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Benjamin Millepied : "Je dédie ce pas de deux aux victimes des attentats"

Deux mois après sa prise de fonction, le nouveau directeur de la danse de l'Opéra de Paris nous reçoit dans son bureau, entre deux avions. Il revient de New York et repart en Russie. Il a créé un pas de deux pour Aurélie Dupont et Hervé Moreau, qui vient d'être ajouté au programme Nicolas Paul/ Pierre Rigal/Edouard Lock. Ce spectacle sera présenté du 3 au 20 février. Interview.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Benjamin Millepied dans son bureau à l'Opéra Garnier, le 27 janvier 2015
 (Sophie Jouve/Culturebox)
Culturebox : Quelle est la genèse de ce pas de deux "Together alone", ajouté à la dernière minute au programme du prochain spectacle de l'Opéra ?

Benjamin Millepied : Tout simplement, c'est la dernière saison d'Aurélie Dupont, et il se trouve que c'est une saison où elle n'a pas forcément beaucoup de spectacles. En en parlant, on se disait que c'était bien de partir en dansant des choses nouvelles et pas seulement avec le rôle de Manon qu'elle incarnera au printemps. C'est quelqu'un avec qui j'ai beaucoup chorégraphié, "Daphnis et Chloé" (2014), "Amoveo" (2006)… On a une histoire, un rapport très positif dans le travail. J'ai reçu ces études pour piano de Philip Glass qui viennent juste de sortir et j'ai trouvé la 20e très, très belle. J'ai donc pensé créer quelque chose pour Aurélie et Hervé Moreau. Ils forment un couple fantastique en scène. Ils ont un rapport très simple au travail. Ils sont très beaux et très gracieux tous les deux.

On a monté d'abord ce pas de deux pour un gala, qui a eu lieu le 12 janvier, puis on s'est dit que ce serait bien de l'ajouter à ce programme. On était content du résultat. 
Benjamin Millepied et Aurélie Dupont en répétition
 (Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Comment vous avez élaboré ce pas de deux ?

Ce duo de 12 minutes, "Together alone", est très écrit. Mais il y a toujours un rapport d'inspiration, quand on a les interprètes devant soi. Et quand surtout on a une interprète qui m'est tout de suite venu à l'esprit quand j'ai écouté la musique. C'est un duo qui passe par toute une trajectoire émotionnelle, sur une musique de Philip Glass inhabituelle qui ressemble par certains aspects à Rachmaninov. Une musique qui donne beaucoup d'espoir mais qui est aussi très mélancolique. Il se trouve aussi que j'ai fini ce pas de deux pendant la semaine des attentats. Je connaissais bien Cabu et, comme tout le pays, j'ai été extrêmement touché par ce qui s'est passé. Ce duo je veux le dédier aux victimes des attentats. Ces évènements épouvantables ont été évidemment dans la conscience de mon travail les derniers jours. 
Aurélie Dupont et Hervé Moreau dansent un extrait de "Together alone" dans l'émission "Le Grand Echiquier" du 23 janvier 
 (Groupe France Télévisions France2)
Vous êtes passé il y deux mois des 20 danseurs de votre compagnie L.A. Dance Project, aux 154 danseurs du corps de ballet de l'Opéra, vous avez trouvé vos marques ?

C'est complètement, complètement différent ! En fait on peut plutôt comparer ça à mon histoire au New York City Ballet où nous étions 100, mais mon ancien directeur avait une relation très directe avec le studio (lieu de travail et de répétition). Mais à Paris, il y a deux salles (Garnier et Bastille), ce deuxième théâtre complique beaucoup les choses. Vu l'ampleur du travail et les responsabilités, mon travail de directeur ne peut pas tout a fait être le sien. Je découvre, j'ai des envies, je veux avant tout avoir un impact sur la danse, sur la façon dont les artistes s'expriment avec leur corps et leur technique. La programmation est là pour nourrir ça. C'est un moment d'adaptation et aussi un moment ou je tire l'institution, le ballet vers de nouvelles habitudes, de nouvelles expériences.

Vous trouvez le temps d'être en studio, ce qui est nouveau ?

Ceci dit ces deux dernières semaines, je n'en ai pas eu le temps car nous avons le lancement de saison (qui sera officialisé le 3 février), et puis il y a une nouvelle équipe, il faut apprendre à déléguer plus. Il y a une énorme adaptation pour pouvoir arriver à faire le travail que je veux faire. Il faut que la saison prochaine je sois le plus possible en studio. 
Benjamin Millepied en répétition pour "Daphnis et Chloé"
 (Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Vous avez proposé également des cours ?

C'est mon travail. Un directeur doit faire passer sa vision de la danse par le cours et par les répétitions. C'était organisé différemment auparavant. Le maitre de ballet associé à la direction faisait ce travail, c'est une autre façon de faire les choses. Moi ce n'est pas comme cela que je veux faire, car j'ai été danseur au New York City Ballet pendant 20 ans, je suis chorégraphe et c'est dans le studio que je veux faire ce travail.

Le 3 février, vous allez dévoiler le programme de la nouvelle saison, pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?

C'est une saison qui célèbre les grands artistes chorégraphiques d'aujourd'hui. Ils ne seront pas tous là, car certains bien sûr faisaient l'objet de la programmation de Brigitte Lefèvre. L'idée est de faire venir des personnalités nouvelles.

On a un éventail riche. De nombreux chorégraphes, beaucoup de nouvelles productions, beaucoup d'entrées au répertoire. Mon séjour à l'Opéra de Paris avec Stéphane Lissner, c'est aussi une période où on ne va pas faire les choses exactement comme avant.

Il y a des départs importants, Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont…

La relève est là. Ce qu'il faut c'est que tous les danseurs arrivent à réaliser tout leur potentiel. Mon souci c'est d'avoir assez de rôles, de spectacles à leur donner, les opportunités qu'ils méritent. C'est ça le plus dur.

Vous avez déjà opéré des changements dans le quotidien des danseurs ?

On a changé les sols des salles de répétitions. On a mis en place tout un pôle santé qui mérite d'être présent pour les danseurs et même pour moi, pour que je puisse faire mon travail correctement. C'est un soutien qui existe dans les grandes compagnies et qui est extrêmement important, de kiné, de massage, d'orthopédie, de vraie gym, pour que le danseur puisse aller plus loin

En 2006 vous m'aviez donné une vidéo de vous dansant dans les rues de New York, vous aimeriez faire la même chose dans les rues de Paris ?

Le réaliser oui, mais pas en tant que danseur ! Je vais continuer à faire des films. On verra sûrement des danseurs de l'Opéra dans les rues de Paris !


Nicolas Paul/Pierre Rigal/Edouard Lock/Benjamin Millepied à l'Opéra Garnier
Du 3 au 20 février 2015
Réservation : 08 92 89 90 90 
"Répliques" de Nicolas Paul
"Salut" de Pierre Rigal (création)
"Andréauria" d'Edouard Lock
"Together alone" de Benjamin Millepied (création)






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