Biennale de Lyon : ouvrir ses yeux, ses oreilles et faire 30 kilomètres
Une installation qui pourrait facilement déconcentrer. Les noyaux et leur boucan pouvant gêner l'attention du visiteur. Mais on finit par s'y faire et on continue la balade vers un tas de carton et de polystyrène. A priori nous avons là une cabane de sans-abri. "Please touch" nous invite l'artiste grec Andreas Lolis. Alors on touche. C'est dur, c'est froid. Ca a l’air lourd. C'est du marbre. Sa volonté: construire un "monument " symbole de la crise qui ravage son pays. "Avec ce matériau si précieux, si noble, avec lequel on a fait tant de belles et grandes choses" , explique-t-il, "j'ai voulu rendre hommage aux gens qui ont tout perdu et qui dorment sous les ponts".
Mais la vie moderne c’est aussi "Le musée de la triche" de Julien Prévieux, les pneus déchirés de Mike Nelson, le film d'animation façon vieux jeu vidéo de David Shrigley, les cicatrices au sol de Kadder Attia, les animaux de Daniel Naudé... A la Biennale il faut déambuler et se perdre. "Si l'on n'est pas perdu, on ne peut pas faire de découvertes", dixit Ralph Rugoff, le commissaire de cette 13ème Biennale.
Anish Kapoor au couvent
Prendre sa voiture et faire trente kilomètres au nord-ouest de Lyon, dans la campagne, jusqu’au couvent de la Tourette. Un chef d’œuvre de béton et de lumière signé Le Corbusier à la fin des années cinquante. C’est là qu’Anish Kapoor expose. L’artiste britannique, dont on a tant parlé ces derniers jours après les actes de vandalisme – notamment des insultes antisémites - sur sa sculpture à Versailles, présente 13 de ses œuvres.
On les trouve dans l’église, le réfectoire, la salle du chapitre, les couloirs... Notamment une série de sculptures en acier brossé qui reflètent en les déformant les murs et les fenêtres interminables de Le Corbusier. Un dialogue entre le travail des deux artistes dont s’enthousiasme le frère Marc Chauveau. Frère Marc habite au couvent mais c’est aussi le commissaire de cette exposition, et c’est lui, ce passionné d’art, qui a tout fait pour qu’Anish Kapoor expose au couvent. "Hier pour la messe 80 personnes étaient dans les stalles, et l’œuvre de Kapoor était là, devant elles. On vit dans ce couvent, on mange au réfectoire, on prie à l’église et les œuvres sont complètement à leur place. Ce n’est plus une exposition et c’est ça qui est extraordinaire".
Et quand on demande à frère Marc s’il a peur que ces sculptures-là soient à leur tour souillées : "Non et nous sommes absolument ravis d’accueillir l’artiste. Vous savez, Le Corbusier expliquait qu’il avait construit ce couvent avec une intention : offrir aux hommes ce dont ils ont le plus besoin, le silence et la paix". Si ce n’est pas ça la vie moderne...
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