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Festival d'Avignon Off : "La Journée de la jupe", du film à la scène, une adaptation remarquable

Auteur et réalisateur de "La Journée de la jupe" avec Isabelle Adjani, Jean-Paul Lilienfeld adapte pour le théâtre dix ans plus tard son film dont le sujet est toujours brûlant.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Gaëlle Billaut-Danno et Sissoko Abdulah dans "La Journée de la jupe" de Jean-Paul Lilienfeld, mis en scène par Frédéric Fage. (DR)

C’est sous l’impulsion du metteur en scène Frédéric Fage que Jean-Paul Lilienfeld a accepté de transposer sur les planches La Journée de la jupe avec une excellente Gaëlle Billaut-Danno dans le rôle de la prof de français tenu en 2009 par Isabelle Adjani. Elle est entourée de Julien Jacob et de cinq comédiens en herbe, tous impressionnants. Une réussite, qui se joue jusqu’au 28 juillet au Théâtre du Balcon, dans le Off d’Avignon.

Pression constante

Sonia Bergerac, prof de français, est confrontée à des élèves difficiles qui n’en font qu’à leur tête. Elle est traitée de raciste et de provocatrice, voire de maniaco-dépressive. Lors d’une altercation avec un élève, elle confisque son sac et y découvre un revolver, s’en empare et prend en otages les adolescents, déclenchant une vaste opération policière et médiatique.

Le film de Paul Lilienfeld se prête merveilleusement à une adaptation théâtrale par son huis-clos et sa progression dramatique. La tension est palpable d’entrée. Les frictions entre ados, leur langage ordurier et insultant, leur mauvaise foi et leurs provocations ne cessent de monter, mettant à bout une femme prise entre sa mission éducatrice et sa défense contre une pression constante. Jusqu’où tiendra-t-elle ?

Thriller social

Madame Bergerac est propulsée dans une spirale infernale. L’arme qu’elle découvre est le vecteur du pouvoir, qui lui permet enfin de se faire entendre. Elle va en user et en abuser, plongeant dans un processus qui la dépasse, avec des conséquences tragiques.

La mécanique systémique la fait tour à tour vengeresse, protectrice, revendicatrice. D’abord victime, elle s’enivre d’une puissance recouvrée. Elle n’en reste pas moins fragile, tout comme son interlocuteur policier qui mène la négociation entre elle et les autorités. Ce n’est pas le moindre des atouts de la pièce que de cadrer leur milieu socio-culturel à tous deux. Ce qui va peser dans leurs échanges.

Constamment relancée, l’action ne faiblit pas dans ce thriller social où s’entremêlent une vision de la deuxième génération issue de l’immigration, l’échec relatif du mode éducatif, l’affirmation des identités religieuses, avec comme fil rouge une vision machiste des femmes qui, depuis la sortie du film, a pris le devant de la scène.

Au pied du mur

Frédéric Fage, à la mise en scène, occupe le plateau avec dynamisme, dans ses mouvements d’acteurs, tout en jouant d’éclairages en clair-obscur et en transparences, avec quelques vidéos, toujours justifiées par l’action. Gaëlle Billaut-Danno s’empare du rôle de Sonia à bras le corps, entourée de cinq jeunes non professionnels, et que les adaptateurs ont trouvé dans leur entourage. Frédéric Fage dit ne pas faire de casting et trouver ses acteurs au gré des rencontres ou en pensant d’emblée à ses interprètes. Ce qui lui réussit plutôt bien.

De son côté, Paul Lilienfeld confie avoir accepté la proposition du metteur en scène "parce que dix ans plus tard, les raisons qui m’avaient motivé à écrire cette histoire demeurent. Différentes composantes de notre société s’affrontent aujourd’hui en des face-à-face tendus (culpabilité post-coloniale, irresponsabilité collective, néocolonialisme, machisme religieux, l’Ecole mise au pied du mur…). Ayons le courage de ne pas les laisser se transformer en corps à corps. J’espère que cette pièce y contribuera".

L'affiche de l'adapation théâtrale de  "La Journée de la jupe"  (DR)

La Journée de la jupe
De Paul Lilienfeld
Mise en scène : Frédéric Fage

Interprètes : Gaëlle Billaut-Danno, Julien Jacob, Sissoko Abdulah, Hugo Benhamou-Pépin, Lancelot Cherer, Amélia Ewu, Sylvia Gnahoua

Théâtre du Balcon
38, rue Guillaume Puy,  Avignon
Du 5 au 28 juillet
Relâche : 9, 16, 23 juillet
Réservations : +33 (0)4 90 85 00 80

Tarifs :
Abonné 15 €
Plein tarif : 22 €

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