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"Danser Casa" au festival de Suresnes : le hip-hop marocain célébré par Attou et Merzouki

"Danser Casa" est à l’affiche de Suresnes Cités Danse (du 1er au 3 février 2019), avec de jeunes danseurs marocains emmenés et galvanisés par deux stars du hip-hop : Kader Attou et Mourad Merzouki. Nous étions à Casablanca pour la première, 40 dates plus tard les voici à Suresnes, ne les ratez pas !
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
"Danser Casa" à Suresnes Cités Danse
 (Michel Cavalda)

Kader Attou et Mourad Merzouki, tous deux d’origine algérienne, se sont connus enfants dans la banlieue lyonnaise. De leur premiers pas de danse dans la rue aux Centres chorégraphiques nationaux qu’ils dirigent aujourd’hui (La Rochelle pour Attou, Créteil pour Merzouki), ils ne se sont jamais perdus de vue. Alors quand Anne-Sophie Dupoux, ancienne administratrice de Suresnes Cités Danse, leur a proposé de monter un spectacle avec des danseurs qui n’ont, dans leur pays, que la rue ou internet pour apprendre à danser, ils n’ont pas hésité.

Mourad Merzouki et Kader Attou en avril 2018 à Casablanca
 (S.Jouve/Culturebox)

Fougue et audace

Après un casting sauvage d’une centaine de jeunes, pour n’en retenir que huit dont une femme, après deux mois de résidence répartis sur un an, le spectacle était né. Et par une belle soirée d’avril dernier dans la banlieue casablancaise, nous avons été subjugués par la fougue et l’audace de ces jeunes Marocains, leur aisance à s’approprier les codes et les styles de danses, du popping à la danse contemporaine, qu’ils n’avaient pourtant approché ni de près ni de loin.

Des histoires particulières

Le spectacle démarre par des pieds nus éclairés qui trottent dans l’espace, fourmillent, explorent, semblent vivre leur propre vie sur fond de musique orientale. Puis peu à peu, les corps se découvrent, un danseur se détache du groupe, le toise et prend son autonomie. Ayoub Abekkane, Moussab Belhajali, Yassine El Moussaoui, Oussama El Yousfi, Aymen Fikri, Stella Keys, Hatim Laamarti, Ahmed Samoud dansent avec leurs vécus, leurs histoires particulières. Entre force, rage et grâce, on est bluffé par leur niveau technique et leur expressivité.
"Danser Casa" chorégraphie de Kader Attou et Mourad Merzouki
 (Yoriyas)

Une formation accélérée

Aymen Fikri, 22 ans, savoure cette opportunité exceptionnelle : "C’est ma première expérience de création, j’ai l’habitude de faire des battles, mais là sur scène c’est magique. On était plus sur la technique que sur l’interprétation, on a appris à lancer un message. C’est la chose qu’ils nous ont apprise, et à travailler en groupe. C’est comme une formation accélérée. Ma manière de danser et de penser à changer."
Aymen Fikri, danseur dans "Danser Casa"
 (S.Jouve/Culturebox)

Un superbe dialogue dansé

Il faut voir Aymen Fikri et Hatim Laamarti, dans un duo magnifique qui prend la forme d’un véritable dialogue dansé, tant les garçons à fleur de peau expriment toutes les nuances de leurs peurs, de leurs doutes face à l’autre mais aussi leur besoin de communiquer qui les conduit par la danse à un rapprochement. Un moment phare du spectacle, comme le sont les tableaux de groupes souvent acrobatiques mais parfaitement fluides.
8 danseurs marocains au Festival de hip-hop de Suresnes
 (Michel Cavalda)

"Peut-être les danseurs et chorégaphes de demain"

"Ils m’ont plus que surpris, je ne m’attendais pas à ce qu’ils aillent aussi loin", confie Mourad Merzouki avec ce sourire lumineux et cette bienveillance qui le caractérisent. "En un an on a l’impression qu’ils sortent de compagnies; qu’ils ont derrière eux une expérience de création, alors que pas du tout. Nous, on est sensible à ce désir de prendre des risques avec d’autres musiques, d’autres façons de travailler, c’est précieux car ce sont peut-être les danseurs et les chorégraphes de demain. Leur transmettre ce que l’on a pu apprendre dans notre propre parcours, ça fait sens."
La troupe de "Danser Casa" le soir de la Première en avril 2018 à Casablanca
 (S.Jouve/Culturebox)

"Toutes les femmes ont une place dans ce monde-là"

Stella Gladys, la seule fille d’origine congolaise, a abandonné son enseignement de la danse africaine pour se consacrer à "Danser Casa" : "J’ai appris de nouvelles bases hip-hop que je n’avais pas. Ça m’ajoute un bagage énorme. Ce qui m’a le plus touchée c’est de savoir aujourd’hui sentir l’autre, savoir communiquer sans parler, savoir contrôler mon corps sur la scène, donner une intention au public, quelque chose de presque surnaturel." La sous-représentation des femmes dans la danse hip-hop ne semble pas inquiéter Stella. "Il n’y a pas d’histoire de sexe. Il y a des hommes qui sont des danseurs hip-hop et qui ont une gestuelle féminine, et des filles qui dansent le hip-hop avec une gestuelle masculine, ce n’est pas un problème. Toutes les femmes ont une place dans ce monde-là, il faut savoir installer son énergie, le hip-hop je le prends aussi sérieusement que des cours de math ou de biologie."
Stella Gladys, danseuse dans "Danser Casa"
 (S.Jouve/Culturebox)

Aider à professionnaliser la scène marocaine

Depuis que nous l’avons vue, la pièce a été jouée 40 fois, au Maroc, en France, en Allemagne, en Egypte et dans les Emirats. Il est donc probable qu’elle ait évolué et que les danseurs se soient encore plus installés dans leurs gestes et dans leurs enchaînements. Kader Attou et Mourad Merzouki espèrent que ce succès donnera des idées aux institutions marocaines, un pays où la scène hip-hop en pleine effervescence a besoin de se professionnaliser. D’autant qu’après Suresnes, la tournée de "Danser Casa" va se prolonger encore une année !  

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