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Avignon c'est fini, nos bonheurs et nos regrets !

Avignon se termine ce week-end et l'heure du bilan a sonné. En attendant les chiffres et les perspectives, voici les bonheurs et les regrets de la rédaction de Culturebox.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
File d'attente devant le théâtre des Béliers, Avignon
 (Sophie Jouve)

Nombreuses adaptations de romans dans le Off

A Avignon, le Off demeure cet endroit bouillonnant où coexistent spectacles de patronages et pépites (de plus en plus nombreuses, comme le souligne Jean-Michel Ribes dans l'interview qu'il nous a accordée). Quel plaisir ainsi de voir arriver à pleine maturité le comédien Emmanuel Noblet, qui a touché le cœur le public avec son adaptation du roman de Maylis de Kérangal : "Réparer les vivants". Avec une économie de moyens, seul en scène, le comédien tire de ce roman un spectacle de théâtre intense.
Emmanuel Noblet
 (Laurence Houot)
Exercice délicat, les adaptations de romans se sont multipliées à Avignon, avec des ratages et parfois de vrais moments de grâce. C'est le cas avec "Passion simple". Marie Matheron réussit à concrétiser la folle passion d'Annie Ernaux par une multitude de petits détails, qui passent autant par le corps que par les mots.

Le Off, sa sueur, son coût mirobolant pour les artistes dont on ne peut s'empêcher d'admirer la ténacité. Tout au long du festival nous avons partagé avec vous nos coups de cœur.


William Shakespeare prend ses quartiers d'été dans le In

Le grand William Shakespeare a lui pris ses quartiers d'été dans le In. Chahuté dans la version du "Roi Lear" d'Olivier Py, salué dans le "Richard III" à grand spectacle de Thomas Ostermeier, qui aurait eu dans la Cour d'honneur une puissance encore décuplée. La surprise est venue d"Antoine et Cléopâtre" du Portugais Tiago Rodrigues, qui a réussi à extraire toute la poésie de ce texte, et à le faire résonner comme un profond chant d'amour.
Lars Eidinger est Richard III, mis en scène par Thomas Ostermeier
 (Boris Horvat/AFP)

Découvertes et regrets

D'autres belles soirées sont venues des quatre coins de la planète. L'éminent metteur en scène polonais, Kristian Lupa, a proposé une saisissante (bien qu'un peu longue) adaptation "Des arbres à abattre" de Thomas Bernhard. Son spectacle sarcastique contre les coteries d’artistes compromises avec le pouvoir, a créé le buzz. 4h30 en polonais surtitré, pas de quoi décourager le festivalier avide de découvertes. 
"Des arbres à abattre" de Thomas Bernhard, mis en scène par Kristian Lupa
 (Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon)
Au rang des déceptions dans la dernière ligne droite : "Meursaults", adapté du roman de Kamel Daoud, lui-même inspiré de "L'Etranger" de Camus. Cette pièce montée par Philippe Berling aurait pu décoiffer, la mise en scène trop sage, pour ne pas dire inexistante, n'a pas convaincu. Déception également avec "Retour à Berratham" d'Angelin Preljocaj qui n'a pas su imbriquer suffisamment sa danse, au texte de Laurent Mauvignier.

Mais revenons à ces belles surprises qui ont émaillées nos soirées caniculaires, avec pèle mêle : "Fugue", théâtre musical déjanté et jubilatoire de Samuel Achache (l'un des trentenaires qui faisait son premier festival), L'"Ubu" itinérant et imparfait mais tellement généreux d'Olivier Martin Salvan, "Le Vivier des noms" de Valère Novarina qui  sait si bien s’entourer pour donner une évidence à sa langue dynamitée, "Forbidden di Sporgersi", spectacle brut de Pierre Meunier mettant la pensée libre et joyeuse d'une jeune femme autiste et écrivain.
"Fugue" et la scène déjà culte de la baignoire !
 (Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon)

Magnifiques Isabelle Huppert et Fanny Ardant

Et puis dans cette 69e édition du festival, alors que les metteuses en scènes étaient peu représentées, deux femmes, deux merveilleuses comédiennes, Isabelle Huppert et Fanny Ardant resteront gravées dans nos mémoires. 
  (Sophie Jouve)
Huppert lumineuse flamme rouge dans sa lecture d'un montage de textes de Sade, a dompté le mistral et s’est fait l’incarnation du vice et de la vertu. Fanny Ardant, magnifique Cassandre, puissante autant que fragile, disant le texte somptueux de l'Allemande Christa Wolfdans, sur la musique de Michael Jarrell.

Deux réussites dont on regrette qu'elles aient été l'objet d'une unique représentation. Comme on regrette l'absence presque totale des grands textes de notre littérature théâtrale et notamment dans la Cour d'honneur.

Pour cette première édition qu'Olivier Py a voulu de bout en bout (celle de l'année dernière qu'il dirigeait déjà, ayant été perturbée par la grève des intermittents), malgré les belles réussites que nous avons citées, notre plaisir n'a pas été complet.

Il reste que si l'on ajoute le Off au In, Avignon demeure bien, après cette 69e édition, un lieu qui contredit la jolie phrase de Martin Salvan : « On parle beaucoup aujourd’hui d’un besoin permanent de se vider la tête sans se demander à quel moment on la remplit ». Avignon est l'un de ces moments là.


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