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L'œuvre de Le Corbusier à la mesure du corps, au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou présente une grande exposition sur Le Corbusier, sous l'angle de la mesure du corps humain, qui définit pour lui les dimensions de l'espace et de l'architecture : elle réunit 300 œuvres, dessins, maquettes, revues, films, meubles et aussi peintures car le célèbre architecte a peint toute sa vie.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
A gauche, Le Corbusier par Gisèle Freund, Paris, 1961 - A droite, Le Corbusier, "Trois musiciennes"
 (A gauche © Centre Pompidou, Guy Carrad - à droite © FLC, ADAGP, Paris 2015)

Il ne s'agissait pas de faire une exposition monographique complète, explique Frédéric Migayrou, co-commissaire de l'exposition, mais d'aborder l'œuvre de Le Corbusier à travers l'idée du corps. Un corps qui est "percevant", "cognitif". Autre thème majeur de l'exposition, qui en découle, le Modulor, une silhouette humaine de 1,83m le bras levé, inventée au début des années 1940, qui lui a servi à concevoir ses plans de logements et qu'il a utilisé pour la première fois pour créer la Cité radieuse de Marseille.
 
Une première salle est consacrée à l'importance du rythme chez Le Corbusier, avec des dessins de colonnes, notamment celles du Parthénon, selon lui "certainement une des œuvres d'art les plus pures jamais réalisées par l'homme". L'importance du rythme est à comprendre à la lumière de ses séjours en Allemagne et d'un voyage en Orient en 1911, qui l'ont fortement marqué. Une
grande photo à l'entrée le montre au milieu des ruines antiques.

Le Corbusier, "La Cheminée", 1918
 (FLC, ADAGP, Paris 2015)


Une approche psychologique des proportions

Né Charles-Edouard Jeanneret en 1887 en Suisse, Le Corbusier fait en 1910 un stage chez l'architecte Peter Behrens à Berlin où il apprend la technique des tracés régulateurs des plans et des façades qui vont avoir un rôle important dans son œuvre. Il y est en contact aussi avec les théories psychophysiques qui s'intéressent aux perceptions et privilégient une approche psychologique des proportions, l'architecture étant comprise de façon organique et non purement géométrique.
 
Le Corbusier est marqué aussi par ses séjours à la cité-jardin de Hellerau près de Dresde, où son frère travaille avec Emile Jacques-Dalcroze, musicien suisse qui a inventé une pédagogie du rythme qui met celui-ci en relation avec les mouvements du corps.


De la peinture puriste à la transformation des formes

Il réduit à un cube les proportions "parfaites" du Parthénon, une forme qui apparaît souvent dans ses peintures et pour la première fois dans "La Cheminée". Car Le Corbusier a peint toute sa vie. Il passait ses matinées dans son atelier, et sa peinture est largement représentée dans l'exposition. "On voulait dire qu'il était un artiste. D'ailleurs, il n'a jamais eu de diplôme d'architecte", souligne Frédéric Migayrou.
 
Avec Amédée Ozenfant, il fonde le mouvement "puriste" : ils peignent des objets de la vie quotidienne, comme les cubistes, qu'ils placent sur la toile selon des tracés régulateurs et dont les contours s'imbriquent de plus en plus. Ensemble, ils créent la revue "L'Esprit nouveau".
 
Plus tard, Le Corbusier imaginera des transformations des formes inspirées des mathématiques modernes, représentant notamment des corps de femmes en transmutation. "Ces peintures sont considérées comme assez mauvaises", remarque Frédéric Migayrou, mais elles ont intéressé les commissaires, qui les considèrent comme "emblématiques de l'œuvre de Le Corbusier".
Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Maison Planeix
 (Photographie © F.L.C. / ADAGP, Paris, 2015 © ADAGP, Paris 2015 © G. Thiriet)


Les premières villas

Dans sa période dite "acoustique", sa peinture représente de grandes oreilles qui deviennent un motif obsessionnel, parce qu'"il veut faire résonner l'espace", créer un espace acoustique qui puisse être partagé par tous les hommes, explique Frédéric Migayrou, soulignant la dimension spirituelle de ces notions et la continuité avec la chapelle de Ronchamp, qui peut être vue comme "un symbole de l'universalité d'une spiritualité laïque".
 
Dans les années 1920, Le Corbusier réalise ses premières villas, dont la maison-atelier pour Amédée Ozenfant, réalisée à Paris avec son cousin Pierre Jeanneret. Sur les croquis, on peut voir les tracés régulateurs sur lesquels elles sont conçues. Et déjà, il se rapporte à l'échelle humaine : partout sur ses dessins, on trouve de petits bonshommes qui donnent une idée de l'échelle de la construction.
A gauche, empreinte du Modulor dans le béton - A droite, Le Corbusier, Unités d'habitation, recherches - façade partielle, 1944
 (© FLC, ADAGP, Paris 2015)


Modulor et cellules d'habitations

Une idée qu'il va systématiser et théoriser au début des années 1940 avec son Modulor, au cœur de l'exposition. Les "cellules d'habitation" vont être imaginées à partir de cette silhouette humaine, qui mesure, bras levé, 1,83 m. Il réalise alors des "unités d'habitation" faites, selon ses termes "pour les hommes" et "à l'échelle humaine". La première, la plus aboutie et la plus connue est la Cité radieuse de Marseille, avec ses appartements pratiques, ses pilotis, son toit terrasse, des commerces. Il en a conçu quatre autres, à Rezé (Loire-Atlantique), Briey (Meurthe-et-Moselle), Firminy (Loire) et Berlin.
 
Le Corbusier ne réfléchit pas qu'aux murs, il s'occupe aussi du mobilier de ses "cellules d'habitation", créant avec Charlotte Perriand des meubles qui accompagnent les mouvements du corps, comme les célèbres fauteuils "grand confort" en cuir, conçus à l'origine avec des ressorts qui permettaient la mobilité du dossier.
Le Corbusier dans le Cabanon
 (FLC, ADAGP, Paris 2015)


Le Cabanon, un résumé de sa démarche

En 1951-1952, Le Corbusier se construit une minuscule maison de vacances en bois à Roquebrune-Cap-Martin, entre Menton et Monaco, dessinée à partir du Modulor, face à la mer. Son "Cabanon" pourrait résumer sa démarche. Ce tout petit espace de vie (3,66 m sur 3,66 m sur une hauteur de 2,26 m) est meublé à minima. Pendant les 18 dernières années de sa vie, il y passe tous ses mois d'août, presque nu, se baignant dans la Méditerranée où il se noiera en 1965.
 
On a reproché à l'exposition du Centre Pompidou de ne pas aborder la question des positions politiques de Le Corbusier, alors que trois livres publiés très récemment l'accusent de "fascisme militant" et de liens avec le régime de Vichy.
Le Corbusier, "Le Modulor", 1950, collection Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
 (Centre Pompidou / Dist. RMN-GP/ Ph. Migeat © FLC, ADAGP, Paris 2015)


Polémique sur Le Corbusier et l'extrême droite : le Centre Pompidou annonce un colloque en 2016

La grande rétrospective au Centre Pompidou en 1987 du centenaire de la naissance de Le Corbusier, "avait abordé l'ensemble de son oeuvre, évoquant toutes les périodes de sa création et de sa vie en n'en occultant aucun des aspects", écrit le Centre Pompidou dans un communiqué, qui annonce l'organisation en 2016 d'un colloque sur sa pensée, resituée dans le contexte historique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale.
 
"Alors que des publications récentes questionnent les aspects biographiques de la vie et de la pensée de Le Corbusier durant les années 30, la guerre et la reconstruction, il apparaît nécessaire qu'un véritable travail scientifique soit mené afin d'apprécier au plus près une période de l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme qui n'a jamais fait l'objet d'une analyse  historique complète", écrit le Centre Pompidou.
 
Le Corbusier, mesures de l'homme, Centre Pompidou, 75004 Paris
Tous les jours sauf le mardi et le 1er mai, 11h-21h
Tarifs : 11 à 13 € / 9 à 10 €
Du 29 avril au 3 août 2015
 
 
 
 

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