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Les ballets mythiques de Martha Graham ouvrent la saison à l’Opéra Garnier

L’opéra Garnier fait sa rentrée avec un programme Martha Graham, la grande prêtresse américaine de la danse moderne (1894-1991). Une sélection fine de quatre ballets parmi les 181 qu'elle a créées. Une démonstration imparable de son audace et de sa technique, une chorégraphe culte qui a révolutionné la danse et inspiré ses successeurs, d’abord américains, de Cunningham à Balanchine.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"The rite of spring" de Martha Graham
 (Benoîte Fanton / Opéra national de Paris)

L’une des surprises de cette soirée et non des moindres est de découvrir Aurélie Dupont, la directrice de la danse de l’Opéra de Paris, dans la recréation d’un de ses solos perdus : "Ekstasis". 

Ode à la terre


Vêtue d’une robe en jersey de couleur pâle, comme Graham en son temps, le corps de la danseuse s’enroule et se déroule avec calme et volupté. Ondulation subtile, mouvements lents ancrés dans le sol, alternent avec des torsions de certaines parties du corps. Martha Graham disait "avoir découvert par elle-même la relation entre la hanche et l’épaule (...) les extensions et les articulations de l’anatomie", lors de la création de ce solo.  

Parfois un bras ou un pied semblent flotter dans l’air. Une danse troublante, une sorte d’ode à la terre que Virginie Mécène, auteure de cette réinvention, a choisi d’accompagner par la très belle partition de l’espagnol Ramon Humet mêlant percussion en bois et flûte japonaise en bambou évoquant l’eau, sacrée, primitive et éternelle. 
"Ekstasis" de Martha Graham dansé par Aurélie Dupont
 (Benoîte Fanton / Opéra national de Paris)

Comme une tragédie


Un solo de 5 minutes d’une beauté sculpturale, emblématique du style Graham : celle-ci insistait souvent sur le mouvement de contraction relâchement qui part de la région pelvienne, considérée comme la source de l’énergie.

Autre période, autre curiosité pour ouvrir la soirée, "Cave of the Heart" pour quatre danseurs, inspiré du mythe de Médée. Ce ballet de 1946 frappe par sa modernité. La danse de Médée, incarnée par la très belle Xin Ying, est trouble, rapide puis se déploie en incantations, pour se donner le courage de commettre son crime. Une légende revisitée avec pas mal d'humour, Médée rappelle la méchante reine de Blanche Neige. Martha Graham centre son ballet non sur l'infanticide mais sur la couronne empoisonnée que Médée place sur la tête de la fille de Créon, nouvelle compagne de Jason, avant de s'enfermer dans une cage telle une bête sauvage. Un ballet ambitieux dont on goûte la relecture sarcastique, grâce aussi à Lorenzo Pagano en Jason, Laurel Dalley Smith en fille de Créon et Leslie Andrea Williams qui incarne le choeur. Tous issus de la compagnie Martha Graham qui investit l’Opéra Garnier. 
"Cave of Heart", la Médée de Martha Graham
 (Benoîte Fanton / Opéra national de Paris)


Rituel indien


C’est en 1993, elle était alors âgée de 90 ans, que Martha Graham a eu enfin envie d’affronter son "Sacre du Printemps". Ce sacrifice d’une jeune fille au dieu de la fertilité, elle le situe dans le sud de l’Amérique. Le sage, elle le transforme en une sorte de chamane puissant et charismatique, drapé dans un immense manteau. Dans un duo saisissant il enroule l’élue d’une corde et la prépare, avec deux acolytes, à son destin. Dans le rôle de l'élue, Peiju Chien-Pott, poignante dans l'expression de la souffrance.

Les 18 danseurs, 9 hommes et 9 femmes se livrent à un rituel indien convoquant la pluie, nerveux, aux mouvements graphiques étonnamment actuels, alternant tensions et libérations selon le principe grahamien. On pense presque parfois à des figures de hip hop.
"The rite of Spring", la version du Sacre du printemps de Martha Graham
 (Benoîte Fanton / Opéra national de Paris)


Une exploration du deuil


Le ballet "Lamentations" démarre par des images de 1930 et 1940 de Martha Graham interprétant son solo sur le deuil. Enveloppée d’un tube de jersey, assise, la danseuse se balance et se plie de manière continue dans une danse de souffrance.
 
Les images d’archives laissent ensuite place à des variations que la compagnie a initiées après le 11 septembre 2001, les proposant à différents chorégraphes. Le jour de la première, nous avons vu trois de ces variations qui durent quatre minutes. La création du danseur de l'Opéra de Paris, Nicolas Paul, dernière en date, pâtit un peu, hélas, de sa proximité avec les deux autres plus captivantes et mieux maîtrisées : celle du Taiwanais Bulareyaung Pagarlava et celle de Larry Keigwin (où les danseurs semblent vraiment assister à l'effondrement des tours).  
Lamentations-variation de Nicolas Paul de l'Opéra de Paris
 (Benoîte Fanton / Opéra national de Paris)

Une soirée qui au final nous aura vivement intéressés. Une page d’histoire de la danse, un condensé de l’oeuvre d’une chorégraphe et d’une troupe mythique chaudement recommandés. Dépêchez-vous, leur présence est un événement, ils ne sont là que pour 6 représentations ! 


Les 6, 7 et 8 septembre, le ballet "Cave of the heart" est remplacé par "Appalachian Spring"

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