"Des cheveux et des poils" au Musée des Arts Décoratifs à Paris : cinq raisons d'aller voir cette décoiffante exposition
Le Musée des Arts Décoratifs présente une exposition consacrée aux cheveux et aux poils dans le monde occidental. Cette exploration de la mode et de la représentation du corps a débuté avec l'exposition La mécanique des dessous (2013), s'est poursuivie avec Tenue correcte exigée ! (2017) puis Marche et démarche (2019). Des cheveux et des poils montre comment la coiffure et l’agencement des poils humains participent, depuis des siècles, à la construction des apparences.
Cette foisonnante exposition explore à travers 600 œuvres - portraits, perruques, outils, vêtement en cheveux ou campagnes publicitaires -, du XVe siècle à nos jours, les thèmes inhérents à l’histoire de la coiffure ainsi que les questions liées à la pilosité faciale et corporelle. Le parcours très historique interroge ce qui fait du poil, dans les cultures gréco-romaine et judéo chrétienne, un attribut de l’animal et de la sauvagerie et explique pourquoi, il a dû être dompté pour éloigner la femme ou l’homme de la bête. Les métiers et les savoir-faire d’hier et d’aujourd’hui sont mis en avant avec leurs figures emblématiques et de grands noms de la mode contemporaine sont présents avec leurs réalisations spectaculaires faites à partir de cheveu.
1 Découvrir les modes et les extravagances d'hier
La première partie de l'exposition est franchement historique avec l’étude de l’évolution de la coiffure féminine, indicateur social et marqueur d’identité. Au Moyen-Âge, le port du voile s’impose aux femmes jusqu’au XVe siècle, puis, peu à peu, elles l’abandonnent au profit de coiffures extravagantes sans cesse renouvelées. Au XVIIe siècle, la coiffure à "l’urluberlu" (chère à Madame de Sévigné) et "à la Fontange" (du nom de la maîtresse de Louis XIV) sont de véritables phénomènes de mode. Vers 1770, les hautes coiffures dites "poufs" sont sans doute les plus extraordinaires des modes capillaires occidentales. Au XIXe siècle, les coiffures féminines - qu’elles soient inspirées de la Grèce antique ou dite "à la girafe", en tortillon ou "à la Pompadour" - sont tout autant alambiquées. Ici tableaux et sculptures montrent ce phénomène.
2 Se pencher sur les attributs masculins : barbe, moustache et favoris
Après les visages glabres du Moyen-Âge, un tournant s’opère vers 1520 avec l’apparition de la barbe symbole de courage et de force : au début du XVIe siècle, trois monarques d’Occident - François Ier, Henry VIII et Charles Quint - la portent. A partir des années 1630 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le visage imberbe et la perruque sont de retour pour l’homme de cour. Les poils faciaux ne réapparaissent qu’au début du XIXe siècle avec la moustache, les favoris et la barbe. Une multitude d'incroyables petits objets (fixe-moustaches, brosses, fer à friser, cire) témoigne de cet engouement qui se poursuit au XXe siècle, jusqu’au retour de la barbe chez les Hipsters à la fin des années 1990. L’entretien de la pilosité chez ces jeunes urbains a fait renaitre le métier de barbier disparu depuis les années 1950. De nos jours, les barbes fournies laissent la place à la moustache qui avait disparue depuis les années 1970.
Le choix de conserver, d’éliminer, de dissimuler ou d’exhiber les poils des autres parties du corps est aussi un sujet que l’exposition traite. La pilosité est rare, voire absente de la peinture ancienne. Le corps glabre est synonyme de corps antique et idéalisé, alors que le corps velu est associé à la virilité. Seuls les adeptes de sports virils mais aussi les illustrations érotiques ou les gravures médicales montrent des individus couverts de poils. Vers 1910-1920, lorsque les corps féminins se découvrent, les réclames dans les magazines vantent les mérites des crèmes dépilatoires et des tondeuses pour les éliminer. En 1972, l’acteur Burt Reynolds pose nu, le corps velu pour le magazine Cosmopolitan mais cinquante ans plus tard, le poil n’est plus au goût du jour. Depuis 2001, les sportifs photographiés nus pour les calendriers, comme celui Les Dieux du stade, ont une pilosité maitrisée.
3 S'extasier devant des postiches et perruques extraordinaires
Se coiffer est un acte intime, une dame bien née ne pouvait se montrer en public les cheveux défaits. Un tableau de Franz-Xaver Winterhalter de 1864, représentant l’impératrice Sissi en robe de chambre et les cheveux dénoués, était strictement réservé au cabinet privé de François-Joseph. Louis XIV devenu chauve très jeune adopte la perruque dite de "cheveux vifs" qu’il impose à la cour. Au XXe siècle, Andy Warhol connait la même mésaventure : la perruque qu’il porte pour cacher sa calvitie sera érigée en icône de l’artiste.
De nos jours, postiches et perruques sont utilisées dans la haute couture lors des défilés de mode ou pour pallier une perte de cheveux. Certaines présentées ici sont extraordinaires de créativité.
Les couleurs naturelles des cheveux et leurs symboliques sont étudiées avec ce qu’elles véhiculent. Le blond est la couleur des femmes et de l’enfance. Le roux est attribué aux femmes sulfureuses, aux sorcières et à des célèbres femmes de scène. Quant aux cheveux noirs, ils trahiraient le tempérament bien trempé des bruns et les brunes. Des colorations expérimentales du XIXe siècle jusqu’aux teintures dès années 1920 : les couleurs artificielles ne sont pas oubliées. Le travail du coiffeur Alexis Ferrer qui réalise des impressions digitales sur de vrais cheveux est ici présenté.
4 Voir l'évolution des métiers et savoir-faire
Au second étage, les métiers et les savoir-faire d’hier et d’aujourd’hui sont mis en avant avec leurs figures emblématiques : hier, Léonard Autier (coiffeur favori de Marie-Antoinette) et, plus proches de nous, les coiffeurs studio. L’exposition dévoile les différents métiers liés au poil : barbiers, barbiers-chirurgiens, perruquiers, coiffeurs de dames. Documents d’archives et objets - enseignes, outils, produits - ainsi que les étonnantes machines à permanentes et les séchoirs des années 1920 sont à découvrir.
En 1945, la création de la haute coiffure élève le métier au rang de discipline artistique et d’un savoir-faire français. La coiffure du XXe siècle est marquée par Guillaume, Antoine, Rosy et Maria Carita, Alexandre de Paris coiffant princesses et célébrités. De nos jours, la coiffure s’exprime lors des défilés des maisons de mode : Sam McKnight, Nicolas Jurnjack ou Charlie Le Mindu réalisent des coiffures extraordinaires pour les top-models et personnalités du show-business.
5 Les cheveux dans la mode contemporaine
Cette section permet d’évoquer les coiffures iconiques des XXe et XXIe siècles : le chignon 1900, la coupe à la garçonne des années 1920, les cheveux permanentés et crantés des années 1930, la choucroute des années 1960, les cheveux longs des années 1970, les coiffures volumineuses des années 1980, les dégradés et les mèches blondes des années 1990, sans oublier les nappy hair [cheveux afro au naturel]. Leur agencement sous une forme particulière peut révéler l’appartenance à un groupe et manifester une expression politique, culturelle en opposition avec la société et l’ordre établi. Plus idéologiques qu’esthétiques, la crête iroquoise des punks, les cheveux négligés des grunges ou les crânes rasés des skinheads sont des moments forts de créativité capillaire.
Enfin, quelques créateurs choisissent de transcender la matière cheveu en objet de mode. L'exposition se termine avec ces grands noms de la mode contemporaine - Alexander McQueen, Martin Margiela, Josephus Thimister et Jeanne Vicerial - présents, ici, avec leurs réalisations spectaculaires faites à partir de cheveu. Pour ces créateurs contemporains, la question de l’identité est souvent au cœur de leurs raisonnements. Epoustouflant !
Exposition Des cheveux et des poils jusqu'au 17 septembre 2023. Musée des Arts Décoratifs. 107, rue de Rivoli. 75001 Paris. Du mardi au dimanche de 11h à 18h.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.