Des étoiles de la danse ayant fui la Russie, réunies aux Etats-Unis pour une représentation unique en novembre
Danseurs ou chorégraphes, Russes et étrangers, ils ont fui le pays pour l'Europe ou les Etats-Unis après le déclenchement de la guerre contre l'Ukraine. En Californie certains se sont retrouvés pour préparer une représentation unique qui aura lieu en novembre près de Los Angeles.
Joy Womack s'était forgé un nom dans le monde ultra-compétitif de la danse classique en Russie. Mais le déclenchement de la guerre en Ukraine a fait voler en éclats la carrière de cette Américaine, comme celle de dizaines de danseurs qui ont fui les conséquences du conflit.
Loin de la mobilisation pour rejoindre le front et de la chape de plomb qui s'est abattue sur Moscou, la ballerine s'allie désormais en Californie avec de nombreuses étoiles de la scène russe, qui préparent ensemble une représentation unique le 12 novembre.
Lorsque l'invasion russe en Ukraine a débuté en février, "j'ai beaucoup pleuré", raconte la Texane, première Américaine à être diplômée de l'académie de ballet du révéré théâtre Bolchoï. "C'était comme un deuil, car je ne savais pas ce qui allait arriver. J'ai eu l'impression que c'était la fin de ma carrière."
Au début des combats, la danseuse se trouve temporairement en Pologne pour chorégraphier Joika, un film avec Diane Kruger qui retrace son parcours depuis son arrivée à Moscou à 15 ans, jusqu'à ce qu'elle devienne danseuse étoile pour le célèbre ballet moscovite. Elle décide alors de ne pas rentrer en Russie, laissant derrière elle ses affaires, ses amis et toutes ces années de travail pour arriver au sommet.
"Peur et tristesse"
"Je me construisais un avenir en Russie. J'essayais de trouver un équilibre, étant une ballerine venue d'Amérique, mais qui travaillait aussi en Russie. (...) C'est très difficile pour moi de fermer ce chapitre de ma vie" confie-t-elle en se déchaussant après une répétition, les pieds marqués par les heures de danse.
Des dizaines de danseurs, russes et étrangers, ont quitté la Russie par crainte de ne plus pouvoir travailler, ou pire, d'être appelés au front, bien avant que Vladimir Poutine n'ordonne mi-septembre une "mobilisation partielle" qui concerne 300 000 Russes.
Après vingt-six ans de carrière, Ilya Jivoy a ainsi quitté la Russie avec sa femme ukrainienne. "Quand la guerre est arrivée, j'étais en état de choc. Nous ne pouvions pas travailler normalement, nous ne savions pas quoi faire. C'est pourquoi nous sommes partis", explique ce chorégraphe, ancien membre de la troupe du théâtre Mariinsky. Aujourd'hui, il reste persuadé d'avoir fait le bon choix. "Il est quasiment impossible de travailler dans la culture en Russie. Ce n'est pas une question d'art, mais de peur et de tristesse".
Malgré les affres de l'exil, Mme Womack et M. Jivoy se sentent chanceux. D'autres n'ont pas réussi à partir. "Un collègue avec qui je travaillais l'année dernière vient d'être appelé par l'armée. C'est un danseur de ballet, il n'est pas militaire. C'est la fin de sa carrière", souffle la danseuse américaine.
"Réunis dans la danse"
Avec d'autres danseurs en exil et d'autres passés par la Russie, elle jette désormais toutes ses forces dans le spectacle de novembre, intitulé Réunis dans la danse, qui aura lieu au Segerstrom Center for the Arts de Costa Mesa, ville située au sud de Los Angeles. Dans ce centre culturel, ils présenteront des chorégraphies exclusives et d'autres déjà connues, qui ont conquis des milliers de personnes dans les salles les plus célèbres du monde.
La troupe opère sous la houlette du directeur artistique britannique Xander Parish, un ancien danseur étoile du théâtre Mariinsky qui a passé douze ans à Moscou. Lors des répétitions, il tente de composer avec la charge émotionnelle que portent certains danseurs, éprouvés par leur départ forcé. "La troupe devient une famille. On travaille et on danse avec elle. On apprend à se connaître intimement en travaillant de si près. Vos professeurs sont comme vos parents", raconte-t-il pour expliquer le déracinement de chacun.
Pendant les entraînements, une nouvelle camaraderie affleure désormais. Les membres de la troupe discutent de chaque geste, chaque mouvement, en alternant entre le russe et l'anglais. Et au milieu de cette effervescence, de nouvelles aspirations émergent. Le spectacle pourrait ainsi devenir la première pierre d'un projet plus ambitieux : la création d'une troupe permanente, capable d'accueillir les talents en exil. "Cela prendra beaucoup de temps à mettre en place, mais ce serait mon rêve", confie M. Parish. "Ceci, ce sont les premiers pas, les fondations qui nous unissent ensemble".
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