"Tropique de la violence" une adaptation théâtrale haletante du roman de Nathacha Appanah
A Paris et en tournée, une adaption puissante du roman de Nathacha Appanah.
Dans les bidonvilles de l’île de Mayotte, l’histoire tragique de Moïse, un adolescent livré à lui-même. Au Théâtre 13, le metteur en scène Alexandre Zeff donne du souffle aux personnages de Tropique de la violence, le roman coup de poing de Nathacha Appanah, publié en 2016.
Moïse a 15 ans à peine et une vie déjà pleine de drames. Il est arrivé tout petit dans les bras de sa mère à bord d’un “kwassa kwassa”, ces embarcations qui conduisent à Mayotte les migrants venus des îles voisines des Comores. Le voici confié à Marie, une infirmière débarquée de métropole. Quand Marie meurt, terrassée par un accident cérébral, Moïse prend la fuite et se trouve une nouvelle famille au sein d’un bidonville baptisé Gaza. Un lieu placé sous la coupe d’un petit caïd qui se prend pour Batman. A Gaza, la violence est partout, en dépit des efforts pathétiques de Stéphane, employé d’une association humanitaire, qui va tenter d’aider Moïse. Peine perdue : la violence est partout, elle va tout balayer.
La romancière Nathacha Appanah avait réussi dans Tropique de la violence à décortiquer les ressorts complexes de la crise des migrants sur l’île de Mayotte grâce à une fiction percutante. Son livre choc avait été salué par une avalanche de récompenses littéraires, dont le prix France Télévisions. Parmi les lecteurs, un jeune metteur en scène formé au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique : Alexandre Zeff. Il décèle immédiatement le potentiel théâtral du roman. En effet, au fil des pages, Nathacha Appanah donne la parole à chacun de ses personnages. Ils s’expriment à tour de rôle et racontent les faits de leur point de vue : Marie l’infirmière, Moïse l’adolescent perdu, Bruce le boss de Gaza ou encore Stéphane, le travailleur humanitaire. Une succession de monologues.
Des monoloques et une foule d'images saisissantes
Sur scène, même principe : chaque comédien fait avancer l’intrigue en prenant la parole. Les voix sont amplifiées par des micros car la mise en scène fait la part belle à la musique et aux projections vidéos. Une percussionniste (Blanche Lafuente) accompagne l’intrigue de ses solos de batterie. Les tableaux se succèdent, d’une beauté glaciale. Tropique de la violence laisse au spectateur une foule d’images saisissantes : des fantômes viennent hanter Moïse dans sa cellule, l’eau inonde le plateau, un sol mouvant s’émiette, devient une multitude de petits îlots. Il y a aussi ce combat à la nuit tombée, lutte d’ados devenue lutte à mort, opposition de deux comédiens habités : Mexianu Medenou (Bruce) et Alexis Tieno (Moïse).
Quand la salle se rallume, une évidence : le spectacle est sombre et violent, comme l’était le roman. A la sortie du spectacle, Alexandre Zeff prend le temps d’échanger quelques instants. "Le livre de Nathacha Appanah m’a amené de la fiction vers le réel. Pour préparer ce spectacle je suis allé à Mayotte, j’ai vu les difficultés immenses de ces migrants venus des Comores et des mineurs isolés. Ici, à Paris, on fait notre boulot artistique, mais il ne faut surtout pas oublier la détresse des jeunes de Mayotte. Ils n’ont même pas un lieu culturel où ils pourraient prendre la parole. C’est aussi une des causes de la violence. Rendez-vous compte : ce spectacle, il est techniquement impossible de le jouer là-bas, il n’y a pas de salle de théâtre dans ce département français". Dommage, il serait passionnant de voir Tropique de la violence programmé à Mamoudzou ou Dzaoudzi, devant les gamins de Gaza, le plus grand bidonville de France…
"Tropique de la violence" de Nathacha Appanah mise en scène Alexandre Zeff
Au Théâtre 13 (Bibliothèque) à Paris jusqu’au 30 septembre. Durée : 1h25
A l’Espace BM Koltès de Metz les 13 et 14 septembre
Au Théâtre de Chelles le 21 octobre
Aux Célestins à Lyon du 23 au 27 novembre
A Laval le 8 décembre. Durée : 1h25
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