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Faites l'"Expérience Goya" au Palais des Beaux-Arts de Lille

"Expérience Goya", c'est le titre d'une belle exposition au Palais des Beaux-Arts de Lille qui propose de s'immerger dans l'œuvre du maître espagnol dont il conserve deux chefs-d'oeuvre, "Les Jeunes" et "Les Vieilles" (jusqu'au 14 février 2022).

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Francisco de Goya y Lucientes : à gauche, "Le Parasol", mars - août 1777huile sur toile, Madrid, Museo Nacional del Prado - à droite, "Portrait d’une dame en mantille noire", vers 1824, huile sur toile, Dublin, National Gallery of Ireland (A gauche © photo Museo Nacional del Prado, dist. Rmn-GP / image du Prado - A droite, © photo National Gallery of Ireland, Dublin)

Le Palais des Beaux-Arts de Lille possède deux tableaux de Francisco Goya, baptisés Les Jeunes et Les Vieilles. Il présente une exposition très réussie qui se veut une expérience d'un genre nouveau, autour de ces deux chefs-d'œuvre de ses collections. Des dispositifs numériques discrets viennent nourrir le propos sans faire oublier l'œuvre réelle présente grâce à de très beaux prêts. Un prétexte pour revenir sur la vie et le travail du grand peintre espagnol et les faire découvrir à un large public.

Les deux tableaux de Goya (1746-1828) sont arrivés dans les collections lilloises en 1873-1874 au terme d'"une épopée incroyable", selon les mots de Donatienne Dujardin, co-commissaire de l'exposition, qui nous raconte l'histoire. Ils ont fait une première incursion dans les collections françaises quand le roi Louis-Philippe charge le baron Isidore Taylor d'acquérir des œuvres destinées à nourrir une galerie espagnole au Louvre, d'où l'école espagnole est quasi absente. Les Jeunes et Les Vieilles arrivent à Paris parmi plus de 450 œuvres dont des Zurbaran, des Velàzquez, des Murillo et d'autres.

Cette galerie espagnole n'est ouverte que dix ans : à la chute de Louis-Philippe en 1848, on lui restitue cette collection acquise sur ses fonds propres et elle le suit dans son exil à Londres. Les deux peintures passent entre les mains d'un lord anglais entre 1853 et 1873, période pendant laquelle Les Vieilles est transformée pour être au même format que Les Jeunes. Elles seront désormais associées en paire alors que Goya les avait peintes indépendamment.

Francisco de Goya y Lucientes,  Autoportrait, 1815, huile sur bois, Madrid, Museo de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando (© photo Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, Madrid)

Une exposition écoresponsable

C'est Edouard Reynart, conservateur au Palais des Beaux-Arts de Lille qui fait entrer Les Jeunes et Les Vieilles dans les collections, même si le second tableau est refusé par la commission administrative et doit être acheté sur fonds privés.

Sur la première peinture, une jeune femme lit une lettre avec sa suivante qui tient une ombrelle. Au fond, des lavandières travaillent. Sur la deuxième, deux vieilles femmes décharnées se regardent dans ce qui pourrait être un miroir, derrière elles, une figure brandissant un balai menace. La peinture évoque le temps qui passe et la mort.

Le musée propose de "faire état de la vie et de l'œuvre de Goya par le prisme de l'acquisition de ces deux tableaux", explique Régis Cotentin, également commissaire de l'exposition. Et ce à travers un choix resserré de 80 œuvres, dont une quarantaine du maître, soigneusement choisies : car, au-delà du propos scientifique, l'exposition répond à un souci d'écoresponsabilité. Il s'agissait de surveiller la provenance, pour des raisons de bilan carbone, de choisir les matériaux utilisés pour la scénographie et de réfléchir à leur recyclage ou leur réemploi, explique le directeur du Palais des Beaux-Arts, Bruno Girveau.

Francisco de Goya y Lucientes, "La Laitière de Bordeaux", 1825 -1827, huile sur toile, Madrid, Museo Nacional del Prado (© photo Museo Nacional del Prado, dist. Rmn - GP / image du Prado)

Créer sa propre exposition

A peine arrivé dans le hall, on est immergé dans l'œuvre de Goya. Une rotonde a été installée qui propose, à l'intérieur, un film à 360° d'images de ses œuvres, sans commentaire. On est plongé dans les cartons de tapisseries lumineux de ses débuts et dans les scènes sombres de ses Peintures noires tardives, dans les séries de gravures. A l'extérieur sont inscrites 40 dates clé de la vie de l'artiste.

Au sous-sol, on propose au visiteur de créer "sa propre exposition" : une salle propose des œuvres sur des thèmes proches de celui des Jeunes, une autre sur les thèmes des Vieilles. Les deux chefs-d'œuvre n'arrivent qu'en fin de parcours, pour qu'on les regarde d'un œil nouveau.

Dans la première salle on peut admirer une quinzaine de peintures extraordinaires dont de nombreux prêts du Prado : des joyeux et colorés cartons de tapisserie qui évoquent l'ombrelle ou le rendez-vous, le portrait mystérieux d'une femme réalisé à la fin de sa vie quand Goya était en exil à Bordeaux, prêté par Dublin, la sublime Laitière de Bordeaux du Prado où certains ont voulu voir l'annonce de l'impressionnisme… Des cartels explicatifs racontent chaque œuvre.

Dans l'autre salle, l'univers beaucoup plus sombre, avec les gravures des Désastres de la guerre et d'autres qui évoquent sous des traits grotesques la vieillesse et la folie.

Francisco de Goya y Lucientes, à gauche, "La Lettre" dit "Les Jeunes", vers 1813-1820, huile sur toile, Lille, palais des Beaux-Arts - à droite, "Le Temps" dit "Les Vieilles", vers 1800-1812, huile sur toile, Lille, palais des Beaux-Arts (A gauche et à droite : © photo Rmn - Grand Palais / Stéphane Maréchalle)

Reconstitution de la Maison du Sourd

L'exposition convoque le cinéma et l'art moderne et contemporain, avec des œuvres d'artistes postérieurs et des extraits de films, pour montrer à quel point Goya a marqué l'histoire de l'art, de James Ensor à Cartier-Bresson, de Dali, qui lui a rendu hommage avec une série de gravures (Goya ou Les Caprices de Goya) à des réalisateurs comme Orson Welles, Federico Fellini ou Sergio Leone.

Des dispositifs numériques ont été utilisés sans aucune exagération, venant servir au mieux le propos. Une petite salle centrale évoque la "Maison du sourd" où Goya a vécu quatre ans (1819-1823). Il avait couvert les murs de peintures désespérées et macabres qui ont disparu quand la maison a été détruite. Ces Peintures noires ont été reconstituées en couleur à partir de photographies qui sont les seules traces qu'il en reste. Par ailleurs un petit film en forme d'"enquête", très bien fait, analyse les deux toiles du Musée des Beaux-Arts, utilisant notamment l'imagerie scientifique pour montrer la technique de l'artiste.

Et enfin Les Vieilles et Les Jeunes trônent seules, accrochées dos à dos, dépouillés de leur cadre, comme deux joyaux dans un écrin où l'attention n'est détournée par rien, afin qu'on puisse redécouvrir les deux chefs-d'oeuvre du Palais des Beaux-Arts.

"Expérience Goya"
Palais des Beaux-Arts,
Place de la République, Lille
Tous les jours sauf mardi, le 1er novembre, le 25 décembre et le 1er janvier, lundi 14h-18h, du mercredi au dimanche, 10h-18h
Tarifs : 10€ / 8 € / 7 € (avec les collections : 11€ / 9€ / 8€)
Du 15 octobre 2021 au 14 février 2022

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