De Kiev à la Biennale de Venise, comment une galeriste a sauvé une œuvre d'art contemporain ukrainienne
Elle s'appelle Maria Lanko, elle est conservatrice ukrainienne d'une galerie d'art de Kiev et elle a décidé de mettre à l'abri des assauts russes l'oeuvre contemporaine de Pavlo Makov afin de l'exposer à la prochaine Biennale de Venise.
Sauvée de la guerre : une conservatrice ukrainienne d'une galerie d'art de Kiev a raconté mercredi 6 avril 2022 à New York son périple à travers l'Europe de l'Est pour mettre à l'abri et exposer à la prochaine Biennale de Venise l'oeuvre contemporaine du plasticien ukrainien Pavlo Makov.
Un long périple de Kiev à Venise
Accueillie à Manhattan par la galerie d'art de Jim Kempner, un Américain d'origine ukrainienne, Maria Lanko, qui tient la galerie The Naked Room (La Chambre nue) à Kiev, a relaté à des journalistes sa fuite d'Ukraine vers l'Italie fin février et début mars.
Dès l'invasion russe le 24 février 2022, la conservatrice charge sa voiture de plusieurs oeuvres d'art et d'une partie d'une installation monumentale d'un artiste ukrainien, Pavlo Makov, la Fontaine de l'Epuisement (Fountain of Exhaustion). Maria Lanko met alors le cap à l'Ouest pour six jours de voyage.
Elle franchit difficilement la frontière, fonce à travers la Roumanie, la Hongrie et l'Autriche, avant d'atteindre Venise et d'y déposer la Fontaine de l'Epuisement qui sera exposée au public à la 59ème Biennale d'art, dont le début est prévu le 23 avril 2022.
Pas de pavillon russe à la Biennale
80 pays, dont l'Ukraine, auront un pavillon d'exposition mais celui de Moscou sera fermé, boycotté par ses propres artistes et commissaire, qui protestent contre le conflit. Arrivée sans casse à Venise, la Fontaine de l'Epuisement a été remontée sur place.
L'oeuvre de Pavlo Makov est formée d'un immense socle sur lequel sont montés 78 entonnoirs disposés en hauteur et en triangle avec un dispositif d'alimentation et de ruissellement de l'eau de haut en bas. Seulement quelques gouttes s'écoulent sur le socle de la fontaine pour "symboliser l'épuisement" face à la guerre, a expliqué MariaLanko. Intransportable, cette base de l'installation a été refabriquée dans un atelier de Milan.
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La présentation du projet à la Biennale est la première occasion de lancer la fontaine telle qu'elle était initialement prévue il y a 27 ans. Cependant, l'emplacement du pavillon et sa disposition posent un certain nombre de limites et de défis pour sa réalisation. Les entonnoirs en bronze de la fontaine ne peuvent pas être montés sur les murs de l'Arsenal de Venise, qui est protégé par le statut de monument architectural. Le pavillon lui-même est situé à l'intersection de plusieurs couloirs, sans accès à l'approvisionnement en eau.
Pour le faire fonctionner, le cabinet d'architecture ФОРМА a développé une structure autonome - une plateforme verticale sur laquelle sont montés les entonnoirs, et un bassin avec une pompe faisant passer l'eau dans les entonnoirs. Lorsque l'aspect technique de la fontaine a été résolu, et que la construction était prête à passer de Kiev à Venise, la guerre a éclaté. Le pavillon pourra présenter la fontaine comme prévu tandis que la plateforme originale attend son heure à Kiev.
Un fonds pour faire connaître et protéger les artistes urkrainiens
En outre, pour faire connaître et protéger les artistes ukrainiens et leurs oeuvres à l'étranger, Maria Lanko a créé avec d'autres conservateurs de son pays un Fonds ukrainien d'urgence pour l'art. Passée par New York - où vivent nombre d'Américano-Ukrainiens et pôle du marché de l'art et des levées de fonds - Maria Lanko a fait état d'une collecte d'environ "1,54 million de hryvnia", monnaie ukrainienne, soit plus de 52 000 dollars, avec le "soutien" de près de 200 artistes et travailleurs culturels.
Pour la conservatrice de Kiev, "il est important d'exposer l'art ukrainien parce que l'Ukraine demeure largement (connue) en Occident comme une partie du champ culturel russe". Elle a déploré que "personne ne fasse la différence entre les deux pays et leurs cultures", alors que l'Ukraine et la Russie "ne sont pas seulement différentes, elles sont tout à fait à l'opposé".
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