est-ce qui les rend spécifiques à l’Afrique ? Le Musée Dapper nous ouvre l’univers du design africain avec une exposition magnifique qui présente une centaine de pièces, sièges, appuie-têtes, lampes, traditionnelles et contemporaines (jusqu’au 14 juillet 2013)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A gauche, Vincent Niamien (Côte-d'Ivoire), Fauteuil Sie, 1996, Collection particulière - A droite, Yaka (République démocratique du Congo) Appuie-tête, Ancienne collection de Tristan Tzara, Musée Dapper
 (Archives Musée Dapper, à gauche Dominique Cohas,  à droite photo Hugues Dubois)

L’exposition s’ouvre sur des photos de Daniel Lainé, « les rois et leurs sièges » : à la fin des années 1980, le photographe français s’est intéressé aux chefs africains dans tout leur apparat : couronnes, sceptres, costumes. On voit dans ses photos l’importance symbolique du siège sur lequel ils s’assoient.
 
Des sièges à haute portée symbolique

Les sièges traditionnels en bois exposés plus loin sont souvent richement sculptés, le plateau surmontant des formes humaines ou stylisées. Des formes qui traduisent le caractère sacré de ces chaises. Les Asante du Ghana disent qu’elles hébergent une composante de l’âme de la personne qui s’y assied.

Ousmane Mbaye (Sénégal), Patrimoine, tabouret XXL, 206, Tubes galvanisés et fûts de pétrole, Collection particulière
 (Archives Musée Dapper et Hugues Dubois)
Les créateurs africains contemporains se sont souvent réapproprié la forme de ces objets. Le Camerounais Jules-Bertrand Wokam reprend l’arrondi des tabourets asante en le stylisant à l’extrême. Il s’inspire aussi des monuments dogons pour un « Tabouret Tombouctou » qui reproduit les bouts de bois qui jaillissent de leurs façades.
 
L'importance des matériaux de récup
Le Sénégalais Ousmane Mbaye aussi dessine des sièges aux formes ultra simples dont l’assise ressemble aux tabourets des Asante. Abandonnant le bois, il les fait fabriquer avec des matériaux de récupération, tubes galvanisés et couvercles de fûts de pétrole. Sa commode haute alterne des tiroirs de différentes couleurs vives.
Fauteuil Mobutu, 2005, Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren
 (Photo Jo Van de Vyver, MRAC Tervuren)
La question des matériaux est une question essentielle du design africain. En Afrique, la « seule chose possible » est de faire avec ce qu’on a déjà, dit Cheick Diallo, designer malien, dans un petit film diffusé dans l’exposition. Lui-même a créé des chaises faites de boites de conserve écrasées et rouillées. Il conçoit encore des fauteuils en fil de nylon tissé. Cheick Diallo pose une autre question, celle du rapport entre artisanat et design, estimant qu’un va et vient est nécessaire entre la pièce unique et la pièce utilitaire. Il évoque ses rapports avec les artisans qui fabriquent ses pièces.
 
Quand l'ironie s'insinue dans le design
Le politique peut s’insinuer dans les meubles, comme en témoigne une commode en forme de continent africain en bois et métal (Cadre d’Union, Alassane Drabo). Quelquefois de façon comique avec le Fauteuil Mobutu d’Iviart Izamba (République démocratique du Congo), siège en forme de brouette et recouvert d’une peau de léopard rappelant la toque que le dictateur avait l’habitude de porter.
 
A la limite de l’objet d’art, la « Chaise trop courte » d’Issa Diabaté interroge le côté utilitaire et valorise plutôt l’aspect esthétique.
Bedja, Soudan, région de Sinkat, Dormeur, 1983
 (photo Jean-Baptiste Sevette)
Au premier étage, l’exposition décline l’appuie-tête en bois, élément de mobilier peu repris par les designers contemporains mais présents dans l’Afrique traditionnelle, du Soudan et de l’Ethiopie à la République démocratique du Congo. Plus ou moins larges ou hauts, ces oreillers africains, placés sous la nuque ou contre la joue pendant le sommeil prennent la forme légère et épurée d’une branche asymétrique qui semble évoquer un animal dans le sud du Soudan. Ils peuvent aussi être beaucoup plus travaillés.
 
Comment les designers africains peuvent-ils se situer, dans le contexte particulier où ils travaillent, demande enfin Joëlle Busca, critique d’art et corédactrice du catalogue de l’exposition. Question qui reste essentielle sur un continent où le pouvoir d’achat est faible, l’industrie « clairsemée », et la présence de produits venant d’Asie très forte.
 
Design en Afrique, s’asseoir, se coucher et rêver, Musée Dapper, 35 bis rue Paul Valéry, Paris 16e
Tous les jours sauf le mardi et le jeudi, de 11h à 19h
Tarifs : 6€ / 4 €. Gratuit pour les moins de 26 ans, les étudiants et le dernier mercredi du mois.
Jusqu’au 14 juillet 2013

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