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A Lille, les musées français réfléchissent à un modèle d'expositions qui préserve l'environnement

Miser sur le public de proximité, faire venir les œuvres de moins loin et pour plus longtemps, utiliser des matériaux plus respecteux de l'environnement, les musées réfléchissent pour revoir les modèles des dernières années et imaginer des expositions "écoresponsables".

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Le Palais des Beaux-Arts de Lille (6 janvier 2022) (CHINE NOUVELLE / SIPA / XINHUA)

Pressés par "l'urgence climatique", les représentants des musées français ont planché deux jours, les 27 et 28 janvier, à Lille, sur un modèle plus respectueux de l'environnement, proposant des expositions moins "spectaculaires", mais "plus longues" et "intelligentes" et sans déplacer des millions de visiteurs. En exemple, le Palais des Beaux-Arts de Lille et son exposition Expérience Goya.

"La stratégie nationale bas carbone, c'est zéro émissions nettes de CO2 d'ici 2050. Nous n'avons pas le choix : tout le monde doit bouger", pose dès l'ouverture des travaux au Palais des Beaux-Arts de Lille, Bruno Maquart, président d'Universcience (Cité des Sciences et Palais de la Découverte, à Paris).

Si la mobilisation des musées est "relativement ancienne" aux Etats-Unis, elle est encore à ses prémices en France, rappelle l'administrateur de l'établissement lillois, Etienne Bonnet-Candé. Il salue toutefois le "travail pionnier" mené par des institutions comme le Quai Branly, Universcience, ou le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN).

Revenir sur le modèle du chiffre

Problème : une grande majorité des émissions de gaz à effet de serre proviennent "du déplacement des visiteurs". Pour des musées drainant une clientèle internationale, comme Le Louvre, cette proportion grimpe à 90%. Dès lors, comment concilier la mission du musée, la transmission au public, et la réduction de l'empreinte carbone ?

Il faut d'abord "totalement repenser" le "modèle de ces trente dernières années" tranche Sylvain Amic, directeur de la Réunion des musées métropolitains-Rouen Normandie. "Jusqu'ici, un musée qui réussissait, c'était un musée à croissance infinie, qui s'enrichissait, s'étendait" et "avait des files d'attente, de gens venus de loin, pour voir des tableaux arrivés à grands frais du bout du monde. Clairement, ce modèle s'éteint."

"Poussées dans une recherche de ressources propres", les institutions ont dû "attirer toujours plus de monde" pour faire du chiffre, regrette le directeur général délégué de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP), Emmanuel Marcovitch, réclamant "une désescalade".

Renoncer aux "expositions évènements"

Parmi les solutions, le "renoncement aux expositions évènements", spectaculaires et courtes, générant des déplacements inconsidérés d'œuvres par avion, dans des caissons spécialisés, souvent climatisés, et une surproduction d'éléments scénographiques ensuite "jetés à la benne". Les musées doivent aussi "ralentir", en allongeant la durée des expositions, tabler sur un public de proximité et réduire la quantité d'œuvres présentées au profit de la transmission au visiteur d'un "propos scientifique riche". Soit préférer "la démonstration d'intelligence", à "la démonstration de puissance", selon Sylvain Amic.

Le festival "Normandie impressionniste" est ainsi passé "d'une dépendance aux prêts étrangers de 50% en 2010 à 3% en 2020", et "d'une exposition centrale à Rouen" à des plus petites "dans neuf villes", permettant "aux publics de trouver ce qu'ils cherchaient là où ils étaient".

De même, le musée du Louvre et la RMN-GP ont récemment produit "18 expositions de dix œuvres sur les Arts de l'Islam" partout en France, dans des musées, bibliothèques ou centres culturels, captant "un public différent, qui ne serait pas forcément venu à Paris".

Il est possible "de mutualiser" les collections et prêts, les moyens de transport, et même de créer des scénographies communes "itinérantes", en France ou en Europe, plaide aussi Julie Bertrand, directrice des expositions de Paris-Musées.

Même si des "freins" existent, telles que les "normes de conservation", imposant une "remise en réserve" souvent après 90 jours d'exposition, rappelle la responsable de la production culturelle du MuCem, Sylvia Amar.

Une scénographie conçue pour minimiser l'empreinte carbone

Autre axe plébiscité : "l'éco-conception", soit une scénographie conçue en amont pour minimiser l'empreinte carbone, du choix des matériaux ou produits utilisés - biosourcés, recyclés, labellisés - en passant par l'accrochage, pensé pour pouvoir recycler ou réemployer les éléments.

Reste encore à se doter d'outils techniques pour évaluer le bilan carbone du fonctionnement global des musées, une démarche où le secteur est à la traine par rapport à d'autres, bâtiment ou industries lourdes. La place du numérique fait elle l'objet de débats, car cette technologie génère aussi pollutions et déchets.

"On observe aujourd'hui beaucoup d'initiatives, foisonnantes mais éparpillées", synthétise la directrice d'ICOM-France (Conseil international des musées), Juliette Raoul Duval. Il faut désormais "les comparer", inventer "des outils communs", et peut-être au niveau national, voire international "des chiffres et des normes".

Un exemple, l'exposition "Expérience Goya" à Lille

L'exposition "Expérience Goya" au Palais des Beaux-Arts de Lille est un exemple de parcours "éco-conçu", mis en avant par cet établissement lors de la réunion.

Alors que leur transport constitue l'un des principaux facteurs de pollution, le musée a choisi "de privilégier au maximum la mise en valeur de sa collection permanente" et de "fixer un seuil" maximum de prêts extérieurs, soit une quarantaine, explique Mélanie Estèves, référente développement durable. Et ils sont tous venus de pays européens, pour limiter au maximum les transports aériens. Le projet a été bâti "autour de deux chefs-d'œuvre" de Goya appartenant à la collection permanente du musée depuis 150 ans, Les Jeunes et Les Vieilles. L'exposition en raconte l'histoire et en "révèle" des secrets encore enfouis, détaille Mélanie Estèves.

Les 80 autres œuvres originales, et la soixantaine d'œuvres numérisées complétant l'exposition ont été choisies pour leur rapport avec ces toiles centrales, ou pour témoigner de la postérité de Goya, chez des peintres, dessinateurs ou réalisateurs. Le musée se prévaut ainsi d'avoir misé sur "la médiation et un propos scientifique fort", plutôt qu'une "profusion".

Quant à la scénographie, elle a été conçue pour que ses éléments constitutifs soient réemployés à 70% lors de la prochaine exposition, au printemps. Dans l'atrium du musée, un espace immersif de 170 m2 comprend par exemple 31 panneaux courbes modulables, pouvant être assemblés, démontés et réemployés. Et le Palais des Beaux-Arts a utilisé des matériaux et produits plus respectueux de l'environnement.

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