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Architecture : la pièce la plus importante, "c'est l'espace ouvert vers l'extérieur", assurent les lauréats du prix Pritzker

Anne Lacaton et Philippe Vassal, invités sur franceinfo, élaborent des jardins d'hiver sur des sortes d'échafaudage pour "donner cette possibilité à chacun" d'avoir un "espace ouvert vers l'extérieur".

Article rédigé par franceinfo
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Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal dans leur atelier à Montreuil.  (JOEL SAGET / AFP)

"Plutôt que de démolir" des immeubles, "il suffit de rajouter un jardin au dixième ou au quinzième étage", ont affirmé mercredi 17 mars sur franceinfo Anne Lacaton et Philippe Vassal, les deux architectes français qui viennent de recevoir le prix Pritzker, plus haute distinction en matière d'architecture. Spécialisés dans la rénovation, ces architectes travaillent sur la "façon d'habiter et le plaisir d'habiter" en élaborant des jardins d'hiver sur des sortes d'échafaudage, pour donner à chacun la possibilité d'être à la fois dans un espace où il a son intimité, mais en même temps où il ouvre sur l'extérieur".

franceinfo : Comment vous avez réagi quand on vous a appelé pour vous annoncer que vous étiez lauréats de ce prix Pritzker ?

Anne Lacaton : Évidemment un peu surpris, mais surtout très contents et très honorés, quand on voit le nom des architectes qui nous ont précédés depuis 40 ans. Il y avait un certain Jean Nouvel, qui est quelqu'un qu'on apprécie énormément. Et beaucoup de ces gens-là ont marqué l'histoire de l'architecture ou la marquent encore. Donc, forcément, c'est une reconnaissance énorme.

Votre credo, c'est surtout l'architecture du quotidien, des maisons, des appartements bon marché. Vous considérez qu'il faut arrêter de vouloir tout démolir pour mieux rénover, ça tranche un peu avec le milieu de l'architecture ?

Philippe Vassal : L'habitation, c'est ce qui est fondamental aujourd'hui. À notre époque, c'est cet espace, son intérieur, la façon de l'habiter et le plaisir de l'habiter qui sont les éléments les plus importants. Il faut arrêter de voir l'architecture comme la production de monuments, mais se dire que l'intérieur c'est effectivement là où les gens habitent et sont bien. Il faut se donner les moyens de donner ce plaisir, d'être à la fois dans un espace où on a son intimité, mais en même temps où on ouvre sur l'extérieur, où on est en contact avec le ciel, les nuages, avec l'air, avec le vent, avec le sol, avec le soleil. Et pour cela, il faut partir de l'existant. On n'est plus des tabula rasa, on arrête de raser. Il y a des milliers d'architectes qui sont là pour se poser les questions beaucoup plus précisément : qu'est ce qui manque ? Qu'est-ce qu'il faudrait ? Qu'est ce qui est bien aussi et qu'on ne voit plus ? Et à partir de ça, c'est là qu'il faut rajouter plutôt que de démolir.

"Il suffit de rajouter le jardin que chacun peut avoir au dixième ou au quinzième étage. C'est un peu comme un très grand échafaudage, mais au lieu d'un échafaudage riquiqui, on a un échafaudage qui fait quatre mètres et qui est définitif. On le met devant les fenêtres, les fenêtres on les agrandit et on fait passer simplement la vie qui était derrière ces fenêtres vers ce jardin qui est devant eux."

Philippe Vassal, architecte

à franceinfo

Finalement, la pièce la plus importante de la maison n'est pas une pièce ?

Anne Lacaton : C'est l'espace ouvert vers l'extérieur. On peut voir que depuis 25 ans qu'on fabrique ces grands jardins d'hiver en addition des espaces d'habitation, tous les gens nous disent que c'est l'espace qu'ils utilisent le plus souvent et qui n'est contraint par aucune convention de mobilier. Ils y font ce qu'ils veulent et il y a une créativité absolue. Nous, on fait ça aussi parce qu'on croit énormément à la facilité ou à la capacité des gens de s'approprier des lieux. Et on aime bien faire ces lieux-là pour précisément leur donner cette liberté de s'approprier.

Rénover et installer un balcon lumineux, ça coûte beaucoup moins cher que tout raser et reconstruire ?

Philippe Vassal : Oui, c'est simplement qu'en transformant, en gardant ce qui est déjà là, tout ce qui va dans ce qui est déjà là et en rajoutant 50% de ça, on a 150%. Alors que quand on démolit, on perd quelque chose, on le reconstruit et finalement, on a 150% au lieu de 100% en dépensant moins d'argent. Donc, si aujourd'hui on veut avoir de l'ambition, donner de la liberté pour chaque logement, il faut effectivement travailler à partir de l'existant, ne jamais démolir. Il n'y a pas un arbre à couper, il n'y a pas un bâtiment, un mètre carré à démolir.

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