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Artistes en exil à Paris : un atelier de création et une exposition au Palais Royal

Ces artistes sont syriens, afghans, soudanais. Comme quelque 200 autres, ils ont été accueillis à l'Atelier des artistes en exil qui a ouvert ses portes en septembre dernier dans le nord de Paris pour les aider. Quinze artistes qui y travaillent sont exposés en ce moment au Palais Royal à l'initiative du ministère de la Culture (jusqu'au 30 mars 2018).
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Sculpture de l'artiste syrien Khaled Dawwa présentée dans les vitrines du Palais Royal.
 (Thibaut Chapotot)

Quand des hommes ont commencé à la lapider et à réclamer sa mise à mort en pleine rue à Kaboul, Kubra Khademi s'est rendu compte qu'elle n'avait le choix que de quitter son pays.

La jeune "performeuse" artistique avait eu l'audace de marcher seule dans une des artères les plus congestionnées de la capitale afghane en portant une cuirasse en étain sur ses seins et son postérieur pour dénoncer le harcèlement des femmes dans la rue. Elle avait dû s'échapper en s'engouffrant dans un taxi.
 
"J'ai dû me cacher à Kaboul jusqu'à ce qu'on ait pu me faire sortir" d'Afghanistan pour aller en France, raconte-t-elle à l'AFP.

Le poète soudanais Moneim Rahma est condamné à mort dans son pays

Condamné à mort à deux reprises pour avoir critiqué le gouvernement de Khartoum, le poète soudanais Moneim Rahma, lui, n'a pas hésité une seconde quand il a pu fuir.
 
Et le réalisateur syrien Samer Salameh savait qu'il risquait sa peau en faisant un film à propos de son quartier dévasté de Yarmouk à Damas - décrit une fois comme "le pire endroit sur terre" par des ONG.
 
Tous trois ont finalement échoué dans la capitale française qui, un demi-siècle après avoir été le principal refuge d'écrivains et d'artistes fuyant l'oppression dans leur pays, accueille à nouveau des exilés. Dans un quartier du nord de Paris, un centre d'accueil aide depuis octobre environ 200 artistes à s'adapter.

L'Atelier des artistes en exil les aide à travailler en France

L'Atelier des artistes en exil ne prétend pas être la panacée, d'autant que son budget est limité. Mais le centre aide les artistes à relancer leur carrière, explique sa cofondatrice Judith Depaule. "La France est attrayante pour les artistes qui trouvent qu'il est plus facile d'y travailler, contrairement à l'Allemagne, où vous avez soit des organisations artistiques underground, soit subventionnées par l'Etat. En France vous avez beaucoup entre les deux", dit-elle. 
L'architecte soudanais Ibrahim Adam avec sa maquette exposée au Palais Royal.
 (Thibaut Chapotot)
"Paris a historiquement toujours été un lieu vers lequel se tournent les artistes exilés. Dans les années 1920, il y avait des Russes et puis des artistes qui ont fui la guerre civile en Espagne pour rejoindre Picasso", précise Judith Depaule.

Quinze artistes invités à exposer au Palais Royal

La semaine dernière, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a apporté son soutien au studio en recevant les artistes à l'heure où le gouvernement français prépare un projet de loi "asile et immigration", dénoncé comme excessivement coercitif par les associations.
 
Quinze artistes exilés, dont Kubra Khademi et Moneim Rahma, ont aussi été invités à exposer leurs œuvres, à l'initiative du ministère de la Culture, dans les vitrines des galeries Valois du Palais Royal de Paris. Kubra, 28 ans, s'est parfaitement intégrée depuis son arrivée il y a deux ans, reprenant le chemin de l'université et recevant l'Ordre des arts et des lettres.
Kubra Khademi devant son oeuvre exposée dans la vitrine du Palais Royal.
 (Thibaut Chapotot)
"Je marche beaucoup à Paris et c'est là que je pense à mon art", explique la jeune femme. Elle a même traversé à pied les Pyrénées pour recréer la fuite du philosophe Walter Benjamin de la France occupée lors de la Seconde Guerre mondiale. Sa carrière s'envole et elle a réalisé une performance au Musée national de l'histoire de l'immigration à Paris.

Une adaptation difficile

Pour Moneim Rahma, 57 ans, dont la famille est bloquée en Ethiopie, la situation est plus compliquée. Avec toute son énergie consacrée à sauver sa femme et ses quatre enfants des "longs bras de la police secrète soudanaise", il se sent moins à l'aise. Il a toutefois publié un livre avec 10 peintres français sur la condition de réfugié, écrit "beaucoup de poèmes" et entamé son troisième roman.
 
Samer Salameh a, lui, fini en France un film sur le grand camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, intitulé "194. Nous, enfants du camp", et projeté dans des festivals européens. Mais pour le réalisateur syrien de 32 ans, l'adaptation a été difficile. "C'est bizarre de dire ça mais même durant la guerre, vivre dans votre patrie peut sembler plus facile, plus doux car c'est votre pays, votre langue", dit-il à l'AFP. "Ici, c'est assez difficile. (...) Il y a beaucoup d'opportunités mais aussi il y a beaucoup de concurrence. Mais je vais bien, et je commence à avoir des idées de films ici." 

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