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"Angkor Panorama", un musée au Cambodge construit par la Corée du Nord

A deux pas des temples d'Angkor au Cambodge, le musée "Angkor Panorama" vient de sortir de terre. Il a été construit, dans le plus grand secret, par la Corée du Nord qui s'est lancée dans une offensive de charme par l'art à travers le monde.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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La grande fresque au musée "Angkor Panorama", au Cambodge, 2016
 (TANG CHHIN SOTHY / AFP)

"Quand les gens viennent ici, ils n'en croient pas leurs yeux. Ils ont vraiment l'impression d'être revenus au temps d'Angkor", assure Yit Chandaroat, responsable du musée "Angkor Panorama". Pièce maîtresse du musée, une fresque monumentale offre une vision à 360° de scènes de batailles hyperréalistes du temps où l'empire khmer était à son apogée entre les XIe et XIIIe siècle, époque de la construction d'Angkor. Elle occupe une surface supérieure à huit courts de tennis et, pour la réaliser, il a fallu mobiliser pendant un an 63 peintres nord-coréens du Mansudae Art Studio. 

Grâce à la qualité de ses rares détenteurs d'un savoir-faire hyperréaliste à rebours d'un art contemporain émancipé des techniques classiques, le Mansudae Art Studio décroche des contrats à l'étranger. Ce savoir-faire est utilisé par la Corée du Nord dans le cadre de sa politique méconnue de grands projets culturels à travers le monde, qui détonne avec son discours belliqueux et ses menaces d'utiliser l'arme nucléaire.

Dans le site des temples d'Angkor au Cambodge
 (Therin-Weise/picture alliance / Arco Images G/Newscom/MaxPPP)
Dans le musée récemment ouvert au Cambodge, on retrouve la touche de grandiloquence et de réalisme socialiste propres aux peintres officiels nord-coréens. Mais aucun portrait du leader nord-coréen Kim Jong-Un dans la fresque et seules de discrètes mentions rappellent que la Corée du Nord a construit le musée. Le message de Pyongyang, qui a dépensé 22 millions d'euros dans ce projet, passe par l'hommage rendu au glorieux passé de la civilisation khmère qui a dominé l'histoire de l'Asie du Sud-Est.

Pyongyang utilise, ici comme ailleurs, les musées comme une façon de souligner ses liens avec ses "alliés".
Le musée Angkor Panorama, 2016
 (TANG CHHIN SOTHY / AFP)
Le Cambodge est un partenaire de longue date de la Corée du Nord. Quand le roi Norodom Sihanouk, décédé en 2012 à Pékin, avait été renversé en 1970, Kim Jong-Il, le père de Kim Jong-Un, lui avait offert l'asile. Et même de retour au Cambodge, après la chute du régime des Khmers rouges, le roi Sihanouk a eu des gardes du corps nord-coréens. 

Le musée "Angkor Panorama" a été conçu comme la vitrine rappelant les liens avec Pyongyang. Il s'inscrit dans une tendance plus générale de l'institut Mansudae, fort de 1.000 peintres, à ouvrir des musées à travers le monde.
Maquette dans le musée "Angkor Panorama, 2016
 (TANG CHHIN SOTHY / AFP)

Nombreux musées en Afrique

La majorité de ceux-ci sont en Afrique : Angola, Botswana, Namibie... Le plus célèbre, au Sénégal, est le Monument de la Renaissance africaine, consacré à l'histoire de l'Afrique et de ses leaders, surmonté d'une statue monumentale d'un homme aux muscles saillants, dans le plus pur style du réalisme socialiste. Koen de Ceuster, expert de l'art nord-coréen de l'université de Leiden, aux Pays-Bas, voit dans cette soif de rayonnement "une entreprise commerciale", très lucrative mais pas seulement. "La Corée du Nord a découvert le soft power, la diplomatie culturelle... Ils essayent ainsi de faire évoluer  l'image" du pays sur la scène internationale, explique-t-il à l'AFP.

Au Cambodge, une vingtaine d'employés du musée sont nord-coréens, membres d'une minorité de Nord-Coréens autorisés à sortir du pays. A la boutique de souvenirs du musée, des Nord-Coréennes vendent des tableaux de l'école Mansudae entre 100 et 2.000 euros. "Cela fait six mois que je suis ici. Pour l'instant, il n'y a pas encore beaucoup de visiteurs mais nous venons tout juste d'ouvrir", explique l'une d'elles. 

Pour les autorités cambodgiennes, la construction de ce musée présente tous les avantages : au bout de 20 ans, le musée sera propriété de l'Etat cambodgien. Le directeur adjoint du musée, Yit Chandaroat, balaye les scrupules que certains touristes pourraient avoir à subventionner le régime de Pyongyang en achetant leur ticket d'entrée. "Nous ne sommes pas concernés" par les querelles politiques, tranche ce partisan de la diplomatie par l'art.

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